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5639• La crise israélienne est, dans son exceptionnalité et sa gravité, de la même tension dont est faite la GrandeCrise qui nous secoue, de la même eau qui emporte l’“Occident-collectif” depuis le 24 février 2022. • Cette crise a pris un tour nouveau et spectaculaire avec le départ du ministre de la défense, révoqué par Netanyahou parce qu’il avait exprimé l’opposition radicale des forces armées aux réformes constitutionnelles du Premier ministre. • La cohésion et la puissance d’Israël, une des “vaches sacrées” de la sécurité du Système, sont aujourd’hui en jeu.
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« Le plus grand danger pour Israël ne vient pas de l’extérieur, mais bien de l’intérieur », disait le fameux pacifiste israélien Uri Avnery, critique inlassable des structures de sécurité nationale israélienne qui pérennisaient selon lui un état de guerre permanent. Le paradoxe de l’actuelle crise israélienne, – la plus grave crise intérieure, et de loin, qu’ait connue ce pays, – c’est que des structures importantes de la sécurité nationale sont en pointe d’une contestation inouïe et sans précédent. Cela est marqué par la brutale mise à pied, – fait également sans précédent hors des situations de crise extérieure aigue, – du ministre de la défense Yaov Gallant par le Premier ministre Netanyahou.
La décision de Netanyahou vient après une déclaration de Gallant selon laquelle les réformes sur le système de contrôle juridique du pouvoir proposées par le premier ministre ont provoqué de telles réactions, y compris sinon surtout dans les forces armées, qu’elles constituent une menace pour la sécurité nationale du pays : Netanyahou accusé par le chef civil des forces armées d’être une menace existentielle pour Israël ! Voici le récit qu’en fait RT.com :
« Gallant est le premier membre du cabinet de M. Netanyahou à rompre les rangs avec le Premier ministre au sujet de sa proposition d'accélérer le processus de sélection des juges de la Cour suprême et de restreindre le pouvoir de la Cour sur la Knesset. Ce projet a été condamné tant au niveau international qu'au niveau national et a creusé un fossé entre le bureau du Premier ministre et l'armée.
» Le ministre de la défense a prévenu que l'agitation suscitée par le projet de prise de pouvoir du Premier ministre mettait en péril la sécurité nationale d'Israël et qu'il ne pouvait donc pas le soutenir. “La fracture au sein de notre société s'élargit et pénètre les forces de défense israéliennes”, causant “un danger clair, immédiat et tangible pour la sécurité de l'État”, a déclaré M. Gallant lors d'un discours télévisé samedi. “Je n'y participerai pas”.
» Moins de 24 heures plus tard, M. Netanyahou a annoncé son renvoi dans une déclaration d’une ligne, dimanche, déclenchant une tempête de protestations. Des milliers d'Israéliens sont descendus dans les rues de Jérusalem pour dénoncer ce qui est largement perçu comme un excès de pouvoir inadmissible de la part du Premier ministre. Les manifestants ont bloqué l’autoroute Ayalon de Tel Aviv dans les deux sens, tandis que d’autres se sont rassemblés devant les domiciles des députés du parti Likoud et d'autres hauts fonctionnaires. »
La décision de Netanyahou aggrave considérablement la crise israélienne, la faisant monter jusqu’au paroxysme d’une crise politique se transformant en crise institutionnelle. Les réactions ont été immédiates, elles seront évidemment nombreuses et créent une situation quasiment révolutionnaire. Le point le plus remarquable est que la contestation touche directement les forces armées, notamment par le biais des réservistes qui composent l’essentiel des forces armées et introduisent donc dans ces forces le ferment d’une division sans précédent.
« Un groupe d'universités a annoncé une grève générale, tandis que le directeur général du ministère de la défense a interrompu son voyage aux États-Unis pour rentrer chez lui. Le consul général d'Israël à New York, Asaf Zamir, a annoncé sa démission sur Twitter, s'engageant à “rejoindre le combat pour l'avenir d'Israël afin de s'assurer qu'il reste un phare de la démocratie et de la liberté dans le monde”.
» Gallant, ancien commando de marine, avait prévenu à plusieurs reprises son premier ministre que de nombreux membres de Tsahal avaient menacé de quitter leur emploi, temporairement ou définitivement, si sa proposition devenait loi. Bien que l'armée n'ait pas révélé de statistiques exactes sur le nombre de réservistes en moins qui se sont présentés au travail ce mois-ci par rapport aux mois précédents, elle a confirmé avoir reçu une lettre de 200 pilotes de réserve annonçant qu'ils ne participeraient pas aux deux prochaines semaines de travail en signe de protestation contre la réforme judiciaire de Netanyahu.
» Le chef d'état-major des FDI, le lieutenant-général Herzi Halevi, a même admis que les réservistes étaient suffisamment touchés par le mouvement pour que l'armée doive réduire certaines opérations, ont déclaré des représentants du gouvernement au New York Times en début de semaine. [...]
» L'ancien Premier ministre Ehud Barak s'est élevé contre son successeur dimanche, prédisant que les protestations dans les rangs des réservistes de Tsahal allaient s'amplifier et appelant Netanyahou à démissionner. Le renvoi de Gallant “montre qu'il a perdu son jugement et sa capacité à évaluer la réalité”, a déclaré Barak. »
... Si l’on veut une explication complète de la crise israélienne, avec bons sentiments, remontrances à Netanyahou, glorification des forces armées et du reste (Tsahal, Mossad, « véritables outils d’intégration et d’émancipation »), alerte à “l’extrême-droite” (en France) et dangerosité de l’Iran (« qui appelle régulièrement à la destruction de l’Etat Juif »), on lit une tribune du professeur de Médecine Hagay Sogol, ex-PS et militant marseillais du collectif ‘Tous enfants d’Abraham’. Il s’agit d’une analyse entièrement macroniste, comme une soupe d’eau tiède au navet stérilisé, reflétant le sentiment passé à l’essoreuse du simulacre, du Système devant les événements d’Israël. Le professeur Hagay, en décrivant Israël en crise comme si la crise n’existait pas vraiment, c’est-à-dire fondamentalement et ontologiquement puisqu’il s’agit toujours de la démocratie, parvient à terminer sur un jugement de la situation française comme s’il s’agissait d’Israël :
« Aujourd’hui, la France est la croisée des chemins. Ses citoyens, habitués à l’Etat providence, ont du mal à accepter les changements nécessaires pour préserver l’essentiel des mesures qui font leur fierté : la santé et l’éducation pour tous, la retraite par répartition ou les différentes aides sociales. Un nombre sans cesse croissant d’électeurs semblent déçus par les partis traditionnels, leur attitude et leur programme. »
Tout cela nous dispense de nous plonger dans les causes directes du tremblement de terre israéliens, comme il nous paraît peu utile de nouds aventurer dans les arcanes du changement de l’âge de la retraite. Hier, Mercouris et Christoforou, parlant de la situation française, prenaient soin de préciser que, comme la situation en Allemagne, au Royaume-Uni, en Hollande et aux États-Unis, « il s’agit de la même crise »... Ils auraient pu ajouter, bien entendu : “comme la situation en Israël”.
Sans nul doute, la situation israélienne constitue une indication intéressante, – un peu comme l’Arabie se tournant vers l’axe Chine-Russie et laissant le dollar derrière elle. Israël est un de ces pays qui constitue un pilier du système de sécurité transnational de l’“Occident-collectif” et son désordre, fortement nourri par les remous au sein des forces armées, constitue un événement terrible, stratégiquement et symboliquement. Depuis des décennies (depuis sa création) se trouve entretenue la crainte de la destruction d’Israël par des actions extérieures, et le spectacle qui nous est offert est celui d’une immense crise touchant, – spectaculairement sinon principalement, – l’outil central de sa sécurité intérieure. Il s’agit d’une sorte de dévoration de soi-même, d’une sorte de cannibalisme du Système, exactement comme en France et ailleurs, partout, comme une trainée de poudre dans cet “Occident-collectif”.
L’ébranlement d’Israël ne doit rien avoir pour nous surprendre. Il répond à l’ébranlement que représente le cas saoudien dans la région, ou le cas de la réconciliation Arabie-Iran ; ou, si l’on veut bien entendu, réponse à l’ébranlement d’une perfection correspondant à l’intelligence tant célébrée de ce pays, que l’on ressent devant la situation française, ou bien encore si l’on veut parler de l’ébranlement de la Deutsche Bank...
Les remous qui agitent les forces armées israéliennes ne doivent rien avoir pour nous inquiéter : il ne faut pas avoir de crainte, ni d’un putsch, ni d’un pronunciamiento comme au “temps des colonels”. Le professeur Hagay nous rassure à ce propos et il a bien raison, et il ne fait que nous confirmer. Le paradoxe de la voix de la bienpensance cantonnée dans le camp du Bien, c’est qu’elle parvient, de paradoxe en paradoxe et parce qu’il faut bien accorder des événements si contradictoires, à énoncer quelques vérités en ignorant l’effet de l’énoncé, ici le fait d’une réaction incontrôlée d’un Système aux abois, avec l’acte possible d’un homme [Netanyahou] qui le serait également :
« [L’armée israélienne] est le ciment de cette société qui vit dans l’une des régions les plus violentes du monde. Ce n’est pas d’un coup d’Etat militaire qu’il faut se méfier car ces femmes et ces hommes revendiquent haut et fort leur attachement à l’Etat de droit. Leur prise de position est un appel à la raison d’un pays divisé et en plein désarroi, dont la majorité n’acceptera pas un “coup d’État institutionnel”. »
Que cela ne nous empêche pas pour autant de voir développées certaines hypothèses qui peuvent surprendre, – ou bien pas du tout, au contraire... Voici celle d’Andrew Korybko montrant de son point de vue que la crise israélienne n’est rien de moins qu’une “révolution de couleur” de plus, fomentée par... – les USA, ‘who else ?’. Korybko étant Korybko, il mérite par conséquent d’être cité de même qu’il convient de mettre un “pourquoi pas ?”, justifié par notre époque trépidante.
« L'Amérique estime qu'elle doit à tout prix faire le nécessaire pour empêcher l'État d'Israël d'exercer son droit souverain, sous la direction restaurée de Bibi, de trouver un équilibre entre le milliard d'or de l'Occident dirigé par les États-Unis et l'Entente sino-russe dans la nouvelle guerre froide, au lieu de prendre résolument le parti de l'un contre l'autre. Dans l'immédiat, son "État profond" veut qu'Israël arme Kiev, ce qui, selon Netanyahou lui-même, pourrait brusquement susciter une crise avec la Russie en Syrie, ouvrant ainsi un “second front” dans la campagne d’“endiguement” des États-Unis à l'échelle de l’Eurasie. [...]
» En bref, les libéraux-mondialistes qui formulent aujourd'hui la politique étrangère américaine méprisent Netanyahou pour des raisons idéologiques liées à sa vision conservatrice-souverainiste du monde. [...]
» Quoi qu'il en soit, la situation est extrêmement explosive et il est difficile de prédire ce qui va se passer. Rien de tel ne s'est jamais produit en Israël, ni sur le plan intérieur, ni sur le plan des relations avec les États-Unis. C’est littéralement sans précédent, surtout en termes d’impact sur les relations internationales telles qu'elles ont été expliquées. »
Finalement, à quelle démonstration avons-nous affaire ? A celle que l’ébranlement du monde au travers de l’effondrement de l’“Occident-collectif” n’épargne aucune des vaches sacrées du Système tel qu’il s’était mis en place au XXème siècle, à partir de 1945. La cohésion, la cohérence, l’homogénéité des Israéliens telles qu’elles nous étaient vantées, semblaient assurer la puissance structurelle des forces d’Israël et, par conséquent, l’absence complète de contestation. Seule une très-GrandeCrise peut nous révéler que sont exploitées toute les potentialité de la déconstructuration des déconstructeurs au travers d’une multitude de crises “secondaires”.
Mis en ligne le 27 mars 2023 à 13H20
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