It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World

13 juin 2016 – En 1963, Stanley Kramer avait tourné ce film sur le mode comique sinon burlesque, It’s a Mad, Mad, Mad World. Je reprends le titre mais, comme mes lecteurs l’auront bien saisi, en y ajoutant un “fou” de plus, souligné de gras (It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World), pour bien marquer que c’est celui de 2016 et non celui de 1963, et qu’en plus d’être fou-fou-fou, il est fou tout simplement et décidément, et définitivement, et qu’il n’y a plus rien à en sortir sinon qu’à conduire le Système à la fosse commune qui lui est réservée  dans les abysses du Mordor. Il y aura beaucoup de volontaires pour porter le cercueil, qui sera salué aussi bien par les spécialistes en relations publiques chargés de la promotion de la communauté LGTBQ, par le président Obama et ses discours surréalistes, par les pseudo-fous/simili-terroristes de Daesh, par ses financiers (de Daesh), c’est-à-dire la CIA et son annexe la CIA, l’Arabie, Erdogan, par le crime organisé-globalisé dont Daesh est finalement et en vérité le fleuron le plus admirable, et par l’UE parce que l’UE ne peut pas ne pas être là où tout le monde se trouve, armée de ses communiqués qui déplorent tout ce qui est déplorable et condamnent tout ce qui est condamnable...

Dans tout cela, il n’y a rien qui puisse faire penser à la religion musulmane dans le mode islamiste-djihadiste, puisque là aussi il existe en général une zone de non-expression où il n’est pas convenable de dire quoi que ce soit qui ressemble à l’assemblage de plusieurs mots destinés à former, au prix d’un effort remarquable de la raison, une phrase. Tout juste a-t-on pris le temps d’insulter Trump pour son “manque de compassion” et sa dénonciation des terroristes dans un de ses tweet, qui prouve bien qu’il n’est pas fait pour être commandant-en-chef (lire : POTUS) : « Donald Trump's scaremongering response to Orlando shooting is the opposite of what America needs », dit madame Ruth Sherlock la bien-nommée, du Daily Telegraph. (Sans doute pense-t-elle, madame Ruth Sherlock, au comportement si digne par contraste, des présidents Bush et Obama, si retenus dans l’emploi de la violence et si prompts à dire toute leur compassion pour les victimes des diverses invasions, drones, massacres par erreur et tueries par précaution, tortures par procuration, Afghanistan-Irak-Libye-Syrie-Yemen, Palestine, Guantanamo, etc.) La liberté d’expression, cela se travaille au rythme de la compassion, nous suggère madame Ruth Sherlock. On compte bien qu’Hillary, dite Clinton-« We came, we saw, he died », saura remettre les choses en place, c’est-à-dire avec compassion.

Dans tout ce paragraphe, on ne trouvera de ma part nulle accusation, nulle supputation ni la moindre réflexion dans un sens ou l’autre, nulle prise de position, nul jugement enflammé, mais simplement la tentative désespérée de tracer les grandes lignes du scénario que notre époque ne cesse de répéter ad nauseam, la dernière du genre étant effectivement la fusillade-tuerie d’Orlando qui a fait entrer, plus sûrement que celle de San-Bernardino, les USA dans le nième cercle de cette violence de néantisation du XXIème siècle, – ce dernier scénario en date initié par cette chose nommée Daesh dont le Général Flynn nous conta abondamment comment la Maison-Blanche avait œuvré, malgré ses avertissements, à la création. Ce scénario est celui de l’emprisonnement des jugements aveugles nourris de psychologies perverties dans des narrative impératives et complètement contradictoires, toutes chéries et qui pourtant s’affrontent entre elles dans des tueries interminables, tout cela tournant en en cercle vicieux qui rythme le chaos entièrement nouveau que sont devenus notre époque et notre monde... Le Temps et l’Histoire sont ainsi réunis en une sarabande infernale et insensée, qui, comme dans tout cercle, vicieux ou pas mais encore mieux s’il est vicieux, n’a nul besoin de sens pour exister.

Ainsi, un homme solitaire (est-ce bien sûr ?) est-il survenu dans un rassemblement festif de gays et, au nom de Daesh dit-il et dit-on (y compris Daesh), a effectué un massacre au moyen d’un fusil d’assaut AR-15, une des armes favorites des Special Forces US qui parcourent le monde musulman en toute impunité et font des cartons (musulmans, certes) en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yemen et ailleurs. Le monde est justement saisi d’horreur mais il ne sait vraiment à qui attribuer cette horreur et dans quel sens exprimer cette horreur. Toucher aux gays, c’est une horreur terrible et faire d’un terroriste un islamiste, ou l’inverse, relève d’une terrible erreur, et dans tous ces cas-là il s’agit bien entendu d’une démarche de l’esprit également sacrilège pour la catéchisme catégorique de notre religion postmoderne. Que faire ? Obama, ce président si complètement à la dérive qu’il en devient pathétique et se fane à une si grande vitesse, comme ces plantes poussée trop vite à la lumière artificielle et soumise à l’implacable toxicité des mensonges qu’il faut répéter ad nauseam, le président Obama donc en fait un argument implacable pour dénoncer la vente libre des armes aux USA. (Effectivement, Daesh a énormément de problèmes pour se procurer des armes hors des USA.) Le président français, lui, est saisi d’horreur, à un point qu’il qualifierait volontiers d’inexprimable : je le nomme simplement pour observer qu’il continue ainsi à “entrer dans l’Histoire”, à reculons et armé d’un vaste communiqué exprimant toute cette horreur inexprimable dont il est saisi.

Par contre, notai-je, assez incrédule, pas un mot, pour l’instant, à l’heure incertaine où j’écris ces lignes, de Poutine ni d’Assad dans tous ces commentaires... Cela devrait venir, car l’on devrait sans doute trouver une connexion où le Russe et le Syrien auraient une place de choix, comme manipulateurs infernaux des attentats contre le libéralisme libérateur, contre les gays, contre les musulmans, contre la modernité (et aussi contre les pays baltes, contre l’OTAN et l’Arabie, et contre l’opposition très-très-démocratique et la liberté d’expression-libre dans leur propres pays). Mais je ne m’attarde pas et il ne s’agissait là que d’un appendice à peine nécessaire à ce rapport incrédule et incertain sur la tuerie d’Orlando.

Tout cela est finalement, je m’en avise, pour dire que je vois dans cet événement un moment d’horreur et de tuerie qu’ils arrivent à transformer en un cirque de folie, de contradictions hystériques et d’errance terrible de l’esprit et du jugement. Ils allumeront des bougies et déposeront des fleurs, et ils en sortiront encore plus fous, encore plus hystériques, encore plus contradictoires et insensés dans ce monde qu’ils détruisent en jurant qu’il le construisent. Le constat est pourtant, implacablement, que ce “moment d’horreur et de tuerie” met encore plus en évidence les effets évidemment insensés de leur folie sans cesse plus hystérique, et combien ils ne savent plus ce qu’ils font, et combien même ils ne savent plus qu’ils font encore quelque chose, pour terminer chaque jour de leur empire devenu fou en faisant le décompte des corps déchiquetés qui ne sont rien d’autre mais aussi rien de moins que la conséquence du déchaînement de leur folie hystérique. Il n’en est pas un seul, parmi ce troupeau hétéroclite et beuglant, pour avoir remarqué que, derrière ce “bruit et cette fureur, hurlés par des idiots et qui ne signifient rien”, se dissimule une tragédie qui n’est pas bouffe (tragédie-bouffe), qui est une vraie tragédie comme seul le Ciel peut nous en donner, qui est celle de l’effondrement dans la dissolution jusqu’à la néantisation d’une civilisation qui, somme toute fort satisfaite d’elle-même, prétendit un jour que l’histoire du monde s’arrêtait avec elle.