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1448On signale ici, avec un extrait conséquent, un texte de Bruce Riedel, dans Al Monitor du 8 avril 2013. Riedel est le directeur du programme Intelligence Project, de la Brookings Institution. En raison de la position de la Brookings à Washington, comme l’une des courroies de transmission institutionnalisée importante de la communication du Système dont dépend le système de l’américanisme, on peut considérer qu’il s’agit d’un texte exprimant d’une façon générale mais officieuse l’appréciation fondamentale de l'establishment washingtonien du sujet traité. Ce sujet est, d’une façon détaillée et précise, une sorte d’anatomie complète, dans sa dimension historique, structurelle, opérationnelle, et dans ses buts, de l’organisation islamiste principale opérant en Syrie. Il s’agit de l'organisation Jabhat al-Nusra, présentée comme une émanation directe d’al Qaïda, et appréciée comme une menace non plus potentielle mais effective contre toute la région, contre les intérêts des USA et du bloc BAO en général, etc.
Bien entendu, surgit aussitôt la remarque que ce groupe s’est développé grâce à l’action générale, hystérique, sans la moindre nuance, des USA et du bloc BAO contre Assad. Mais c’est n’y rien comprendre précise l’auteur, dans un paragraphe qui reprend l’interprétation d’un sophisme par inversion qui ressort sans le moindre doute, pour son mécanisme psychologique, de l’infraresponsabilité en mode turbo ; c’est au contraire Assad, of course, qui, par son action de défense et de riposte contre les rebelles soutenus par le bloc BAO, a permis le développement de Jabhat al-Nusra. «Assad, of course, from the beginning of the uprising against his tyranny has blamed it all on terrorists and al-Qaeda. But the truth is that by refusing to give up power and by resorting to a brutal war against his own people, Assad has created a self-fulfilling prophecy and brought al Qaeda to Syria. The longer the war goes on, the stronger al-Qaeda will get in Syria.» (Insistons sur le of course du paragraphe : il a un côté mécanique, robotique, comme une fonction automatique de la machine dans le cas d'un “copié-collé”, qui embrasse en fait tout le raisonnement du paragraphe et signale que la consigne est appliquée. C'en est presque émouvant de transparence...)
L’argument est aujourd’hui général dans les psychologies malades de l’infraresponsabilité. Il se résume à ceci qu’on provoque soi-même une situation de désordre par agression extérieure, notamment dans ce cas contre une autorité qui représente la légitimité et la souveraineté, et qu’on charge de la responsabilité des effets catastrophiques de cette situation de désordre l’autorité agressée parce qu’elle a justement appliqué les mesures de sa défense. Ce constat (ce verdict) de l'inversion totale doit être admis quoi qu’on pense de l’action et de la valeur “morale” du régime Assad. Raisonner différemment est un signe de la subversion de la raison par une psychologie totalement exténuée, en mélangeant des domaines aussi incompatibles que celui des principes qui est un domaine objectif, et celui des jugement “moraux” des situations opérationnelles qui est un domaine subjectif. La réconciliation de ces deux domaines ne peut se faire par que des négociations auxquelles doit nécessairement participer l’autorité légitime, et alors l’on peut effectivement espérer en obtenir son élimination par négociation. (Ou bien, l’on fait rapidement une guerre totale d’élimination de la légitimité en place, avec les risques principiels encourus qui sont très grands, guerre qu’on qualifie bien entendu de “guerre juste”, si possible en se référant à Augustin, à Thomas d’Aquin et aux neocons pour faire sérieux ; ce que le bloc BAO n’a jamais eu, ni la volonté, ni la force, ni les moyens de faire avec la Syrie…) Le bloc BAO a toujours réclamé comme pré-condition de toute négociation l’élimination d’Assad, pour en arriver aujourd’hui à accuser Assad de refuser toute négociation, – c’est-à-dire refuser de participer à une négociation après avoir été éliminé pour permettre à cette négociation d’avoir lieu, – cas exemplaire de cette raison totalement subvertie et invertie qu’on peut qualifier de “démence” dans le cadre de l’infraresponsabilité.
Le cas exposé ici, de la “guerre syrienne” et du développement des islamistes, constitue une rareté par la puissance d’un tel exemple de sophisme par inversion, et d’une telle manipulation de la psychologie par l’infraresponsabilité. Le signe le plus convaincant qu’il s’agit bien d’infraresponsabilité et non d’une manigance d’une raison machiavélique (qui serait dans ce cas d’un niveau bien pauvre, dont le pauvre Machiavel rejetterait absolument la paternité), c’est que l’explication-accusation est reprise par toutes les sources-Système du bloc BAO, sans la moindre interrogation sur l’incohérence du propos. Un signe supplémentaire de cette extrême fatigue psychologique est la faiblesse de la mémoire, et surtout des absurdités de soi-même que charrie cette mémoire ; c’était le cas, par exemple, de cette glorification du rôle d’al Qaïda, c’est-à-dire Jabhat al-Nusra, par un expert du prestigieux (qualificatif-standard) Council of Foreign Relartions (CFR), en août 2012 (Ed Husain, Senior Fellow for Middle Eastern Studies au CFR, voir sur ce site le 8 août 2012).
Il reste que le texte est d’un réel intérêt, pour les raisons qu’on a dites plus haut. Il mesure l’inquiétude dans le bloc BAO, proche de la panique chez certains, devant le développement islamiste en Syrie tel qu’il est mesuré par ces sources. L’analyse montre que la “menace” est désormais clairement identifiée comme étant internationale, avec la perspective, en cas de malheur (la chute d’Assad, non ?!), de l’établissement d’une base opérationnelle centrale du terrorisme islamiste tel que se le représente le bloc BAO dans ses cauchemars d’expert les plus sombres. Pendant ce temps-là, certes, le “principe” (?) de l’aide aux rebelles, qui aboutit en général pour une bonne part chez Jabhat al-Nusra dans une sorte de version sublimée du “ce n’est qu’un début, continuons le combat”, est toujours d’une très solide actualité.
«As the Syrian civil war gets ever more violent and destructive, there is a big beneficiary: al-Qaeda and its franchise in Syria, Jabhat al-Nusra — which is now the fastest-growing al-Qaeda front in the world, attracting fighters from across the Islamic world. Today it's focused on destroying the Bashar al-Assad regime but its ultimate goals are much bigger, attacking America and its allies in the heart of the Middle East.
«The Syrian franchise gets crucial support from the al-Qaeda core in Pakistan. Al-Qaeda leader Ayman Zawahiri issued a public call in February 2012 in which he urged “every Muslim and every free and honest person in Turkey, Iraq, Jordan and Lebanon to rise and help their brothers in Syria with everything they have and can do.”
»Zawahiri’s call, just after the announcement of the creation of Jabhat al-Nusra and its first major attacks in Aleppo, was clearly coordinated with the fighters on the ground. Since that call, at least one senior member of the al-Qaeda Shura Council in Pakistan has traveled to Syria to further coordinate plans and operations with the core hiding in Pakistan. Former Secretary of State Hillary Clinton termed the exchanges of messages between al-Qaeda in Pakistan and Jabhat al-Nusra in Syria as “deeply disturbing” in one of her final interviews in office.
»Jabhat al-Nusra, translated variously as the Victory Front or the Support Front for the Syrian people, was officially founded in January 2012, almost a year after the first demonstrations against the dictatorship of President Basher al Assad. It was created with the additional assistance of the al Qaeda franchise in Iraq which was formed nearly a decade ago during the American invasion of Iraq. The Iraqi base provided a safe haven for setting up the front in Syria and still provides sanctuary for the Syrian group.
»Estimates of the size of Jabhat al-Nusra vary but they may now account for up to a quarter of the opposition fighters in Syria. The al-Qaeda presence is stronger around Aleppo and the north than around Damascus but it is becoming a national phenomenon. Without doubt they are among the most effective fighters in the resistance to the Assad regime and the most willing to use multiple simultaneous suicide bombings, an al-Qaeda trademark. Al-Qaeda in Iraq has a wealth of experience in developing large sophisticated bombs which has been exported into Syria.
»And the front is attracting more fighters rapidly, not just among Syrians but from across the Muslim world. One estimate suggests that as many as 5000 foreign fighters have gone to Syria. A review of jihadist websites found more than 130 martyrdom notices — obituaries posted on extremist websites ‘celebrating’ the martyrdom of fighters in Syria. Most are relatively new; 85 of the 130 were posted in the last few months. The majority of these were for fighters in Jabhat al-Nusra. They came to Syria from Libya, Saudi Arabia, Egypt, Jordan, Tunisia, Palestine, Lebanon, Australia, Chechnya, Kuwait, the United Arab Emirates, Kosovo, Azerbaijan, France, Iraq and Spain.
»Several senior European intelligence officials have told me that there is a wave of angry young Muslim men from all across Western Europe going to Syria to join al-Qaeda and fight Assad. The largest contingent is from the United Kingdom, perhaps over a hundred already. The Danish press reported that a 39-year-old Danish citizen, Slimane Hadj Abderrahmane, along with another unnamed Danish citizen, were killed fighting in Syria. Abderrahmane, the son of a Danish mother and an Algerian father, had served two years in Guantanamo after being captured by American forces in Afghanistan in 2002. Danish reports say at least thirty Danish Muslims have gone to fight with Jabhat al-Nusra in Syria…»
Conclusion de l’expert-Système, au cas où les islamistes l’emporteraient : «With a base in Syria, the jihadists can threaten American interests in the entire Levant region, Europe and our allies in Turkey, Jordan and Israel. The worst danger is that the al Nusra front will get control of some of Syria’s large chemical weapons arsenal…» Etc., etc., – dans une litanie extraordinaire de l’exposition presque impudique des conséquences catastrophiques de l’acte originel de l’action du bloc BAO. Comme dit la parole fameuse, dans des circonstances évidemment beaucoup plus respectables : “Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font”… Le “ils ne savent pas” est, dans ce cas, d’une intensité unique et sans aucun équivalent historique, propre à cette “époque” de crise d’effondrement du Système.
Mis en ligne le 10 avril 2013 à 06H39
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