Jimmy Carter, imprécateur

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Jimmy Carter, imprécateur

21 mai 2007 — La colère imprécatrice de Jimmy Carter les a secoués. Ils ont été pris “par surprise”. Le Guardian de ce beau jour note :

«Even for a former politician with a reputation for plain talking, Mr Carter's blazing criticism took observers by surprise and had the Republican leadership responding in equally harsh measure. The White House spokesman yesterday called Mr Carter “increasingly irrelevant”, adding that his “reckless personal criticism is out there”.»

L’ancien président Jimmy Carter est aujourd’hui bien connu. C’est le voyageur itinérant de la plus furieuse critique anti-système possible. Cet homme simple, croyant et vertueux, qui dirigea une présidence catastrophique qui le paraît un peu moins à la lumière du reste, s’est transformé en imprécateur. Nul doute qu’il y a de la candeur et de la sincérité en lui, ces vertus qui vous gardent toujours jeunes. Le vieux Carter garde donc bon pied bon œil.

Maintenant, écoutez-le :

«In a newspaper interview, Mr Carter said of the Bush years: “I think as far as the adverse impact on the nation around the world, this administration has been the worst in history.” And speaking on BBC Radio 4, Mr Carter criticised Mr Blair, who leaves office next month, for his close relations with Mr Bush, particularly concerning the Iraq war.

«“Abominable. Loyal, blind, apparently subservient,” Mr Carter said when asked how he would characterise the British prime minister's relationship with Mr Bush. “I think that the almost undeviating support by Great Britain for the ill-advised policies of President Bush in Iraq have been a major tragedy for the world.”

»He told the BBC that if Mr Blair had opposed the invasion he could have made it tougher for Washington to shrug off critics. “One of the defences of the Bush administration in America and worldwide ... has been, ‘OK, we must be more correct in our actions than the world thinks because Great Britain is backing us’.”

(…)

»He told one newspaper, the Arkansas Democrat-Gazette, over the weekend that Mr Bush had taken a “radical departure from all previous administration policies” with the war. “We now have endorsed the concept of pre-emptive war where we go to war with another nation militarily, even though our own security is not directly threatened, if we want to change the regime there or if we fear that some time in the future our security might be endangered,” Mr Carter said.

»He also accused Mr Bush of breaking with the time-honoured policy of maintaining a separation between church and state by funding faith-based initiatives with federal money. “I've always believed in separation of church and state and honoured that premise when I was president, and so have all other presidents, I might say, except this one.”»

La fureur contre “la folie du roi George”

Lisez les réflexions (les imprécations) de Carter en ayant à l’esprit notre F&C d’hier. Les enchaînements catastrophiques de ce qu’on ne peut plus nommer “la politique US” semblent désormais ne plus pouvoir susciter que des réactions relevant autant de l’énervement de la psychologie que de la réflexion politique. Non pas que nous disions ici que Carter est fou ; nous disons plutôt que, devant ce désastre sans fin et sans frein, devant cet aveuglement mécanique, la critique épuise ses ressources et suscite une colère qui ferait croire à la faiblesse du caractère mais qui serait plutôt, pour nous, un signe de santé morale. On pourrait néanmoins croire que “la folie du roi George” tend (cherche ?) à rendre ses critiques fous. Ce pourrait être le truc ultime de la politique bushiste.

Il est vrai qu’on peut aujourd’hui tout dire contre la présidence Bush, et être assuré qu’on se trouve encore en-deçà de la vérité. C’est de cette façon que l’on évolue vers la crise de la psychologie américaniste. La raison critique a épuisé toutes ses munitions contre Bush et sa politique. Que veut-on dire de plus que ce que disait Carter jusqu’à maintenant? Alors, il reste à hausser le ton, ce qui est fait, — et Carter ne parle plus, il hurle. Mais il reste aussi à s’interroger sur un système qui aboutit à ça et ne peut présenter aucune médication qui puisse traiter le “Bush malaise” (selon Simon Tisdall). C’est dans ce sens qu’il faut entendre notre remarque en forme de titre selon laquelle “l’Amérique commence à ne plus s’aimer”. Lorsque le médecin si brillant ne fait rien pour soigner une maladie si évidente, on doute du médecin.

L’espèce de machiavélisme angélique, — si l’on ose cet assemblage de mots, — de GW Bush, c’est qu’il conduit, par son comportement, à faire en sorte que ses critiques finissent par douter de ce au nom de quoi ils dénoncent ce même GW. Certes, nous sommes sans doute généreux avec notre “machiavélisme angélique” ; parlons plutôt de l’aveuglement du virtualisme absolu où se trouve enfermé ce président, confronté à ses seules pensées et à ses seuls actes qui lui sont présentés comme autant de choses vraies et justes, — mais il s’agit des outils, et la vraie cause de l’évolution de cette présidence reste à trouver. Qui cherche trouvera peut-être : derrière GW, c’est le système de l’américanisme.

L’intérêt direct de l’exercice de fureur de Jimmy Carter est que cet homme, malgré tout, a un statut. C’est un ancien président des USA. On ne peut repousser ses avis, même lorsqu’il s’agit d’imprécations, comme on ferait d’un “F&C” de dedefensa.org. Ainsi les fureurs de Carter gênent aux entournures, dans un système qui place le conformisme au-dessus de tout et choisit donc l’allégeance-malgré-tout au centre du pouvoir, même si le roi George est fou ; mais ne peut d’autre part écarter un reste de respect à un roi en retraite, — et ainsi de suite. D’autre part, sur le fond on ne peut vraiment opposer d’argument solide à la fureur de Carter. Par conséquent, on l’accepte, même si l’on est “surpris”. Par conséquent, on laisse se répandre un peu plus l’idée, vague mais de plus en plus pressante, qu’il y a quelque chose de bizarre au royaume américaniste.

De toutes les façons, nous pouvons avancer la conclusion plus saine et claire que les furieuses imprécations de Carter nous confirment un peu plus que la crise américaniste est entrée dans le domaine de l’irrationnel.