Joe devenant Kerenski

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Joe devenant Kerenski

15 septembre 2020 – La “surprise du jour” aux USA en pleine campagne et où chaque jour nous réserve sa surprise, c’est une intervention du sénateur Sanders, sur un ton inhabituel sinon comminatoire. Sanders a agi avec une prudence mesurée et une audace calculée à la fois, faisant fuiter ses considérations d’une part, les confirmant dans l’esprit de la chose dans telle ou telle déclaration d’autre part. D’une façon générale, Sanders s’adresse au candidat démocrate Joe Biden, actuellement objet de sollicitations de toutes parts, – sur sa droite et (surtout) sur sa gauche, – qui font craindre pour son équilibre tant sa fragilité sanitaire et mentale actuelle influence la perception qu’on en a à cet égard.

Ci-après, quelques “éléments de langage” (et de jugement) sur cette phase qui est devenue importante dès lors qu’elle est relayée par un article insistant et détaillé du Washington Post, dont on connaît l’influence comme porte-parole du gauchisme démocrate autant que des souhaits des milliardaires progressistes-sociétaux et de la communauté du renseignement dans le chef de la CIA. (Le WaPo appartient depuis 2014 à Jeff Bezos, et il a été racheté par du cash de la CIA [$600 millions] en paiement d’un opportun contrat-Amazon, le processus signifiant que la CIA approuvait le rachat et mettait directement un pied dans le quotidien.)

« Trump a déclaré que Joe Biden, un démocrate centriste ayant près de cinq décennies d’expérience à Washington, est “une marionnette du mouvement de la gauche radicale qui cherche à détruire le mode de vie américain”. Le refus de Biden de condamner fermement la vague de violence qui a accompagné les manifestations de ‘Black Lives Matter’ est au cœur de l’argument de Trump, comme la promesse [de Biden] de revenir sur les réductions d’impôts de Trump s’il gagne en novembre.
» Pour Bernie Sanders, cependant, Biden reste trop proche du centre pour son propre bien. Selon un rapport du Washington Post de dimanche, Sanders “a dit à des proches que Biden risque sérieusement de ne pas être à la hauteur des élections de novembre s’il continue cette forme de campagne très vague et d’une idéologie centriste”.
» Cette approche a vu Biden concentrer sa campagne presque entièrement sur l’opposition à Trump, plutôt que sur le ‘populisme économique’ qui a fait le succès de Sanders auprès des jeunes électeurs pendant les primaires. Selon l’article, Sanders souhaite que Biden adopte un système de santé à payeur unique et des salaires plus élevés et des plans visant à réduire le coût des médicaments sur ordonnance.
» En outre, Sanders voudrait que Biden fasse campagne avec des politiciens de gauche populaires comme la députée new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, afin de toucher les jeunes et les électeurs latinos, ces derniers se tournant de plus en plus vers Trump. [AOC] a été ajoutée tardivement à la liste des orateurs de la convention démocrate du mois dernier et, dans un geste qui témoigne peut-être de l'attachement du parti au centrisme à la Biden, elle a eu moins de temps pour s’exprimer que l’ancien gouverneur républicain John Kasich.
» La décision de Sanders de soutenir Biden a été une déception pour ses légions de partisans, qui ont vu dans l’approbation du sénateur socialiste une capitulation face à la même machine politique qui l’avait forcé à se retirer de la compétition contre Hillary Clinton en 2016. En réponse, Sanders a promis de presser Biden sur sa gauche, et les deux hommes ont mis en place un certain nombre de groupes de travail pour élaborer une politique sur le changement climatique, l'immigration, les soins de santé, et un certain nombre d’autres questions progressistes brûlantes.
» Pourtant, les groupes de travail ont décidé cet été d’étendre Obamacare plutôt que de mettre en place le système proposé par Sanders, ‘Medicare for All’. Les recommandations sur le climat n'ont pas été à la hauteur du ‘Green New Deal’ radical exigé par certains progressistes, et les réformes de la justice pénale présentées ne mentionnent pas le dé-financement des services de police, une demande essentielle de certains gauchistes et militants de BLM. En annonçant les recommandations du groupe de travail, Sanders n’a pas caché que lui-même et Biden avaient “de forts désaccords sur certaines des questions les plus importantes auxquelles notre pays est confronté”.
» Ses appels à Biden n’ont fait que s’intensifier depuis lors. “Il doit donner aux gens une alternative ou une raison de voter pour lui autre que son ‘Je ne suis pas Donald Trump’”, a déclaré Sanders dans une interview sur PBS vendredi. “Cela signifie parler d’un programme économique. Biden l’a fait mais il n’est pas aussi radical que je le voudrais. Ce n’est pas le programme de Bernie Sanders”. »

La tonalité de la nouvelle semblerait suggérer en partie qu’il s’agit d’une répétition de 2016, lorsque Sanders avait été éliminé de la course à la désignation par une machination Clinton-DNC (Democratic National Commission : direction du parti) ; donc, “semble suggérer” qu’une fois de plus Sanders s’est fait avoir et ne peut que faiblement protester pour tenter de redresser l’orientation de la campagne Biden. Ce n’est pas du tout notre analyse.

En 2016, Sanders avait été éliminé brutalement, c’est-à-dire sans avoir abandonné les ptrimaires de lui-même, et l’on n’avait plus parlé de lui après qu’il se soit rallié, manu militari, à notre ‘Lady McBeth’ postmoderne et démocrate. En 2020, c’est lui qui a pris l’initiative d’abandonner la course à la nomination en faveur de Biden, décision  immédiatement affirmée par lui. Alors que dans le premier cas (2016), il y avait une décision unilatérale de liquidation, permise par de nombreuses fraudes machinées par la toute-puissante Hillary, on peut et on doit penser qu’en 2020 Sanders a lui-même organisé son retrait qu’il a conditionné à des négociations pour lui permettre de participer d’une façon effective à l’élaboration du programme de Biden ; et la condition a été acceptée.

Son intervention, extrêmement ferme, voire presque comminatoire quoique sur un ton condescendant, n’a absolument rien du Sanders de 2016. C’est un homme sûr de sa force et de son poids électoral qui parle, et qui n’est pas loin d’exiger. Pour quelle raison ? Pardi, parce qu’il est de facto le représentant de la gauche du parti démocrate, donc des troubles dans les rues des USA, même si la mode des salons est de cantonner la chose au racisme/antiracisme.

Les “troubles dans la rue”, c’est absolument énorme. Entre le 26 mai et le 22 août, il y a eu 7 750 manifestations [est ‘manifestation’ un événement rassemblant plus de 100 personnes] liées à la mort de George Floyd et aux BLM, dans 2 400 lieux, dans les 50 États des USA et le District de Columbia (Washington D.C.) : soit une moyenne de 216 manifestations par jour ! Cette statistique, donnée par le Washington Post, est assortie de cette précision que chacun prendra selon son jugement et son humeur : 93% de ces manifestations ont été “pacifiques” et “sans destruction”.

En fait, Biden, vieux crouton rance et mangé aux mites de la corruption, avec un passé raciste comme tous les politiciens US de sa génération, n’est pas vraiment, c’est-à-dire pas du tout apprécié par les foules pour l’instant ultragauchistes des rues américanistes, non plus que la direction clintonienne et hyper-corrompue du parti démocrate. Même si l’argent coule à flot, venu de ces milieux si aimables et ouverts aux milliardaires progressistes-sociétaux et aux divers Soros en service, la fièvre et la fureur de la communication sont les forces principales qui orientent l’opinion et les choix. Dans ce cas, seul Sanders fait le poids, d’autant plus qu’il joue à fond le gauchisme (son appel à inclure AOC dans l’équipe Biden, la reprise des grands machins des gauchistes démocrates, type ‘Green New Deal’, etc.).

Sanders est d’ailleurs, dans ses déclarations ou les fuites concernant ses jugements, très prompt à aller au-delà d’une simple et aimable recommandation, puisqu’on se rapproche parfois d’un ultimatum qui peut se résumer à cette phrase : “Si Biden ne modifie pas son programme nettement vers la gauche, il perdra”. Il n’est nullement interdit de penser que le message, adressé loud & clear à Biden-DNC, est assorti de la précision : “Si la condition n’est pas remplie, je ferai passer, moi-Sanders, une consigne de non-vote pour Biden chez ceux qui me soutiennent”.

Aujourd’hui, contrairement à 2016, le candidat démocrate est d’une faiblesse extraordinaire par rapport à la base bureaucratique et activiste du parti démocrate qui est en train de verser complètement à l’extrême-gauche. Sanders peut donc parler, on l’écoute. En 2016, Hillary tenait tout et tout le monde dans le moule tentaculaire du parti démocrate, et Sanders n’avait qu’à se taire, – ce qu’il fit avec un remarquable empressement puisqu’on est entre gens de bonne compagnie.

Ce scénario d’une pression radicale irrésistible des gauchistes sur Joe Biden jusqu’à en faire “leur marionnette”, s’il est élu, ne cesse de se renforcer. On le lit par exemple dans cet extrait d’un texte d’un ancien officier de la CIA, Sam Faddis, qui fut en poste au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

« Les groupes qui parrainent les émeutiers de 2020 sont hostiles aux États-Unis d'Amérique tels qu'ils existent actuellement. Ils ont depuis longtemps fait cause commune avec certains de nos ennemis les plus dangereux. Aujourd'hui, ce qu'ils veulent, ce n’est pas une réforme. Des expressions comme ‘Black Lives Matter’ sont un simulacre délibéré, une tactique bien connue des groupes de la gauche radicale, utilisée pour se rendre moins menaçants, faire en sorte que leurs objectifs paraissent moins menaçants.
» Ce que ces groupes extrémistes veulent vraiment, c’est quelque chose de bien plus profond. Il s’agit, comme vient de le dire un orateur de gauche, de rien de moins que de l’“abolition” des USA tels que nous les connaissons et de leur remplacement par un État marxiste.
» C'est pourquoi il est profondément illusoire de croire que les émeutes de ces trois derniers mois prendront fin avec les élections de novembre. Elles se poursuivront. Si Trump gagne, sa victoire sera immédiatement invalidée et délégitimée par la foule, et la violence montera jusqu’à l’explosion. Si Biden gagne, le peuple et les groupes qui déchirent cette nation le considéreront comme leur marionnette et accéléreront leurs poussée révolutionnaire. Si Biden se montre réticent ou incapable de les suivre, il subira le même sort que le maire de Portland, Ted Wheeler, qui subit un harcèlement Antifa de sa maison comme prix de son refus de se soumettre.
» Il ne s’agit pas de réforme. Il s’agit de révolution, et les révolutions ne se soucient pas des élections. »

Il était une fois la Révolution

L’officier de la CIA cité, Faddis, publie son texte sur ce qui nous semble être un nouveau cite, Revolver.News, – ou dans tous les cas un site qui veut prendre une place importante dans la presse alternative et antiSystème, dans une position évidente de soutien à Trump. (A cet égard, on doit admettre que la dénomination antiSystème n’implique pas de position politique évidente, et celle-ci doit être précisée sans qu’elle soit pour autant justifiée en elle-même comme antiSystème.) On voit les ambitions politiques du site en lisant cet avis figurant au bas de chaque article, où il prétend remplacer au moins en influence (en audience, c’est une autre affaire) le site de Matt Drudge qui fut le principal soutien de Trump jusqu’à ces derniers mois (*) : « Revolver News est le site du peuple américain. Nous fournissons des nouvelles, des analyses et des exclusivités de pointe pour les Américains de toutes origines et de toutes convictions politiques. Bien que nous respections et admirions beaucoup Matt Drudge, le Drudge Report ne dispose plus de sa connexion avec le sentiment de l’Amérique. Nous voulons combler ce vide, et bien plus encore. »

(La confirmation est facile, venue d’un tweet trumpiste hier soir, adoubant Revolver.News [qui le reprend, bien sûr, avec le commentaire] d’une certaine légitimité comme soutien ‘officiel’ de Trump :
« Our people have all left Drudge. He is a confused MESS, has no clue what happened. Down 51%. @DRUDGE
» They like REVOLVER and others! ».)

On dira que Revolver.News est un de ces sites qui apparaissent en ce moment pour soutenir Trump dans une orientation militante, affirmant une hyper-information et des sources inédites fournies par l’équipe Trump, ne détestant certainement pas le complotisme comme Trump lui-même, et ainsi de suite. Le type de nouvelles que publie ce site, comme cet article de Sam Faddis, entre dans un courant d’analyse qui ne cesse de grossir, qui adopte une posture de plus en plus alarmiste sur les perspectives de la situation des USA. Il est probable qu’on peut y retrouver des ‘transfuges’ pro-Trump des services de sécurité ou de renseignement, la cassure antagoniste de la situation US devant également se retrouver à ce niveau.

Avec l’article de Faddis, on a un exemple d’une évolution notable de la situation, selon l’évolution de l’atmosphère qu’on peut ressentir. Des considérations diverses et encore théoriques sur la possibilité, sinon la probabilité d’une guerre civile (y compris une GC4G), on passe désormais au stade ultime du scénario en étant de plus en plus spécifique et de plus en plus concret, en liant directement les événements en cours aux hypothèses prospectives de troubles graves que l’on offre.

On voit ainsi clairement et opérationnellement se dessiner la perspective, en cas de victoire de Biden, d’une hypothèse du type ‘Biden-Kerenski’, du nom du Premier ministre russe entre mars 1917 (l’abdication du tsar) à novembre 1917 (prise du pouvoir par les bolchéviques) ; d’un point de vue tactique et, disons, technique, c’est une perspective à la manière de celle que nous évoquions déjà le 17 juin 2020, et qui tend à se concrétiser notamment à la lumière des déclarations de Sanders sur les exigences politiques de la base gauchiste :

« Certains commentateurs, et nombre de démocrates bien entendu, jugent qu’une victoire démocrate apporterait un tel changement qu’on verrait le calme se rétablir et les fonctions du pouvoir reprendre leur cours normal dans une Amérique régénérée. Nous ne donnons pas de nom ici sinon celui de Trump, c’est-à-dire aucun nom démocrate ; car l’état d’esprit est tel chez certains de ces commentateurs parmi ces “certains commentateurs” à pronostiquer un “lendemain qui chante”, que la seule chose qui compte, le seul fait qui importe n’est pas de savoir quel démocrate sera élu, et comment, et dans quel sens, etc., – mais ceci : Trump sera battu, éliminé, envoyé dans le Trou Noir de l’Enfer, et le soleil brillera à nouveau.
» Cette idée implique bien entendu son antinomie entièrement basée sur une personne (si Trump est réélu, le désordre continuera, sinon empirera jusqu’à la catastrophe, – ce qui est probablement le cas mais n’est pas [n’est plus] dû à Trump au point de désordre que nous avons atteint, où le désordre se nourrit de lui-même, devenu l’événement maître du Temps) ; cela, cette absence d’importance des personnages, parce qu’il s’agit d’abord d’une situation, d’un événement qui est aujourd’hui d’une puissance si considérable qu’il peut s’identifier au Temps lui-même (« Le Temps n’est plus le temps courant, il est  devenu événement pur qui fabrique son propre temps ... »).
» Dans ce cadre, les acteurs sont complètement contraints par le rôle qui leur est assigné dans la situation de l’événement. Aucune improvisation n’est tolérée, d’ailleurs le résultat serait effroyablement pire que le suivi rigoureux du script. Notre perspective, qui ne devrait pas être pris comme une prospective qu’elle n’est pas puisqu’elle n’a aucune certitude scientifique et de sûreté, s’attache alors au climat, aux tendances, aux mécanismes collectifs, à l’affectivisme régnant et aux simulacres que tout le monde est obligé de suivre et d’accepter dans un grand élan de déterminisme-narrativiste.
» Dans ce cadre et dans ce cas, si les démocrates l’emportent, fussent-ils un Biden flanqué par exemple, surprise considérable, d’un Saint-Barack Obama déguisé en VP, ils seront soumis dès l’instant de l’apothéose à des pressions encore plus considérables que celles qui s’exercent et s’exerceraient sur Trump et sur les républicains. Ils subiront encore plus fortement les caractères singuliers des us & coutumes de la Grande République en état révolutionnaire, passant par l’existence d’une puissance considérable (celle du POTUS/président au sommet) soumis à des pouvoirs complémentaires et antagonistes d’une extraordinaire capacité de nuisance, réduisant sa propre puissance à mesure, et encore plus dans la samba marxiste-gramciste-racisée. Plus encore, bien plus encore quand cette puissance est votre amie !
» On parle donc ici de cette foule d’associations et groupes plus ou moins clandestins, plus ou moins parasites, plus ou moins  affectivistes, plus ou moins proclamatoires, plus ou moins corrompus, plus ou moins manipulés, – les BLM, les Antifas, ceux de l’Open Society (marque Soros déposée), les LGTBQ [VWX], les CHOP et autres “Autonomous Zone” ou “Occupied Protest”. Tous seront à l’assaut, réclamant, proclamant, occupant, renchérissant et radicalisant. La presseSystème se fera un plaisir de professionnel bien huilé de la délation élégante de Park Avenue de tresser des couronnes d’épines christiques à tous ces jeunes gens révolutionnaires. Qui suit la rigueur intuitive de l’événement les voit et les entend d’ici, haut et fort, en pleine extase de rapine des pouvoirs puisque leurs hommes et leurs femmes sont au pouvoir. »

Ce qui se passe aujourd’hui, alors que nous sommes à six semaines de l’élection, c’est que l’analyse se précise, que la perception se fait de plus en plus vive et de plus en plus concrète. Les informations commencent à circuler, elles sont très abondantes, sur les personnes, les inspirateurs, les groupes impliqués dans la dynamique des événements éventuellement ‘prérévolutionnaires’ en cours aux USA. Le texte de Faddis donne nombre de précisions sur les soutiens matériels et financiers apportés aux gauchistes, des inévitables groupements Soros à d’autres groupements soutenant des régimes ‘révolutionnaires’ et ‘populistes de gauche’ [soutiens de Cuba, du Nicaragua]. L’on trouve d’autres précisions dans d’autres textes du même site Revolver.News, notamment sur les inspirateurs idéologiques et opérationnels.

Faddis n’apporte rien de fondamentalement nouveau sur l’événement de l’élection, mais sa façon de décrire la situation nous permet de percevoir combien la possibilité d’une situation révolutionnaire, un peu comme celle qu’il y eut en Russie il y a un siècle, devient de plus en plus concevable. Le choc de cette ‘perception opérationnelle’ est d’autant plus fort, même s’il se réalise peu à peu, tant les USA sont le dernier pays qu’on imaginerait (qu’on imaginait) comme étant vulnérable à un tel sort, tant l’abîme séparant les USA des tentatives marxistes-léninistes les rendaient impensables (‘unthinkable’), tant est (était) forte la conviction dans ce sens forgée dans la menace fondamentale qui présida à la Guerre Froide..

Si nous relevons ce fait, – une ‘perception opérationnelle’ de la possibilité de l’événement, – comme étant une réalité politique, quasiment un événement en soi, c’est bien sûr à partir de notre perception propre, mais avec le renforcement de l’autre nouvelle selon nous. L’intervention de Sanders nous paraît en effet très significative. Elle est marquée par une assurance de soi, une autorité de cet homme qui ne nous a pas habitués à ce comportement, et qui doit donc être influencé par une situation qu’il sait et sent lui être favorable, ou dans tous les cas allant dans le sens qu’il préconise. La façon dont il s’adresse indirectement à Biden, c’est-à-dire à la direction du parti démocrate, est également remarquable, comme s’il parlait “d’égal à égal”, voire plus, comme s’il était l’homme qui détient la clef de la situation pour le parti démocrate.

Tout cela mesure par ailleurs l’extraordinaire vulnérabilité de Biden, en plus de sa  fragilité personnelle connue pour toutes les raisons du monde. Mais Biden (et le parti démocrate lui-même, selon le schéma classique) est de moins en moins l’adversaire de Trump. L’adversaire de Trump, de plus en plus, c’est la puissance de la dynamique qu’on devine, également de plus en plus, comme étant révolutionnaire. On peut même ajouter à cette dimension de la perception d’une possible catastrophe révolutionnaire, l’étrange perception d’une dimension satanique qui était déjà apparue avec Hillary en 2016... On ne recule devant rien, et Trump lui-même, qui se confirme comme ne détestant pas les thèses complotistes, se perçoit de plus en plus comme engagé dans une lutte titanesque et quasiment métaphysique. Il y a dans cette élection USA-2020 un habillage conceptuel sinon ésotérique somptueux qui, dans cette ‘société du spectacle’ à-la-Debord bien entendu, rend encore plus scintillants les soubresauts de la Grande Crise d’Effondrement du Système.

Lors d’une récente conférence de presse, à un journaliste qui l’interrogeait dans l’habituelle atmosphère surréaliste à propos des rumeurs de complot autour de la mystérieuse entité nommée QAnon (« L’essentiel de la théorie [autour de ‘QAnon’] est cette croyance selon laquelle vous sauvez secrètement le monde d’un culte satanique de pédophiles et de cannibales... Cela ressemble-t-il à quelque chose dont vous êtes informé ? », demande le journaliste),
– à cette question étrange, Trump a répondu non moins étrangement, comme  s’il était maître du Temps et de l’Apocalypse : « Eh bien, je n’ai pas... je n’ai pas entendu cela, mais est-ce que c'est censé être une bonne ou une mauvaise ? ... Je veux dire, vous savez, si je peux aider à sauver le monde des problèmes [qui l’accablent], je suis prêt à le faire ... Je suis prêt à m'investir ... Et nous le faisons, en fait ... Nous sauvons le monde d'une philosophie de gauche radicale qui détruira ce pays ... Et quand ce pays sera parti, le reste du monde suivra ... »

Hugh ! Le GrandSachem-au-Scalp-Orange a parlé.

 

Note

(*) Matt Drudge, l’un des plus importants sinon le plus important éditeur et journaliste de la droite conservatrice ‘dure’, dans la presse alternative avec son site, dont la circulation a surpassé même celle du New York Times. Drudge fut l’un des plus fermes soutiens de Trump en 2016, et il joua un rôle important dans sa victoire. Aujourd’hui, il apparaît comme ayant abandonné complètement son soutien à Trump, assez mystérieusement, sans que l’on en sache de façon assuré la raison. Drudge est connu comme étant personnellement un parfait inconnu... Son attitude sociale d’ermite hors de tous les réseaux visibles est archi-connue, et par conséquent les questions sur sa méthode sont très nombreuses.