Journal de bord de dedefensa.org — 080114, dedefensa.org et l’escargot

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14 janvier 2008 — “L’aventure de Ron Paul nous fascine” écrivions-nous le 7 janvier, plein d’espoir. Peut-être le mot “fasciner” vous a-t-il déplu? Pourtant, il a sa noblesse. On peut être fasciné par des choses considérables, admirables ou détestables, et cette fascination peut vous faire faire de grandes choses. Cézanne était fasciné par la montagne Sainte-Victoire, qu’il a peinte sous tous les angles et toutes les perspectives. Flaubert l’était par la bêtise courante, qu’il a illustrée dans son Bouvard et Pécuchet qui aurait pu être l’esquisse d’un chef d’oeuvre. Kerouac était fasciné par “la route” des vagabonds américains malades de l’américanisme, qu’il a magnifiée dans On the Road dont le lyrisme a élevé l’auteur au rang de prophète d’un mouvement collectif d’une puissance inouïe en même temps que la gloire qu’il en acquérait l’emportait dans les abîmes du désespoir. Les choses ne sont jamais simples et il faut se garder de cette tendance fâcheuse de faire des stéréotypes d’attitudes qui sont d’abord des archétypes. C’est le confort intellectuel des esprits forts. La fascination, lorsqu’elle est maîtrisée par un esprit lucide et une puissance créatrice, est l’archétype de l’attitude psychologique qui vous fait pénétrer au cœur des choses.

Tiens, pourquoi débuter ce texte sur une donation d’argent par une considération sur la fascination? Nous ne sommes pas fascinés par l’argent. Par le phénomène de la confiance, par contre, oui. Nous nous disions donc fascinés par la capacité d’un homme (Paul) à mobiliser l’intérêt et l’espoir de milliers d’hommes et de femmes qu’il n’a jamais vus et qui ne le rencontreront sans doute jamais, jusqu’à susciter chez eux des dons d’argent au nom de ce seul lien de la confiance. (Encore une fois, et pour rassurer certains, cette référence n’a rien à voir avec un engagement politique. Nous parlons de choses sérieuses.)

Cela nous paraissait également une belle fable, digne de trouver son équivalent – avec une ambition bien plus modeste – dans notre cas, dans la mesure où l’aventure permet de donner à l’argent une certaine dignité, c’est-à-dire une réelle valeur (autre que la mercantile). Mais voilà, question fable la nôtre serait plutôt du genre “le lièvre et l’escargot” (voir notre bandeau, en haut de notre page d’accueil pour une brève explication de l’évidence).

D’où notre incrédulité teintée de déception, cela va sans dire, et d’une sincère affliction. Nous serions-nous trompés? Ne devrions-nous pas alors avancer la même explication de la fascination, cette fois négativement et à nos dépens, pour des illusions trop vite faites, que nous nous étions faites à propos de ce qui pourrait être – aurait pu être si la mauvaise tendance confirme la pente qu’elle a prise – un mouvement collectif et sans contrainte de confiance, d’échange et de superbe mépris des intérêts particuliers?

Voilà nos réflexions en demi-teinte et d’une fort incertaine lumière.

Nous avons battu un record du 10 janvier au 12 janvier: deux versements (€45) en trois jours alors que le début de la campagne, – comment dit-on?, – bat son plein, c’est cela? Dans notre courte expérience de ce sport bien contrasté qu’est l’appel à donation, c’est une expérience sans précédent. On a les records et les expériences qu’on peut.

Vous le voyez, nous prenons la chose d’un cœur assez léger car il nous semblerait mal venu d’exprimer hautement déception, rancœur ou découragement, – et encore moins, de tendre lyriquement la main avec un “A vot’bon cœur, m’sieurs dames” plein de complicité demanderesse. Pas question de bon coeur, ici, pas plus que de revendication. Nous faisons appel à une contribution volontaire, pour une cause bien identifiée et qui a sa valeur. Nous ne nous jugeons pas autorisés, ni même qualifiés pour prononcer un jugement sur des comportements dépendant du libre-arbitre.

Mais trêve de ce désenchantement qui commence à poindre. Il vous reste 4 semaines et nous vous avons assez fait perdre de temps avec nos considérations oiseuses. Reste la situation telle qu’elle se présente. Tirez-en les conclusions qu’il vous plaira de tirer. En d’autres termes, ne versez rien, pas un “cent” comme ils disent, pour soutenir dedefensa.org si vous estimez, vraiment, que le geste ne vaut pas son pesant d’argent, ni dedefensa.org d’être soutenue. C’est qu’alors l’argent aura pris le pas sur le soutien du site dedefensa.org, et l’indifférence sur la confiance dont nous parlons plus haut. Ce sera le signe de notre temps, conforme sans le moindre doute. Rien pour étonner le cynique qui sommeille en chacun de nous.

Ou bien, autre choix, faites en sorte d’étonner le cynique et de le démentir. Cela ne manque ni de charme ni d’agrément.