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11303 octobre 2009 — Allons-nous prendre l’habitude de nous inviter dans cette rubrique, tous les samedis? On verra, mais restons-en pour l’instant à la circonstance fortuite et au désir de soutenir notre campagne d’abonnements. (Car nous ne dissimulons pas qu’il y a bien entendu cette préoccupation.).
Pour ce cas, il s’agit surtout de suivre le précédent F&C sur le sujet, qui est celui du lancement du “domaine payant” et d’autres sujets, du 26 septembre 2009. La cause de cette causerie est, ici, l’une ou l’autre réaction de lecteurs, le sempiternel problème des abonnements et quelques autres points qui ne sont pas du tout sans importance.
…Donc, quelques remarques, à l’emporte-pièce…
• Il y a diverses suggestions qui nous intéressent, notamment, pour certaines d’entre elles, parce que nous y pensions nous-mêmes. La mensualisation du paiement, avec domiciliation bancaire, des abonnements annuels est l’une d’entre elles, sans nul doute. Un nouvel agencement sur la colonne de gauche où se situent les modalités d’abonnement, avec des explications plus claires, l’est aussi. Comme on dit, nous étudions ces problèmes, éventuellement nous nous y attelons.
• Un lecteur (Frédéric Guillien) nous interroge sur la disposition des articles une fois qu’ils ont été payés, par celui qui en dispose. Peut-il le communiquer à d’autres, à des connaissances, etc., non par le lien qui reste payant, mais par les moyens du bord, que tout le monde connaît. Bien sûr, nous ne sautons pas avec enthousiasme sur la demande mais n’avons aucun anathème de sacrilège ou menace quelconque à lui opposer. Le corps de la réponse que nous avons fait est celui-là : «L'affaire du “domaine payant”, ce n'est pas de gaieté de cœur mais plutôt l'empire de la nécessité. La chose est claire, n'en parlons plus. Donc, le “domaine payant” n'est pas fait pour interdire le plus possible de nous lire hors du moyen sonnant et trébuchant qu'on sait mais pour avoir les moyens de survivre et de vivre… […] C'est pourquoi nous parlons souvent d'abonnements comme, également, une forme de soutien du site, et la précision n'est pas indifférente. […] Nous n'allons pas passer notre temps à surveiller ce qu'on fait des articles…» Nous dirions qu’à partir du moment où un abonné en dispose, il en fait ce qu’il lui plaît, à charge de sa responsabilité de ne pas agir jusqu’à nous priver par le fait, «jusqu’à ce que mort s'ensuive, de nos soutiens, c'est-à-dire des abonnements.»
• La question du prix des abonnements est au cœur de nombre de remarques. Nous en avons conscience. Nos lecteurs ne peuvent oublier que ces prix répondent à une logique. Au départ, le “domaine payant” a été institué en bonne part pour intégrer la version papier de la Lettre d’Analyse de defensa & eurostratégie sur dedefensa.org, avec ses abonnés. Le prix de l’abonnement standard était de €336. Nous retrouvons dde.crisis et les articles payants pour retrouver le contenu de la Lettre, avec plus d’articles, pour une somme totale réduite à €300, divisé en deux si l’on choisit l’une ou l’autre option (dde.crisis ou les articles) au lieu des deux. Cela exposé, il est très possible que la formule évolue, notamment pour prendre en compte la situation de ceux qui ont des difficultés à atteindre ces sommes. De ce point de vue, nous sommes ouverts à la possibilité d'arrangements, sans que nous soyons encore fixés à ce propos.
• Il y a eu des suggestions d’un référendum auprès de nos lecteurs pour cette question du prix des abonnements. C’est une idée intéressante, au point, d’ailleurs, que nous l’avons nous-mêmes expérimentée il y a quelques années (voir les textes de nos commentaires, de juillet septembre 2005). L’expérience fut intéressante mais elle ne nous apporta pas de révélations bouleversantes, nous confirmant plutôt dans ce que nous pensions de nos lecteurs, et découvrant sans véritable surprise ce que nos lecteurs pensaient de nous. Bref, nous nous comprenions. (Notez tout de même que c'est à partir de ce référendum que nous choisîmes la voie des donations, avec le piètre succès qu'on sait.) L’expérience peut effectivement être recommencée, même si elle ne nous paraît pas être une nécessité fondamentale.
• Par conséquent, rien des arrangements actuels n’est écrit dans le marbre, comme nous l’avons déjà écrit à plusieurs reprises.
• Bien entendu, une étape importante sera le sort des abonnés “mensualisés”, qui constituent une majorité écrasante de nos abonnements. Attention pour eux, c’est à partir du 10 octobre que commence leur cessation d’abonnement. Nous n’avons pas de système signalant la fin prochaine de l’abonnement, parce que cela suppose une infrastructure informatique coûteuse. En faisant vos remarques, souvent justifiées, rappelez-vous que nous travaillons avec les seuls moyens du bord, qui ne sont pas considérables du tout, cela étant d’ailleurs la cause centrale de l’instauration d’abonnements… Alors, pour éviter le cercle vicieux (plus de moyens pour attirer les abonnements, des abonnements pour disposer de plus de moyens), agissez en conséquence et selon votre conscience.
• De toutes les façons, au plus les regroupements se feront, au plus les processus divers seront adaptés aux exigences de bon sens des lecteurs, notamment à ceux qui ont des possibilités réduites, – au plus, enfin, nous sentirons du sens dans tous ces abonnements – au plus nous privilégierons les articles payants, c’est-à-dire le service que nous devons à nos abonnés.
Nous sentons bien, à l’une ou l’autre réaction, qu’il y a une catégorie de lecteurs qui pourrait dire: “nous prenons ce qui nous importe” (cela implique parfois des achats d’articles seuls, lorsque l’intérêt y est) “et, pour le reste, ce n’est pas vraiment notre affaire”. C’est une attitude compréhensible et qu’on ne peut condamner mais c’est une attitude que nous jugeons dans son principe (ce jugement est notre responsabilité) sans grandeur et fort peu avisée. Pour ceux qui poussent le raisonnement à sa limite, comme un lecteur commentant à notre propos sur un autre site qu’il avait arrêté de participer à nos donations parce que nous ne répondions pas personnellement à ses messages dans notre Forum et qu’il continuait à nous lire en silence, se satisfaisant ostensiblement de continuer à profiter de la chose sans autre préoccupation, c’est bien une attitude du temps (l’individualisme cloisonné, même proclamé “de gauche”) – comme les dirigeants français conscients de rien qui font une bonne politique à laquelle ils n’entendent rien (voir le Mistral et la Russie) – et donc c’est une attitude à courte vue et à courte pensée – le lecteur nous lit, très bien, mais il n’a rien compris à l’esprit de la chose.
Il est inutile de s’aventurer plus avant en matière critique à l’encontre de cette sorte d’attitude, sinon, parfois – dans un moment de blues, brother – de nous demander ce qu’ils font sur dedefensa.org, et surtout de constater qu’ils n’y sont pas pour avoir un sens de solidarité pour le bien commun. Car s’il n’y a plus dedefensa.org, ils n’auront plus leurs articles. Qu’importe, disent-ils, la terre continuera à tourner; que nous importe, disons-nous, nous ferons avec ou sans eux, et il n’est pas sûr que la terre continuera à tourner.
Cela pour dire également que nous sommes un peu fautifs. Nous avons vécu dans l’illusion d’une signification exagérée donnée à l’importance quantitative de notre lectorat. Nous constatons que cet empressement n’a nullement la signification que nous serions inclinés à attribuer à la chose; cette importance du lectorat ne signifie, ni une adhésion, à mesure, à la tentative intellectuelle que constitue dedefensa.org, ni surtout et avant tout, une partie prenante à la conscience collective de ce qu’est dedefensa.org, d’un point de vue structurel. L’illusion quantitative est une des grandes catastrophes intellectuelles de notre temps.
(Après tout, nous devrions nous rappeler plus souvent que la première newsletter, ou plutôt “lettre d’information” de l’Histoire est celle que le baron Grimm envoyait de Paris à quelques lecteurs sélectionnés – dont monsieur Johann Wolfgang von Goethe, poste restante à Weimar – qui donnait les dernières nouvelles du mouvement des Lumières. Elle avait un titrage d’autour de 50 exemplaires – 53, dit-on, ce qui est tout de même moins que le nombre actuel de nos abonnements).
Nous avons un noyau de lecteurs qui ont notre esprit, qu’on trouve dans nos abonnés et dans ceux qui vont s’abonner, et dans ceux qui voudraient s’abonner et ne le peuvent pas encore. Ce noyau peut d’ailleurs être beaucoup plus important que nous le supposons, peut-être, après tout – là aussi, la surprise n'est pas interdite, qui serait à l’inverse de celle que nous eûmes avec les chiffres de fréquentation comme signalé plus haut. Ce noyau, c’est notre trésor et c’est un trésor qui nous est commun à tous. Voilà la chose telle que nous la voyons.
En échange, nous leur donnons ce que nous pouvons. Il n’empêche, dirions-nous dans un souci d’autopromotion qui éclate comme un court instant de révolte sans lendemain, et s’adresse à tous après tout – cherchez un autre site qui suive l’aventure américaniste comme nous le faisons, en risquant les analyses que nous faisons, en fixant la dimension universelle de la chose, en identifiant les crises qui prolifèrent à cause de cela – qui suive les armements comme nous le faisons, le Mistral et la Russie, le Brésil et la France, le JSF et le Pentagone sous toutes ses coutures, en donnant à tout cela les dimensions politiques qu’il faut – des exemples parmi d’autres… Cherchez et, si vous trouvez, précipitez-vous-y, et bon vent.
Nous sommes ce que nous sommes. Nous n’avons, nous n’aurons jamais une approche absolument commerciale (même si nous y sacrifions ce que nous jugeons pouvoir y sacrifier, en identifiant parfaitement la limite); nous avons une approche conceptuelle du monde, d’expérience intellectuelle et d’intuition, dans une époque désespérément aride pour cela, et qui s’écroule à cause de cela. Pour un empire, même l’“empire de la communication”, nous ne changerions rien à cette approche (sinon dans les nuances que nous disons). Nous ne pourrions plus nous supporter nous-mêmes, de ressembler, même de loin, à ces termites qui font leur petit boulot de catéchisme du système, avec la trouille au ventre de dire un mot qui déplaise quelque part – et nous nous ennuierions, littéralement, à mourir – ce qui est, en général, l’arme absolue dissimulée du système. Ainsi vont les choses.
Si, lisant cela, vous n’êtes pas convaincus de vous abonner illico presto ou de vous abonner dès que vous pourrez, aussi bien pour nous lire complètement que pour nous soutenir parce que nous avons besoin de vous, c’est que nous ne sommes pas du même voyage et que même, plus que tout, au contraire de ce que disait Jacques Brel, nous ne cherchons pas le même port. Ce sont des choses qui arrivent, et nous ne sommes pas sûrs d’ailleurs que le port que nous avons choisi soit le “bon port”. Mais nous risquons le voyage. Qui ne risque rien n’a vraiment rien du tout…
Un dernier mot, en référence à un autre lecteur (Stéphane Coël), nous disant: «Votre produit est de qualité et n'est pas essentiel pour beaucoups de personnes…» Remarque absolument juste, à laquelle nous répondîmes:
«Votre remarque que je me permets tout de même de qualifier de paradoxale (“Votre produit est de qualité et n'est pas essentiel pour...”) est malheureusement juste. C’est là tout le sens de notre démarche: la qualité que nous proposons est celle qui, pour l'information, pour l'intelligence, est nécessaire à notre survie à tous. Il reste donc à convaincre les gens que la survie est l'essentiel pour eux. En fait de sophisme postmoderniste, nous sommes servis!»
Notre ambition est bien de faire nous-mêmes la démonstration du caractère destructeur de ce sophisme postmoderne Certes, il y a des gens pour qui l’essentiel se réduit, à cause de leurs moyens, à la survie physique, et ce n’est pas pour eux que nous parlons, pour lesquels nous espérons trouver une solution. C’est pour les autres que nous parlons, qui sont légions. Nous espérons toujours leur montrer que, même s’ils marchent à leur pas, ils n’en marchent pas moins au pas. Peut-être trouveront-ils un moment pour songer à la chose, et découvrir que la marche au pas, à ce rythme-là, a surtout pour effet de briser en eux le rythme vital de la survie intellectuelle. Question d’hygiène, sort of.
Cela dit, retournons à nos moutons, et au travail, du pas vif et allègre qui est le nôtre.
(N.B.: comme le précédent F&C du 26 septembre 2009 sur ce sujet, ce texte sera repris dans quelques jours dans notre Messagerie, à sa date de publication du 3 octobre 2009.)
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