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111026 septembre 2009 — Cela fait donc 15 jours que nous avons ouvert notre “domaine payant”. En raison de l’importance de l’initiative – pour nous, certes, pas nécessairement pour the Rest Of the World – il nous a semblé justifié de nous adresser à nos lecteurs, sur le mode de l’information autant que sur celui de la réflexion, en bonne place sur la page d’accueil du site et dans ses rubriques.
[Ce texte a paru également dans notre rubrique Faits & Commentaire, à la date du 26 septembre 2009; il s’inscrit dans notre rubrique Messagerie ce 30 septembre 2009, référencé à la même date du 26 septembre. Nos lecteurs peuvent également consulter les commentaires apparus avec notre F&C]
Quelques mots d’abord sur ces premiers quinze jours. Nous approchons la cinquantaine d’abonnements, dont un nombre très important d’abonnements mensuels que nous prenons naturellement comme des “abonnements à l’essai”, pour mesurer ce qu’apporte ce “domaine payant”. Le résultat peut paraître acceptable, voire appréciable, mais il n’a pour l’instant qu’une valeur très fragmentaire, sinon chaotique. (Notamment, en fonction de la question essentielle de la prolongation des abonnements mensuels, leur transformation en abonnements annuels.)
Nous pensons que c’est sur quatre mois (ce délai, pour correspondre à la fin de l’année), voire six mois au plus, que nous pourrons juger de la viabilité de la formule, notamment sur le constat de l’existence ou pas d’un rythme régulier de prise d’abonnements. Le rythme, c’est le facteur fondamental. Les développements de ces derniers jours, qui ont vu une chute du rythme de prise des abonnements, ne sont pas encourageants; si ce rythme ne s’impose pas, la partie, cette partie selon la formule choisie est perdue. Nous tenons en réserve l’une ou l’autre formule, si le résultat constaté l’impose. Les intérêts des abonnés seront prioritairement protégés.
Nos lecteurs ont pu constater que l’introduction de la “formule payante” n’a pas asséché le contenu de l’accès libre du site, d’autant que nombre d’articles payants sont composés d’une partie en accès libre qui permet d’avoir une idée de l’information qui forme l’argument de notre commentaire en accès payant. Il subsiste un nombre respectable de textes en accès libre complet. L’un dans l’autre, le nombre de textes mis en ligne sur dedefensa.org a augmenté, notamment avec l’activation comme une des trois rubriques principales des Notes d’analyse. Selon les résultats que nous obtiendrons du point de vue des abonnements, il va sans dire que cette politique du volume de l'accès libre évoluera pour tenter de convaincre plus de lecteurs de s'abonner. Ce n'est pas un choix de notre part, c'est une nécessité; les résultats de notre campagne d'abonnements conditionnent rien de moins que notre survie.
Cette démarche n’est pas simple puisqu’elle tend à concilier des intérêts opposés. (Ne parlons pas du travail supplémentaire pour nous, puisque c’est notre choix.) Elle tend à tenter de conserver le lectorat habituel, non payant, grâce à l’accès libre; mais aussi, et surtout, elle doit satisfaire les abonnés, en les convaincant que leur effort financier est justifié.
Nous en sommes là. Si certains voient dans ce constat une invitation discrète à souscrire l’un et l’autre abonnements en n’oubliant pas qu’il s’agit également de soutenir le site, qu’ils n’hésitent pas… Nous ne leur en tiendrons nulle rigueur.
Maintenant, quelques mots de réflexions plus générales. Il est vrai que nous avons reçu des réactions un peu déçues, un peu attristées, parfois un peu revendicatrices, de lecteurs annonçant qu’ils ne pourraient souscrire d’abonnements. Ce qui nous gêne dans ces réactions, c’est moins les désaccords sur le montant que l’une ou l’autre désapprobation implicite sur le principe.
Il existe une certaine conviction que l’activité d’Internet doit rester gratuite et de libre accès. Il nous est arrivé parfois d’avoir une compréhension bienveillante pour cette approche (par exemple, notre expérience sur les donations dénotait chez nous cet esprit en n’imposant aucune restriction à l’accès). Au plus le temps passe, au plus nous pratiquons le réseau, au moins nous sommes sensibles à cette approche. Nous la considérons de plus en plus, au mieux comme complaisante, au pire comme autodestructrice ; ces jugements viennent de ceci que nous considérons Internet comme quelque chose de sérieux et d’essentiel dans l’immense crise qui frappe notre civilisation – loin, très loin de toutes les définitions emphatiques et démagogiques qu’on s’est acharné à développer pour faire correspondre Internet à l’esprit de la modernité.
Pour nous, Internet est une affaire sérieuse et essentielle. C’est un outil puissant qu’on ne peut galvauder en le plaçant au service d’ambitions utopiques qui se satisfont d’illusions. C’est un outil puissant non pour “faire concurrence” comme on fait une leçon de morale à ce que nous nommons la “presse officielle” ou presse-Pravda, mais pour attaquer directement, frontalement, férocement, la force d’asservissement et d’abrutissement qu’est cette forme de communication au service d’un système prédateur de la civilisation, qui dispense une information et un commentaire extraordinaires par leur bassesse, leur médiocrité, leur acceptation aveugle du conformisme touchant tous les aspects de la vie et de l’intelligence, de l’esprit et de la culture. Il faut conclure que c’est pour se battre contre cela qu’Internet existe et se développe, parce qu’aujourd’hui tout doit le céder à cette bataille vitale. De ce point de vue, c’est une arme puissante dans une bataille colossale, et une arme absolument imprévue et inattendue puisqu’elle fut développée par le système lui-même. N’en pas faire l’usage qui importe constituerait une faute dont il est difficile de donner la mesure, un péché fondamental de l’esprit.
Pour cela, pour cet usage et pour cette mission, il y a un mode d’emploi. C’est-à-dire qu’il faut considérer Internet avec le sérieux qu’on attache aux autres formes de communication, pour y consacrer du temps, travailler à partir d’une base d’expérience et de rigueur professionnelle. C’est-à-dire qu’il faut considérer Internet comme un cadre professionnel dans lequel des gens travaillent – et doivent vivre en même temps, et donc être rétribués parce qu’ils vivent, comme nous vivons tous, à l’intérieur de ce système contre lequel nous sommes en révolte ouverte. Cet argument nous paraît d’une telle évidence, face aux lassantes diatribes complaisantes sur la “complicité” avec le système, qu’il ne nous importe pas d’aller plus loin dans la plaidoirie.
Pour nous, Internet n’est pas un vaste laboratoire où s’expérimenterait un monde nouveau dans la joie partagée et la convivialité – ou dans la polémique gratuite et l’humeur irresponsable, ce qui est souvent le cas, à lire certains sites et blogs, et les commentaires qui vont avec – mais un outil formidablement puissant pour attaquer au cœur le système qui interdit à tout monde nouveau de s’établir. Internet n’est pas une formule pour soigner vos et nos humeurs et défouler vos et nos hystéries mais un domaine sérieux et formidablement puissant dans le monde de la communication, qui est aujourd’hui le principal vecteur de la puissance.
Il n’y a pas aujourd’hui de force plus grande que la communication. C’est la quintessence même de la puissance, dans un monde qui a basculé dans l’ère psychopolitique, où l’information et toutes les activités intellectuelles ont été transférées dans un univers devenu avec une soudaineté inouïe d’une totale subjectivité, sans plus aucune référence structurante. Chacun doit donc se construire ses propres références et, dans cet éther de subjectivité, construire une cohérence elle-même structurante, qui puisse prétendre à une certaine appréciation objective du monde en tentant d’approcher de la réalité. De ce point de vue, nous sommes laissés à nous-mêmes.
Ce que nous offrons, avec dedefensa.org, c’est une proposition de cohérence, permettant éventuellement de construire une vision structurante avec une appréciation objective, rationnelle, d’une situation devenue complètement subjective et irrationnelle. Nous n’essayons surtout pas de rationaliser le monde, ce qui nous paraît à la fois absurde et faussaire, mais d’apprécier rationnellement ce monde, et notamment ce qui peut paraître être son irrationalité – qui pourrait être nommée de façon plus ambitieuse, si l’on veut et peut y distinguer une signification, “surrationalité” ou “métarationalité” – selon des termes d’emploi connu, mais ne correspondant pas nécessairement à ce que nous voulons signifier.
Notre idée est que l’état de désordre du monde, qui est un fardeau insupportable et une catastrophe épouvantable, donne aussi des occasions d’appréhender des états cachés de lui-même, du monde, et intime le devoir de tenter d’en rendre compte éventuellement. Il est beaucoup moins question de trouver des dimensions supplémentaires à l’homme en son état actuel, qui semble avoir fait ses preuves à cet égard en choisissant une voie catastrophique, que d’observer que le chaos engendré par lui peut libérer des perspectives et permettre d’identifier des situations nouvelles dans les domaines élevés qu’on a mentionnés. Ce qui fait toute l’exceptionnalité de la situation est que, grâce à la communication d’une part, à cause de l’encagement total de la pensée officielle dans le conformisme d’autre part, des voix et des centres indépendants ont infiniment plus de possibilités de faire de telles démarches que les voix et les centres des élites officielles enchaînés à leur système qui sombre.
C’est pourquoi, nous semble-t-il, Internet est une chose sérieuse. Faites de tout cela et en conscience, dans vos rapports avec dedefensa.org, ce que vous jugerez bon de faire. Nous en tirerons les conclusions qui en découleront.
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