JSF de campagne

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JSF de campagne


6 novembre 2002 — Des indications nettes commencent à apparaître selon lesquelles l'entrée des Pays-Bas dans le programme JSF (c'est-à-dire sa mise en question) devient un argument de la campagne électorale qui commence dans ce pays, pour des élections législatives anticipées prévues au début de l'année prochaine. Il s'agit d'une campagne électorale particulièrement lourde, dans un climat politique qui ne cesse de se détériorer, avec un gouvernement démissionnaire censé revigorer un système discrédité qui s'est lui-même discrédité en quelques semaines.

• Le quotidien Telegraf indique que le parti D66 (gauche modérée) « prône entre autres “une approche dure contre l'école buissonnière, l'interdiction des graffiti, l'expropriation des locaux de trafic de drogue et l'annulation de l'achat de chasseurs JSF”. »

•  Dans le quotidien Volkskrant, le leader de GroenLinks (écologiste), Rosenmöller, estime que les partis de gauche peuvent constituer une plate-forme de gouvernement contre les partis de droite : « Malgré toutes les divergences qui subsistent entre nous, nous pouvons nommer sans problème une dizaine de points sur lesquels nous rejetons ensemble l'accord de gouvernement. Je citerai la suppression des emplois Melkert, la baisse du pouvoir d'achat des minima, l'achat des chasseurs JSF, la criminalisation des clandestins et la restitution des “vingt-cinq cents de Kok” au lieu d'investissements dans les transports publics. »

Ce climat extrêmement lourd des Pays-Bas, mis en évidence pour cette campagne électorale, est né avec la montée du parti populiste de Wym Fortuyn, puis avec l'assassinat de Wym Fortuyn lui-même, le 6 mai dernier, à la fin de la campagne électorale, et avec les élections du 16 mai. L'assassinat de Fortuyn n'avait pas empêché son parti (PWF) de l'emporter, mais dans des conditions confuses et douteuses amenant aussitôt des dissensions dans ses rangs, conduisant à la mise en place d'un gouvernement bancal. La crise a rapidement éclaté, suivi d'une démission. Le PWF n'a guère survécu à la mort de son chef.

L'intention de participation dans le programme JSF, bloquée par la démission du précédent gouvernement (Wim Kok) le 16 avril, avait été décidée dans des conditions également étonnantes, d'une façon confuse et précipitées qui laissent à penser, par l'assemblée issue de l'élection mais sans que le nouveau gouvernement ait été investi.

(D'une façon plus générale, c'est tout le processus du choix néerlandais qui s'est déroulé dans des conditions douteuses et très critiques, sur le fond d'une crise politique qui se poursuit, qui est sans exemple dans l'histoire de ce pays depuis la fin de la guerre. Nous avons suivi ces diverses péripéties, que ce soit, dès l'origine, le choix du gouvernement Kok d'entrer dans le JSF, que ce soit les conditions mêmes de la démission du gouvernement Kok, que ce soit les conditions de l'assassinat de Fortuyn et de l'élection, que ce soit les conditions de ratification de la décision d'entrer dans le JSF, que ce soit enfin, et ce n'est pas le moins intéressant, les contestations sur le comportement du parti de Fortuyn votant finalement pour le JSF, contre ce qui avait été semble-t-il la position de Fortuyn à l'encontre du programme américain.)

La contestation de l'entrée dans le JSF est pour l'instant le fait des partis de gauche néerlandais. L'intérêt du mouvement actuel est qu'un débat sollicité (l'opportunité électorale ou l'automatisme idéologique) peut déboucher sur une question de fond essentielle. Les partisans du JSF peuvent difficilement défendre la participation sur le seul terrain qui justifierait une telle démarche, qui est le terrain politique (techniquement, opérationnellement, les Néerlandais ne devront pas choisir un nouvel avion avant 2006-2007). Face aux arguments de la gauche qui pourraient être dénoncés comme pacifistes (ils ne le sont pas tous, tant s'en faut), le seul vrai argument politique acceptable serait celui d'un renforcement de l'Europe de la défense. On voit bien que c'est exactement l'inverse qui caractérise le choix de participation au programme JSF, au point où certains dans la gauche néerlandaise, notamment chez les socialistes, combattent le choix du JSF non par idéologie pacifiste mais par logique européenne, selon laquelle l'entrée dans le programme JSF est une agression sauvage contre l'industrie européenne d'armement, contre tout espoir d'autonomie européenne, contre l'espoir que l'Europe conserve sa base technologique. L'opportunité néerlandaise est qu'en réintroduisant l'affaire du JSF, le vrai débat, escamoté au printemps dernier dans l'indifférence générale, puisse être enfin mis en évidence : le débat de la défense européenne, des moyens de cette défense (l'industrie d'armement) et des responsabilités des pays européens devant ces questions.