JSF (I) : “in fantasyland”

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JSF (I) : “in fantasyland

3 novembre 2006 — Voilà un hasard bienvenu pour nourrir le débat électoral en Hollande (élections le 22 novembre), où l’engagement hollandais dans le programme JSF est venu faire récemment une incursion inattendue.

Jane’s Defence Weekly (JDW), du groupe Jane’s a retrouvé le compte-rendu d’un séminaire tenu par Lockheed Martin (LM) sans doute au début du mois d’octobre («early October», écrit JDW), avec en vedette le vice-président de LM Tom Burbage. L’article de JDW est en date du 1er novembre 2006. (Certaines sources laissent entendre que LM a beaucoup insisté pour que le correspondant de JDW en Hollande soit mis au courant de ce séminaire et que le compte-rendu en soit publié, bien que son actualité soit dépassée.)

Extraits :

«Lockheed Martin Executive Vice President and JSF General Manager Tom Burbage said the six nations were “NATO countries or US allies” but would not disclose which countries they were.

»Spain, which would be looking at the F-35B short take-off vertical-landing (STOVL) variant to replace the Boeing AV-8B Harrier II Plus aircraft that it is currently operating off the aircraft carrier SPS Principe de Asturias, is certain to be one country. The other five to join the nine partner nations of Australia, Canada, Denmark, Italy, Netherlands, Norway, Turkey, the UK and the US, could include Finland, Greece, Switzerland and potentially Israel.

»Burbage, speaking at the JSF International Technology Symposium held in The Hague in early October, said the five undisclosed countries would be Lockheed Martin F-16 and Boeing F/A-18 operators looking at the F-35 to replace their current fighters.

»The symposium was part of a two-and-a-half week tour by a Burbage-led contractor team of the eight current JSF international partner countries in preparation for the imminent signing by these nations of the next-phase JSF Production, Sustainment and Follow-on Development Memorandum of Understanding.»

En plus de ces excellentes nouvelles du “front extérieur” du programme JSF, Burbage en donna, d’aussi bonnes au moins, du “front intérieur”. Burbage s'est dit «extremely pleased about the political process in the US that earlier in 2006 approved the transition of the JSF programme from development into production». Aucun commentaire à faire sinon qu'il s'agit simplement d'une inexactitude complète à laquelle on ne voit aucune imperfection. Toutes les indications de ces derniers mois vont dans le sens contraire et l’intervention du Congrès dans le processus de production est au contraire considérée comme très inquiétante. La chose (le mensonge) est tellement carrée qu'elle vous ôte le goût d'un commentaire plus acéré.

Donc, restons-en au front extérieur, dont Burbage est extrêmement satisfait, comme on l’a vu ; plus que cela, il jubile.

D’autre part, et c’est là le point vraiment intéressant, son approche est du type “fantasyland”, terme qui nous semble parfaitement convenir à la situation du JSF lorsqu’elle est exposée par LM. Il s’agit d’un forcing pour tenter d’emporter les décisions (signature du MoU) des pays coopérants. Les perspectives triomphantes sont décrites de la sorte : «preliminary discussions with the governments of six additional allied countries over joining the nine-nation JSF programme.»

Tout est effectivement dans l'énoncé. Pour LM et les Américains, tout pays qui envisage un rééquipement et considère les concurrents sur le marché, et parmi eux le JSF bien entendu, est d'office classé comme étant engagé dans une «preliminary discussions [...] over joining the nine-nation JSF programme».

Cette approche signifie que, pour ces nations, du point de vue américaniste, le choix est fait (JSF), qu’il n’y a d’ailleurs même pas eu choix à faire bien qu’il y ait des concurrents, qu’il ne reste donc qu’à discuter les modalités de l'acquisition. (Pour la précaution générale [embarras si l’un des pays concernés réagissait négativement], la formule reste suffisamment ambiguë pour démentir qu'il s'agit de cela, mais tout le monde a bien compris qu'il s'agit de cela.)

En d’autres mots : pour ce qui concerne le JSF, les USA continuent à faire le choix de ceux qui sont et seront autorisés à acheter le JSF. Il s’agit essentiellement d’être de l’OTAN, d’être allié et de n’être pas Français. (Ces 6 nations, observe Burbage, sont toutes des «NATO and US allies».)

La seule remarque qui semble de quelque intérêt dans la progression de la compréhension du dossier, — dans la mesure où nous jugeons de l'intérêt d'une remarque à sa capacité de rendre compte de la réalité, — c'est le «potentially Israel» terminant la liste des possibles pays acquéreurs. S'il y a une commande qui devrait être acquise d'avance, c'est bien celle d'Israël. La remarque implique qu’elle ne l’est pas. C'est le signe que le malaise stratégique USA-Israël, commencé avec l'affaire des ventes d'armes israéliennes à la Chine et poursuivi par l'échec d'Israël face au Hezbollah n'est pas résolu.