JSF (II) : la réalité

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JSF (II) : la réalité

3 novembre 2006 — A côté de l’aspect fantasyland Made in LM (Lockheed Martin) du programme JSF, voici la solide (et sordide ?) réalité. Une bataille de chiffonniers noirs de suie, dans un tunnel bureaucratique fort mal éclairé. On parle ici des négociations USA-UK sur le JSF, avec comme question fondamentale la “souveraineté opérationnelle” dont les Britanniques ne démordent pas.

Un article d’Aviation Week & Space Technology nous permet d’avoir une appréciation sur la situation des négociations USA-UK. Le style mesuré et contenu caractéristique de l’hebdomadaire ne dissimule certainement pas les difficultés considérables qui restent sur la route d’une signature du MoU (Memorendum of Understanding).

Autre élément intéressant que nous confirme l’article, qui concerne le MoU. Le MoU que les Américains veulent voir paraphé par leurs partenaires non-US est dénommé Production Sustainment and Follow-on Development (PSFD) et porte sur un engagement intermédiaire (une sorte de renouvellement de bail) qui n’implique en aucune façon une commande ferme.

Le très optimiste Tom Burbage, VP et patron du programme JSF chez LM, optimiste par contrat et profession, n’envisage pourtant que six à sept pays signant le PSFD prévu pour décembre. Une ou deux nations ne devrai(en)t signer qu’au premier semestre 2007. Tout cela vaut évidemment pour le cas où toutes les nations engagées dans le programme acceptent de poursuivre la coopération. Sur ce dernier point, on se permettra d’avancer qu’il existe une certaine incertitude.

Exemple de cette incertitude, le cas britannique bien sûr. La situation est complexe, invraisemblable, bureaucratique, labyrinthique — choisissez le qualificatif qu’il vous plaira aux dernières nouvelles de la situation.

Voici un long extrait de l’article d’AWST du 30 octobre qui nous informe à ce propos (le sigle LO utilisé dans l’article donne les initiales de “Low Observable”, expression désignant les technologies furtives intégrées dans l’avion) :

«A critical aspect of the talks between London and Washington is the British need for “operational sovereignty” and what this implies with regard to low-observable technology.

»The main operating base for the British JSF aircraft ¬— known as the Joint Combat Aircraft — will be at RAF Lossiemouth in northern Scotland. The Defense Ministry intent is to carry out maintenance, repair and upgrade of the aircraft at this base, along with post-work low-observable verification. But this has implications with regard to U.S. National Disclosure Policy (NDP).

»Burbage believes a satisfactory approach to LO is achievable. The easiest route would be through the use of British government personnel, although that runs counter to the ministry's revised approach to combat aircraft support. The strategy for depth maintenance is to perform it at the types' main operating base, using significant industry input.

»Burbage admits that the use of U.K. industry staff to support and maintain LO aspects of the aircraft is more problematic. However, he points to Team JSF, the alliance including Lockheed Martin and BAE Systems, as a potential conduit to addressing this issue.

»“BAE Systems will be the lead element in the U.K.,” he says, adding that there may be a “need for a few U.S. personnel” for some elements of LO maintenance and verification. He recognizes it would be politically unacceptable for a “U.S. flag” to fly metaphorically over RAF Lossiemouth. Likewise, from the NDP perspective, though, he adds it would be equally unacceptable to have BAE Systems “flag” flown from the base.

»Other industry sources suggest the “blended team” approach offers the best method to address U.S. security issues and British requirements for ''operational sovereignty'' of the aircraft.

»The U.K.'s Defense Technology Strategy — published in October — stresses the intent is to have “a coherent [low-observable] ownership policy which covers contractual acceptance of LO platforms and support systems; through life signature measurement and maintenance facilities and processes.”

»While the report does not directly identify the JSF in this context, it is implicit. Guaranteeing the required technology access and understanding to provide this capability is at the heart of the ongoing negotiations.

»Burbage says first flight is penciled in for early December. Ambitions to fly in October were thwarted by the amount of time it was taking to “swap out ground-cleared items for flight-cleared equipment.” This is complete, however, and the “aircraft is now back on the flight ramp,” he adds.

»The U.K. plans to purchase up to 138 aircraft over a 16-year period from 2011-27. This number covers both the replacement of the Harrier GR9 with four squadrons of the F-35, and a limited number of aircraft to meet the manned element of the replacement of the Tornado GR4.

»Burbage says the U.K. will have two F-35s in the third batch of low-rate initial production (LRIP) aircraft. These will be based in the U.S. to form an operational evaluation unit. Delivery of aircraft for U.K. units will begin from LRIP IV in 2012.

»Remaining to be seen is the strength of the U.K.'s negotiating hand. Drayson has repeatedly suggested there is a “Plan B” — but this may simply be not to join the PSFD phase, and instead purchase the aircraft off the shelf at a later date. This would also undermine much of the rationale in the Defense Industrial Strategy, of which Drayson is the main architect. Perhaps Britain's strongest card is a potential effect on the other partner nations, were London to delay signing PSFD.»

La souveraineté, cela ne se divise pas

L’article donne suffisamment de détails pour mesurer le labyrinthe bureaucratique qu’on est en train d’explorer pour tenter de parvenir à une solution. Manifestement personne ne veut une rupture mais personne ne veut céder dans une matière où la moindre concession significative signifierait une capitulation. Le problème est que la question posée est de celle qui ne se divise pas ; la souveraineté est une matière de substance, de la sorte qu’on ne peut diviser. On est souverain ou on ne l’est pas, — on ne peut l’être à moitié.

Les solutions envisagées sont à la mesure du caractère insoluble du problème. Envisager des équipes mixtes UK-US pour assurer la maintenance des JSF britanniques, avec les Américains disposant de l’ultime clef pour les technologies sensibles mais les Britanniques commandant ces équipes, permet de comprendre l’indémêlable complexité de la chose.

La description du “Plan B” britannique (que faire en cas d’impasse) par AW&ST est particulièrement révélatrice de l’état d’esprit américaniste. Il semble impossible à cet esprit qu’il puisse y avoir la possibilité de l’achat d’un autre avion que le JSF. Les Britanniques, tacticiens compliqués comme d’habitude, se prêtent à ce jeu en n’ignorant rien des réalités (c’est-à-dire, qu’il y a effectivement d’autres avions disponibles).

L’impression qui se dégage de l’article est plutôt celle d’une irrémédiable impasse, dans tous les cas pour le moment. Il est sans doute probable que les Britanniques voudront suivre cette tactique : refuser pour l’instant la signature du PSFD, espérer entraîner d’autres partenaires dans cette voie pour posséder un fort moyen de pression sur Washington et espérer finalement l’emporter (accès aux technologies contestées).