JSF: le Pentagone commence le ménage en accélérant dans l’erreur

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Defense News présente une interview du n°3 du Pentagone Ashton Carter, ce 9 novembre 2009, sur la question de la crise du JSF. L’interview représente en effet la première reconnaissance officielle qu’il y a effectivement une crise, notamment à la suite de l’enquête menée par l’équipe JET: «The JET II study shows both some cost increases and schedule slips, which we should do everything we can to avoid. Those are forecasts which say what will happen if we don't change what we're doing. And we should change what we're doing so that those predictions don't come fully to pass.»

• Il y a actuellement des rencontres quotidiennes au Pentagone pour déterminer un nouveau plan concernant le programme JSF, et il y aura un grand “week-end de travail” dans ce sens les 21 et 22 novembre.

• Ashton Carter estime qu’on pourra éviter que le programme JSF soit en contravention avec la loi Nunn-McCurdy. Le domaine sur lequel des changements devraient pouvoir être réalisé est celui des essais en vol: «to determine ways in which the flight test program can be accomplished in a shorter period of time than the JET II estimates without affecting other parts of the program or increasing overall program costs…»

Notre commentaire

@PAYANT Ces premières déclarations officielles après les révélations sur le rapport JET-II ont le seul mérite de déterminer de façon officielle que la crise est ouverte, que ce rapport JET-II annonce effectivement une situation en grave détérioration et qu'il est effectivement considéré comme la référence centrale de l’action de surveillance du programme JSF.

A part cela, à s’en tenir aux déclarations de Carter, il ne semble absolument pas que la direction du Pentagone soit décidée pour l’instant à changer quoi que ce soit du programme JSF en profondeur. La direction prise semble même être contraire à ce qu’il semblerait logique d’attendre, qui serait un certain freinage de l’actuel rythme prévu – qui s’avère intenable et accumule les contre-performances – pour pouvoir reprendre le contrôle du programme. D’après ce qu’on peut comprendre des déclarations de Carter, c’est le contraire qui serait tenté, c’est-à-dire une accélération des essais en vol pour tenter d'accélérer le développement du programme et d'ainsi réduire les coûts (ou, dit de façon plus réaliste: d'éviter complètement ou en partie les augmentations prévues par JET-II).

La conception d’action qui se trouve derrière les mesures envisagées répond toujours à celle qui a présidé au choix de Gates lorsqu’il a décidé de concentrer l’action du Pentagone sur le F-35: accélérer le développement du programme par tous les moyens. Dans la mesure où rien n’est prévu (pas de freinage, notamment) pour ce qui concerne la production, l’orientation prise représente une approche à première vue très différente de celle que préconise Wheeler, dans l’article que nous commentons ce 10 novembre 2010Finally, the biggest step, would be to suspend further F-35 production until the test aircraft, all of them now funded, can complete a revised, much more thorough flight test schedule. Once we know the F-35's realistically demonstrated performance and problems, and the full extent of its costs, we can make an informed decision whether to put it into full production»).

Pour l’instant rien n’indique que le Pentagone envisage une action radicale malgré la reconnaissance des conditions catastrophiques et chaotiques du programme JSF. La même orientation est poursuivie: aller vite, très vite, le plus vite possible, avec ce changement que c’est désormais le Pentagone qui tente de prendre en main le contrôle du programme. C’est au moins reconnaître de facto que ce contrôle a complètement échappé à Lockheed Martin et au JSF Program Office.

Il semble bien que rien de sérieux ne soit fait pour tenter de comprendre comment et pourquoi le programme JSF se trouve là où il en est, pour éventuellement déterminer les remèdes fondamentaux nécessaires. Plus que jamais, il s’agit d’une navigation en aveugle, mais une navigation en aveugle à plus grande vitesse que celle suivie jusqu'ici. Comme l’on sait, quand on ne voit plus rien et qu’on n’y comprend plus rien, la meilleure solution est d’encore accélérer. La philosophie de base de cette attitude est de présupposer que le concept du JSF est fondamentalement sain, que ce sont seulement des erreurs de méthodologie et de gestion qu’il faut corriger, et qu’on les corrigera en allant encore plus vite.

La question subsidiaire est bien: peuvent-ils faire autrement, sans avouer l’échec complet du programme? La présentation succincte de la réaction du Pentagone face à l’annonce de la catastrophe semble bien être, pour l’instant, un aveu d’impuissance montrant combien tout le monde est prisonnier de ce programme tel qu’il a été développé et programmé. On ne voit pas en quoi cela représente une quelconque garantie qu'il soit mené à bon port; pour l'instant, c'est repousser le moment de l'explosion de la chose, et une explosion avec bien plus de dégâts.


Mis en ligne le 10 novembre 2009 à 14H29

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