L’ Ukraine à swastika découverte

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L’ Ukraine à swastika découverte

3 octobre 2014 – Il y a à peu près un mois et demi (le 20 août 2014), nous mettions en ligne une estimation de la situation ukrainienne selon notre commentaire, notamment à partir d’un témoignage assez innocent, – dans le sens d’une absence de parti-pris idéologique, – celui d’“un industriel US, Robert Bensh, de la firme Pelicourt LLC spécialisée dans le domaine de l’énergie et travaillant actuellement sur les ressources ukrainiennes”. Nous reprenons quelques extraits de ce texte pour situer l’atmosphère que nous distinguions en Ukraine, notamment résumée par ces trois mots, chacun aussi important que l’autre : “désordre, désordre, désordre...”, – ou la thèse surprenante du “désordre destructeur”.

«Ce qui est tout à fait remarquable dans la description que fait Bensh, c’est l’attitude incohérente des législateurs ukrainiens, qui votent des lois se contredisant, s'annulant les unes les autres. Le mot d’ordre en Ukraine, et dans ce cas à Kiev, semble être : désordre, désordre, désordre... [...]

»La cerise sur le gâteau, c’est la “direction” politique, avec les dirigeants cooptés par la CIA, des hyperlibéraux aux néonazis préoccupés de leurs avantages divers, les oligarques habités d’ambitions politiques et maniant les bataillons dans le Donbass, et enfin la Rada si glorifiée lors du triomphe de Maidan et dont les pugilats courants débouchent sur des lois en cascades qui s’annulent et se contredisent. Si l’on veut, c’est une nouvelle version de l’aventure libyenne, en plus structurée avec les innombrables manipulations et manigances des divers groupes et agences américanistes et otaniens, et cette structuration permettant d’obtenir plus de désordre encore. L’incompétence affichée de la classe politique dirigeante ukrainienne, avec la corruption courante passée au dopage de la vertu américaniste-occidentaliste, devrait établir une nouvelle référence du domaine, confortant ainsi parfaitement l’analyse de Dimitri Orlov

»Voilà donc encore une vaste théorie confrontée à la réalité du désordre. La thèse majoritaire pour expliquer l’entreprise américaniste en Ukraine a été et reste sans doute celle du pillage de l’énergie, passant notamment par les mirifiques perspectives de gaz de schiste et autres, tout cela dans un écrin hyperlibéral fait sur mesure. La réalité que nous livre monsieur Bensh peut se résumer, elle, à cette expression : “paper tiger”... Le tigre rugissant de l’hyperlibéralisme que promet d’être l’Ukraine, selon la narrative du Système, qui s’avérerait n’être qu’un “tigre de papier”. Mao doit bien rire dans sa tombe, qui l’avait bien deviné... Depuis près d’un quart de siècle, le mot d’ordre du “désordre créateur” ne cesse de résonner dans les analyses et les éditoriaux des guerriers de l’hyperlibéralisme. On pourrait peut-être envisager une simple variante, qui a le mérite de la simplicité, sinon de l’évidence : le désordre destructeur. Démonstration par Kiev, et la chose est conclue.»

Depuis ces observations, du temps a passé, et, avec lui, bien des événements. Il y a eu les accords de Minsk, le “cessez-le-feu” dont on ne sait ce qu’il a fait cesser exactement mais qui a constitué une étape importante vers un peu plus de désordre ukrainien. A partir de là, en effet, la guerre du Donbass, plus que de cesser, s’est transformée en une sorte de matière insaisissable où chacun consolide ses avantages, où des points stratégiques continuent à être disputés à coups de canon (voir l’aéroport de Donetsk, sur Russia Insider le 1er octobre 2014). Cela faisant, l’attention générale, et le “climat” lui-même, se reportent sur l’état de la situation ukrainienne en général, l’affrontement avec les séparatistes devenant un élément de cette situation. Il apparaît alors que la situation dans l’Ukraine soi-disant contrôlée par Kiev constitue un élément important où le jugement doit se faire à partir d’événements extrêmement variés ; on s’en doutait mais, désormais, on le sait de plus en plus précisément.

Ainsi a-t-on eu ces dernières semaines et ces derniers jours accès à de plus en plus de vidéos et de témoignages de scènes de violence, impliquant essentiellement des détachements de Pravy Sektor imposant leur loi avec les moyens habituels. Des parlementaires et des hommes politiques sont attaqués, des fonctionnaires, des dirigeants variés, etc., au nom d’accusations concernant leur appartenance à l’“ancien régime” (Ianoukovitch) apparentés à toutes les horreurs possibles. D’autre part, il y a dans le cadre de la guerre du Donbass où les accès sont facilités par la situation nouvelle, des exemples de plus en plus précis, des traces indubitables d’atrocités et d’actes s’apparentant à des “crimes de guerre” ou l’équivalent, contre des populations variées, selon divers prétextes dont on imagine la teneur. Bref, ces dernières semaines et ces derniers jours est apparue une image de plus en précise du désordre ukrainien, où les extrémistes ultra-nationalistes, avec une tendance nazie et néo-nazie clairement affirmée, et cela selon des affirmations symboliques diverses, tiennent le haut du pavé et font ce qui leur plaît, souvent sous les yeux neutres et effrayés de policiers non-interventionnistes. Cette situation ukrainienne conduit le Saker, du site Vineyard of the Saker, à publier une analyse générale de cette situation, le 1er octobre 2014. L’on y découvre que les équipées de Pravy Sektor contre tel ou tel est quasiment officialisé sous le terme de lustration, terme qui fut employé pour décrire la purge (ou la “purification”) des anciens cadres et dirigeants communistes dans les pays d’Europe de l’Est libérés du communisme, – qui aurait pu s’appliquer aux procédures occidentales (esprit-US) de “dénazification” en Allemagne occupée en 1945, – et qui deviendrait à la limite d’une ironie sinistre, avec Pravy Sektor, une procédure de “re-nazification”... Au reste, la Rada de Kiev officialise ce processus en tentant de le contraindre, voire de le contrôler, avec l’établissement d’une loi de lustration.

«This example is a perfect illustration of the true face of the Euroukraine which I call “Banderastan”. An ugly, racist, unapologetically Nazi and thuggish face, the face of a “Ukrainian Interahamwe” – a monster created by the West, nurtured by the West for centuries, and a monster which is now armed and free to roam the Ukrainian land.

»In the meantime, the “popular lustrations” (mob attacks on people deemed “disloyal”) continue, and even though they are completely illegal, the cops do nothing. Over the past 24 hours, many people, including at least one hospital director, have been brutally assaulted, tossed into trash containers and forced to sign letters of resignation. On a semi-comical note, the Rada is now proposing that only those who have been officials in the previous administration for more than one full year be “lustrated”. Why? Because Poroshenko served as Minister of Trade and Economic Development for Yanukovich for a little less than a year.

»In reality none of this is funny in the least. It is, however, significant because all these are clear signs of a society falling apart, of a social order basically destroyed and replaced by a rule by violence on all levels. This is most important because a society which goes down that road cannot do anything but comprehensively collapse because, truly, it ceases to be a “society”.

»It is an open question as to whether there is really any kind of “authority” in the rump-Ukraine. While Poroshenko appears to have some control over Kiev while Kolomoiskii "own" Odessa, it is only the Right Sector which has branches in all of the rump-Ukraine and enough activists to scare any official or civil servant from Lvov to Dnepropetrovsky and from Chernigov to Odessa. This all begins to look eerily similar to Afghanistan, Libya or Iraq were one group (more or less) controls the capital while the rest of the country is completely out of control and run by various armed gangs.

»The Ukraine was always a historical fiction, a completely artificial entity, originally conceived by the Papacy but which truly acquired a material form only thanks to Lenin and Stalin (they Ukies should be not be tossing down their statues, they should honor them as their "founding fathers, really). But from 1991 through 2013 it did exist. It was very imperfect and it suffered from many problems, but at least it did exist. Now that Ukraine is gone forever. If you boil an aquarium, it is easy to make fish soup out of it. But you cannot turn a fish soup back into an aquarium. What we are observing today is this process of "social boiling" from which there is no way back.»

• Alors que l’évolution de l’Ukraine est ainsi décrite, un autre mouvement est en cours, en Allemagne notamment, au niveau du système de la communication, dans le domaine de la presse-Système. On en a vu un des signes avant-coureurs le 20 septembre 2014, avec le cas de la chaîne de TV allemande ZDF faisant une satire d’elle-même dans sa couverture de la crise ukrainienne, dans sa façon d’entériner et de répercuter tous les bobards-fantasy du bloc BAO sur l’évolution de la situation durant ces derniers mois. Un nouvel élément est signalé par RT (Russia Today, le 1er octobre 2014), la prise de position du directeur de l’ARD, la plus grande chaîne publique allemande, qui reconnaît que l’information diffusée sur sa chaîne a été biaisée en faveur de Kiev, et que trop peu d’attention a été portée aux arguments du côté russe. Ce doux euphémisme (“trop peu d’attention”) dissimule mal une pression grandissante, d’ailleurs effective quoique gardée secrète dès le 24 juin par une prise de position écrite du conseil de surveillance de la chaîne. La prise de position de Kai Gniffke signale que cette pression qui traduit un mécontentement grandissant du public (de moins en moins favorable à l’activisme US, y compris selon les enquêtes statistiques) ne peut plus être ignorée, ce qui implique la nécessité d’une orientation nouvelle, moins antirusse, de la communication.

«The chief director of ARD, Germany's largest public TV broadcaster, responded to viewers' criticism and the supervisory committee over its coverage of the Ukraine crisis. He said it conveyed Russian interests “too little” and could question NATO more. Kai Gniffke, the TV channel's editor-in-chief, published a statement on his blog on Tuesday, stating: “Maybe we have conveyed too little of Russian interests to the German viewers. We could possibly have examined the position of NATO even more critically.” Speaking on the war in Syria and Iraq, as well as the Islamic State, Gniffke said “it is only now that the powder fume over Ukraine has shred away.” He added that “mainstream news issues” have “too easily” diverted the attention of editors.

»ARD's comment has long been awaited, as the Advisory Council voiced its concerns over the “biased” Ukraine coverage at a meeting on June 24. But the leaked document was made public only three months later, revealed by online magazine Telepolis. One of the main concerns, presented by a group of nine advisers, was that the channel’s talk shows “had a tendency to narrate against Russia and the Russian position.” The reasoning for the concern was not only the reports of ordinary viewers, but also a thorough analysis of several ARD reports on the developments in Ukraine, starting from the end of 2013.

»On Wednesday, ARD TV channel withdrew its May 20 “Daily news” story from its archive, and correspondent Udo Lielischkies corrected his report. It entailed the deaths of two residents of the eastern Ukrainian town of Krasnoarmeysk. The reporter back then put the blame on the “bullets of the new rulers,” referring to the self-proclaimed Donetsk People’s Republic. However, a review of the facts has shown it was Kiev’s military volunteers, DPA news agency reported. “We take the mistake very seriously,” Gniffke said. He added that “it is not good, but we do it also to maintain the trust of the viewers.”»

• Cette évolution est sérieuse, et elle préoccupe grandement les services officiels habituels du bloc BAO pour la diffusion et la protection de la fantasy-narrative pro-Kiev et antirusse des événements en Ukraine. En témoigne un article de RFE/RL, l’organisation Radio Free Europe/Radio-Liberty, sous contrôle direct du département d’État et de la CIA, et qui est l’organisation de propagande quasi-officielle, sans le moindre effort de dissimulation, de propagation de communication de la fantasy-narrative. (L’article est de Tom Balmforth, sur RFE/RL, le 2 octobre 2014.) Bien entendu, les “activistes” sont décrits comme “frustrés” (de leur soif de justice, on le comprend et on compatit), mais on commence à trouver dangereux qu’’ils se “fassent justice” eux-mêmes parce que cela pourrait se savoir et faire un peu désordre, sinon franchement cradingue... Ainsi fonctionne la petite machine à réfléchir de Tom Balmforth, inculpabilité et indéfectibilité en bandouillère, qui nous donne, sur le mode pavlovien, quelques réflexions. On y voit percer l’inquiétude que l’opinion publique dans le bloc BAO, choquée par quelques vidéos montrant les activités de lynch des “gentlemen radicals”, comme le citoyen-ministre de l’intérieur Avakov nomme en perfect english les gens de Svoboda/Pravy Sektor, finissent par forcer les directions-Système, y compris aux USA, à nuancer leur soutien à Kiev (notre souligné en gras indique les passage allant dans ce sens).

«You can call it the “people’s lustration,” the “Trash-Bucket Challenge,” or mob rule. But by whatever name, Ukrainian activists are increasingly taking the matter of punishing officials from the old regime into their own hands. Impatient with unsigned lustration legislation, activists from groups like the ultranationalist Right Sector have been tossing officials in trash containers — and sometimes beating them, too — to signal disgust at the officials’ ties to the government of former President Viktor Yanukovych, their alleged corruption, or their supposed support for separatists in the country’s east... [...]

»Activists have advertised their activities on social networks under the hashtag #TrashBucketChallenge, playing off the name of the Ice-Bucket Challenge, the viral Internet campaign that sought to raise awareness for amyotrophic lateral sclerosis (ALS). It signals a growing frustration in Ukraine with what’s widely seen as enduring corruption, abuse of power, and foot-dragging on political reforms by the new authorities. [...]

»In a Facebook post on October 1, Ukrainian Interior Minister Arsen Avakov appealed to the activists to end the practice, saying it could cost Ukraine support in the West. “A couple more broken faces… and Europe will turn away from our victorious revolution. I fear America will as well. Gentlemen radicals, don’t behave like marginal imbeciles — don’t fall for the stupid, instinctive, and provocational desire for mob justice,” he wrote. Speaking to RFE/RL’s Ukrainian Service, Right Sector activist Yuriy Mindyuk said the group “understands that activists went beyond the boundaries of the law…but we are more concerned that lustration in Ukraine may not even happen and that the old bandits who robbed this country will never have to answer.”»

Rythme et risque de la “re-nazification” en Ukraine

On pouvait soutenir, lorsqu’a commencé la partie sérieuse de la crise ukrainienne, le 21 février 2014, que les “gentlemen radicals” des factions ultra-nationalistes et néo-nazis de Svoboda et de Pravy Sektor (avec divers gangs associés) allaient servir de “tueurs utiles” pendant un certain temps, notamment pour la liquidation des sécessionnistes du Donbass, avant d’être remis dans le rang et marginalisés. C’était un sentiment général, y compris dans une partie importante de l’analyse antiSystème qui jugeait très délicat pour le bloc BAO de laisser s’établir et se structurer une force si évidemment blasphématoire pour le catéchisme-Système (on viendra plus loin sur ce fait). Mais les événements n’ont pas été dans ce sens, notamment parce que Kiev et ses diverses forces militaires et para-militaires n’ont pas réussi, loin de là, à liquider la résistance du Donbass, et que, dans cette pseudo-“guerre civile”, ce sont tout de même les “gentlemen radicals” qui ont fait le plus beau boulot (massacres, torture, liquidation, destruction, etc.). Il en résulte une situation difficile tenant en quatre points :

• Le Donbass n’est pas liquidé et le “cessez-le-feu” n’empêche pas les affrontements, donc la nécessité de garder des forces sur pied de guerre. Or, les meilleures forces à cet égard restent les “gentlemen radicals”. Donc, pas question d’entreprendre quoi que ce soit pour les marginaliser.

• Pendant qu’avait lieu cette “guerre du Donbass”, les “gentlemen radicals” se sont remarquablement renforcés et structurés dans la partie “‘libérée” de l’Ukraine, si bien que l’on peut dire, avec le Saker, qu’à part quelques points comme Kiev (Porochenko) et Odessa (Kolomoïski), Svoboda/Pravy Sektor tient le reste du pays. Y prévaut évidemment un mélange d’anarchie et de terreur que la Rada, tremblante de trouille comme la Convention menacée par les maximalistes jacobins, est obligée d’entériner par un cadre législatif dont on comprend que les “gentlemen radicals” l’interpréteront à leur façon. Il faut les comprendre, ils sont “frustrés” (RFE/RL dixit) dans leur “soif de justice”.

• Plus cette situation perdure, plus les “gentlemen radicals” se renforcent, et plus il est difficile à ce qui sert de direction-Système à Kiev-guignol d’envisager de les remettre au pas. Dans les diverses scènes de tabassage et de lynch publics, ce qui est remarquable c’est la passivité des “forces de l’ordre” (policiers et autres), qui laissent faire ; sans douter par consigne plus ou moins chuchotées, certainement par simple crainte de subir elles-mêmes des représailles d’une force (les “gentlemen radicals”) désormais prédominante. Il est d’autre part très probable que la division de la direction-Système, où l’on se hait cordialement entre les Porochenko, Yatseniouk, Timochenko, Kolomoïski & compagnie, ne présentera jamais un front uni contre les “gentlemen radicals”, avec ces différents dirigeants politiques corrompus jusqu’à la moelle conduits au contraire à renchérir sur la légalité “opérationnelle” sinon “historique” et la frustration bien compréhensibles d’assoiffés de justice des susdits gentlemen. On ne voit donc aucune possibilité d’une marginalisation des “gentlemen radicals”, et, au contraire, leur renforcement jusqu’à constituer la principale force politique, et aussi terroriste et d’oppression, du pays. Par conséquent, l’hypothèse d’une nazification par “re-nazification” du pays, au moins comme manteau idéologique officieux mais très affirmé, est aujourd’hui à considérer très sérieusement.

• D’autre part, comme on l’a vu plus haut, cette évolution a de fortes chances d’être cette fois observée dans les pays du bloc BAO avec beaucoup moins de restrictions et de références à la fantasy-narrative, à cause de l’évolution de la presse-Système qui sera elle-même renforcée par l’accent désormais mis au moins autant sur la situation interne du territoire de Kiev-guignol que sur la “guerre du Donbass” et la “menace russe”. Certes, on peut songer à un montage tpe-MH17 pour relancer les esprits sur la bonne voie, mais c’est de plus en plus risqué jusqu’au risque suprême de l’effet inverse à celui qu’on attend, si la presse-Système évolue dans le sens que l’on voit dans les grandes chaînes de TV allemande.

Il nous paraît évident qu’une telle évolution représente un immense danger pour le bloc BAO, dans ce qui lui tient de forces essentielles : la fabrication des faux-symboles (des symboles-simulacres) pour substantiver, dans le cadre du système de la communication, sa narrative générale, – et, dans ce cas, plus qu’une fantasy-narrative, il s’agit d’une metaphysical-narrative. Le point principal au départ de ce raisonnement est qu’il nous a paru toujours extraordinaire, dans le cadre de la crise ukrainienne et depuis que cette crise est arrivée à maturité, qu’une affirmation de communication aussi visible (insignes, formations, cérémonies, etc.) d’une tendance nazie puisse bénéficier d’un soutien du bloc BAO. Dans le bloc BAO, le fait nazi, avec tous ses symboles et ses images, avec surtout la charge formidable et terrible qui pèse sur lui d’être le concepteur, l’organisateur et l’exécutant de l’Holocauste, constitue un fait de communication, – à la fois politique, culturel, psychologique, etc., – d’une importance absolument considérable. Ce constat de l’importance de la chose est évident. Dianne Johnstone, dans un texte du 18 juin 2010 (une “lettre ouverte à Noam Chomsky”), constatait la “sacralisation” de la Shoah et, par conséquent, son aspect religieux :

«D’abord, la Loi Gayssot a contribué à la sacralisation de la Shoah, qui est traitée de moins en moins comme un évènement historique et de plus en plus comme un dogme sacré. Dans un Etat laïc, où la religion est exclue de l’école de la République, seule la Shoah exige l’adhésion mentale et émotionnelle réservée traditionnellement à la religion...» Dans le livre A un ami israélien de Régis Debray, Elie Barnavi observait : «La Shoah s’est hissée au rang de religion civile de l’Occident.»

Plus encore, selon nous, la Shoah est devenue quasiment un objet métaphysique dans l’arsenal de déstructuration et de dissolution du Système, – bien entendu, d’une “métaphysique-simulacre” dont l’effet est de manipuler l’événement en lui faisant un tort immense, selon ce que nous désignons dans La Grâce de l’Histoire (tome II, à paraître) comme «l’inversionnisme de la Shoah». Manipulé par le Système pour l’avantage du Système selon cette métaphysique faussaire, l’événement de l’Holocauste est

«érigé lui-même en Simulacre, en faux symbole, c’est-à-dire [...] en un événement complètement vidé de son sens, de ses souffrances, de sa tragédie.» Il s’agit «de cette fausse dimension métaphysique qui le transforme en simulacre et en une caricature idolâtre de symbole, qui le place dans la logique de “la fin de l’Histoire”, qui accomplit enfin le dessein sous-jacent de la démarche en réduisant effectivement la mémoire qu’on doit en avoir au simulacre de métaphysique qu’on en a fait. Il va sans dire qu’ainsi présentée, et pressurée comme un citron dans sa substance d’événement catastrophique, cette représentation, ce simulacre d’Holocauste est la plus grave insulte qu’on puisse imaginer, qu’on puisse concevoir, qu’on puisse faire enfin aux souffrances et aux morts des victimes. Le Système ne dément pas, à cet égard, son origine du “déchaînement de la Matière”...»

Quoi qu’il en soit de ces interprétations, qui sont indiquées ici pour mieux faire apprécier la puissance extraordinaire du cas, il nous paraît assuré et conformé que tout ce qui concerne l’Holocauste, et ceux qui sont considérés logiquement comme ses dogmatistes et ses prêtres maléfiques, les nazis, doivent être l’objet de la plus terrible dénonciation, de la condamnation la plus complète, du relaps et de l’excommunication si l’on était en matière religieuse, etc., de la part du Système. (Les références abondent, on le sait bien, sur la publicité faite à la dimension nazie des ultra-nationalistes ukrainiens, sur sa reconnaissance, sur la dénonciation de ces faits, y compris par des organisations comme le Centre Simon Wiesenthal [voir Les crises.fr, le 2 octobre 2014].)

Par conséquent, effectivement la coopération réalisée du bloc BAO, USA en tête, avec les nazis ukrainiens s’affichant comme tels a constitué un événement extraordinaire qui n’a été possible qu’à cause de la formidable transformation de tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à la réalité ou à la “vérité de la situation” par la formidable développement de la fantasy-narrative, et par le maintien du centre d’intérêt de la crise sur la guerre du Donbass interprétée selon des improvisations surréalistes, avec la Stealth-invasion russe, avec les séparatistes présentés comme des “terroristes”-point-final qui représentent dans le catalogue de l’infamie du bloc BAO, la position juste au-dessus des nazis. Ce qui se passe aujourd’hui est que cet énorme dispositif de simulacre et de camouflage, de fantasy mis à la place de tout ce qui peut avoir un rapport avec le réel n’est plus suffisant...

(Moment opportun de rappeler ce qu’est la fantasy : «La “fantasy” (terme issu de l’anglais “fantasy” : “imagination” ; à ne pas confondre avec la fantaisie musicale, ni avec le terme allemand “phantasie” qui désigne le concept psychologique de fantasme), est un genre littéraire présentant un ou plusieurs éléments irrationnels qui relèvent généralement d'un aspect mythique et qui sont souvent incarnés par l’irruption ou l’utilisation de la magie.»)

L’appel implicite et angoissé du tâcheron de RFE/RL, et du citoyen-ministre de l’intérieur, qui revient à dire aux néo-nazis “faites vos sales coups de façon moins voyante”, concerne effectivement le scandale extraordinaire qui éclaterait si l’on était obligé d’admettre la “vérité de situation”, si la psychologie était finalement pénétrée du fait que le bloc BAO aide sans restriction des néo-nazis., et que l'Ukraine court le risque de devenir un pays où l'idéologie nazie serait dominante. Cela n’a rien à voir avec le simple constat de la “vérité d’une situation” mais avec le fait qu’à un moment ou un autre, sous les contraintes qu’on a vues, la fantasy-narrative ne serait plus suffisante, qu’un sentiment de malaise considérable naîtrait, menaçant la cohésion du Système ; les charmantes explications du type “romantisme” qu’à offert à une occasion le Washington Post pour justifier l’étalage du nazisme ukrainien ne suffiraient plus, emportées comme fétus de paille ; il faudrait alors complètement modifier le dispositif général du montage de communication qui indiquerait désormais la monstrueuse duplicité implicite du Système. Alors les autorités et tous les composants des directions-Système devraient s’exclamer devant ce fait incroyable, inadmissible, insupportable que des néo-nazis évoluent en Ukraine sans la moindre restriction, sans la moindre contrainte, pratiquement à swastika découverte. Ce pourrait être un fameux “moment de vérité”, avec tous les dérapages politiques et géopolitiques qui deviendraient possibles, avec les problèmes de sécurité sinon, militaires qui se poseraient devant cette force redoutablement organisée et désormais mise à l'index. (L'OTAN serait-elle appelée à y mettre bon ordre ?).

Saker a raison, comme nous-mêmes l’envisagions  : l’Ukraine est en train de devenir une nouvelle Libye. La différence est que la Libye est là où elle est et il est extrêmement facile de l’oublier, de l’ignorer, de n’y plus penser. L’Ukraine est là où elle est et il est extrêmement difficile, sinon, impossible de l’oublier, de l’ignorer, de n’y plus penser...En là-dessus, sinistre grenade sur le gâteau, quand la situation est, en plus, pire qu’en Libye du point de vue de l’évaluation même du Système quant à son classement métaphysique, – là-bas en Libye, où il n’y a que des djihadistes et divers bandits, ici en Ukraine où règnent les néo-nazis et avec leurs divers bandits...