La ballade du désordre BAO dans les rues de Kiev

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La ballade du désordre BAO dans les rues de Kiev

Prenons le terme “ballade” dans ses deux sens, – une rengaine du désordre chantée dans les rues de Kiev, et une promenade d’incitation au désordre dans ces mêmes rues de Kiev. Cela se passe au cœur des désordres en cours dans la capitale de l’Ukraine. L’activisme voyant, affiché, etc., de personnalités politiques (du bloc BAO, of course) agissant en tant que telles, est stupéfiant moins dans son “concept” (?) déjà connu que dans son impudence et son inconscience. Si l’on peut juger qu’elle a des effets avantageux pour le très court terme, comme pensent éventuellement les directions du bloc BAO si cette activité (la pensée) les séduit, cette grossière violation de la souveraineté nationale, pour employer un “concept” à la limite de la politesse, aura des effets dévastateurs sur le terme. Tout cela ne relève d’aucune stratégie, sinon de la stratégie du nihilisme relevant, elle, du réflexe pavlovien, avec absence totale de la mesure des conséquences qui va avec. Les directions politiques du bloc BAO sont totalement guidées par les événements, comme le montre cette absence de sens politique et de responsabilité stratégique dans cette sorte d’activisme.

Russia Today a un excellent reportage sur cette situation, le 11 décembre 2013. On y parle surtout de la haute fonctionnaire (c’est comme cela qu’on dit ?) du département d’État Victoria Nuland, fameuse pour ses vapeurs hystériques et ultra-interventionnistes sur tout ce qui bouge, mais d’autres politiciens du bloc BAO, notamment de sa branche européenne, ont aussi fait ou font leur ballade dans Kiev (le ministre allemand des affaires étrangères il y a trois jour), tandis que Ashton, la tête plus considérablement enflée et auréolée que jamais depuis l’accord avec l’Iran, siège sur place un jour sur deux en agitant les arguments de la raison occidentale triomphante. Tout cela est remarquable mais à peine surprenant de bassesse et de dérision, avec des effets possibles, – voir plus loin, après la citation, – dont nous doutons grandement qu’ils soient positifs, notamment pour les Ukrainiens et pour le bloc BAO lui-même. Il va sans dire, mais peut-être un peu mieux en l’écrivant, que l’opposition, saisie par la même ivresse contagieuse, ne réclame plus la signature de l’accord Ukraine-UE, mais la démission illico presto et sur le champ de l’actuel président de la république ukrainienne. (Suggestion pour compléter une si belle stratégie : pourquoi ne pas réclamer celle de Poutine, de démission ?)

«Pro-EU protests in Kiev have been marked by western politicians’ regular visits to the protesters’ camp, and their emotional condemnations of Ukraine’s authorities. This is seen by some analysts as unprecedented meddling in a country’s internal affairs. US Assistant Secretary of State, Victoria Nuland, handed out snacks on Wednesday to protesters on Kiev’s Independence Square (or ‘Maidan’ as it’s nicknamed), making those who witnessed the scene wonder if a reciprocal gesture would be imaginable during something like an Occupy Wall Street protest in New York.

»Nuland’s act of philanthropy and meeting with President Viktor Yanukovich, where she reprimanded him for “absolutely impermissible” treatment of the protesters, came hours after John Kerry made a very strong statement on Ukraine. “The United States expresses its disgust with the decision of Ukrainian authorities to meet the peaceful protests in Kiev’s Maidan Square with riot police, bulldozers and batons,” The US Secretary of State’s statement read. The word “disgust” rarely if ever appears in diplomatic messages. The US State Department also says that all policy options, including sanctions against Ukraine, are under consideration. [...]

»RT’s Irina Galushko, currently in Kiev, recalls the way protests were handled in Istanbul in Turkey earlier this year, where she was then reporting on massive rallies in the city. “Compared to Taksim – this ain't no dispersal or assault,” she said in her Twitter, wondering why the level of outrage from the West is so much higher when it comes to comparatively less violent events in Ukraine.

»Washington-based human rights watchdog, Freedom House, has recently called on President Yanukovich “to offer his resignation as a way to trigger early presidential elections, the only non-violent way to end the standoff with demonstrators”. It did not though go as far as to call for Erdogan’s (Turkish PM) resignation after police tear-gassed protesters in Istanbul. The organization then came up with much milder “calls on the Turkish government to respect its citizens’ right to freedom of assembly”. [...]

»Pepe Escobar, an investigative foreign affairs journalist, believes if the opposition went out on the streets with similar calls in any other western country, participants of such a rally “would be branded as a mob and dispersed by all means”. “Can you imagine that this was happening in Washington? Like it happened during Occupy Wall Street. They were evicted with force from Zuccotti Square in New York. If this was happening in London? Do you remember the [latest] student demonstrations in London? The repression was really hard core,” Escobar told RT.

»His attitude is echoed by Alexander Mercouris, a legal expert and blogger. He doubts that visits to Maidan by officials like EU foreign policy chief, Catherine Ashton, can in any way resolve the situation in Ukraine. “I try to imagine a situation where let’s say there was a riot or a protest in central London and let’s say somebody from a foreign country, let’s say Russia, came along and attempted to negotiate between the protesters and the government. It seems most strange to me, I have to say,” Mercouris told RT. “And I wonder whether that is to a wise, actually. It seems to me that when outsiders involve themselves in the affairs of a country, which they don’t always understand very well – let’s remember, Ms Ashton does not speak Ukrainian, she does not speak Russian, she’s probably not really familiar with the internal political situation in Ukraine – one wonders what possible compromise or solution they can offer.”

»Political analyst Aleksandr Pavic believes that by taking sides, the West risks turning the Ukrainian standoff into another Yugoslavia. “The same thing happened in the early nineties in Yugoslavia,” Pavic told RT. “The West sided with Slovenia and Croatia. And what happened? We had a civil war that took four years to die down. I can see a repeat of this, unfortunately, in Ukraine.”»

Le résultat de cette manipulation du type désormais courant mais très remarquable par l’absence totale de dissimulation ne peut qu’être un accroissement du désordre dont les effets sont complètement imprévisibles, même s’ils paraissent avantageux pour le bloc BAO à très court terme comme on l’a noté. On comprendrait que les troubles actuels soient renforcées en sous-main et avec un certain souci de la dissimulation par l’activisme d’“organisations frontistes” (en langage de subversion communiste), comme les ONG diverses, – quoique les résultats obtenus jusqu’ici (les “révolutions de couleur”) ne sont pas très encourageants. Mais passer à ce degré d’affichage et de visibilité de hauts fonctionnaires du bloc BAO, effectivement comme l’inusable et hystérique Victoria Nuland (voir le 28 mai 2013), du couple neocon Nuland-Kagan, relève d’une inconséquence extraordinaire, et mesure le degré de dissolution, sinon d’entropisation de la politique extérieure du bloc BAO. Comme le dit un des experts dans le reportage de RT (Aleksandr Pavic), cela peut mener à une guerre civile en Ukraine, mais on doit alors envisager aussi des conflits internes plus vastes, qui pourraient certes toucher la Russie (on en doute vue la solidité de la structure russe et la fermeté principielle de la politique russe), qui pourraient également et plus aisément s’étendre à des pays de l’UE limitrophes de l’Ukraine (Pologne, Hongrie, Roumanie), ou proche de l’opposition ukrainienne. Quant à l’attitude de la Russie, si les troubles se poursuivent et s’étendent selon cet interventionnisme du bloc BAO, il est bien possible qu’elle soit d’ordre militaire, et orientée vers le bloc BAO, – et dans ce cas, le bloc BAO ferait bien de peser ses moyens militaires disponibles contre ceux de la Russie.

L’on doute en effet qu’une réaction de radicalisation de la Russie, et de la politique de Poutine, soit de l’intérêt du bloc BAO et ne constitue pas, tout au contraire, un piège dangereux pour lui. L’analogie avec l'ex-Yougoslavie que fait Aleksandr Pavic vaut du point de vue événementiel, mais nullement par rapport à la situation structurelle générale. En 1990-91, la Russie était pulvérisée dans le chef de l’URSS et militairement inexistante. Le bloc BAO, lui, était triomphant, dans une posture militaire infiniment supérieure en termes de puissance opérationnelle utilisable par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui, prêt à intervenir où il le fallait (cette analyse valant par exemple de démonstration pour le Kosovo en mars 1999) ; aujourd’hui, à part la singulière exception française personne ne songe à envisager de telles implications militaires. (Les Français s’en rendent bien compte avec l’aventure centrafricaine [voir le 7 décembre 2013]). Ils sont donc bien nombreux à se tromper : l’activisme d’“agression douce”, mélangeant le scoutisme idéologique et agressif et les techniques de type kominform, ne déboucherait pas, dans les circonstances actuelles, sur des situations nouvelles nettes et claires, à l’avantage des “agresseurs doux”, mais à des situations de désordre accentué, incontrôlé, dans tous les sens ...

Le bloc BAO, selon le fonctionnement cérébral d’une politique réduite à l’affectivité militante (voir le 11 juin 2012), avec un esprit complètement privé de la raison politique et de la structuration d’une vision politique fondée sur la référence principielle, a évidemment été incapable de tirer les leçons de la mésaventure syrienne. Il tente, par automatisme robotisé bien dans sa manière, de refaire le “coup de la Syrie”, dans l’environnement et selon les spécificités européennes de l’Ukraine. Un tel aveuglement est remarquable ; mais l’on admettra après tout qu’il est logique, puisqu’il s’agit d’une force politique (le bloc BAO) engendrée par le Système, lui-même issu du “déchaînement de la Matière”, donc producteur exclusif de désordre qui ne peut être à terme qu’autodestructeur dans la mesure où l’on est conduit par ce même aveuglement à accentuer ce même désordre d’un ensemble globalisé que représente aujourd’hui notre monde, dont les caractères et les grandes orientations répondent aux intérêts du Système et ont été voulus par le Système. (Il suffit de comparer la position du Système du point de vue de ses intérêts avec le début de la crise syrienne, et cette même position aujourd’hui.) Madame Nuland connaît peut-être des moments d’ivresse dans les rues de Kiev, ce qui ressort éventuellement d’un besoin intime transcendé (dito, l’affectivité, pour s'en tenir à elle), mais le sort du Système ne dépend pas pour son orientation des moments d’ivresse de madame Nuland, – à moins d’accepter la thèse de l’autodestruction par tous les voies et moyens possibles, – et alors, dans ce cas, tout est bien quoi qu’il nous en coûte...


Mis en ligne le 12 décembre 2013 à 09H08