La barbarie en Géorgie, les incidents afghans et l’indignation internationale

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Dans un article publié après une visite en Géorgie pour constater les dégâts causés par l’attaque russe, le journaliste Borzou Daragahi du Los Angeles Times, décrivait le 19 août une situation assez modérément catastrophique par rapport aux exclamations de l’indignation internationale: «…the 19 international journalists on a daylong tour found just a few signs of Russian destruction, not very evident amid the sleepy resort towns of the Black Sea coast and the lush inland valleys. Just as Russians are suspected of having exaggerated the number of casualties and damage in the initial Georgian offensive that sparked the war in Georgia's breakaway region of South Ossetia, Georgians appear to have stretched the facts on the extent of destruction caused by the subsequent Russian attack, at least here in the country's west.» Plus loin, Daragahi rapportait le bilan officiel des pertes civiles causées par la courte guerre, en notant simplement que les Russes avaient évité d’en causer immodérément:

«Civilian fatalities in Georgia proper have climbed at least into the double digits, but the Russians appear to have avoided any inadvertent high-profile attacks on civilian targets. The Georgian Health Ministry reported two days ago that 67 civilians had been killed and about 157 hurt in the conflict.»

L’“indignation internationale” est une bonne chose et suscite de nombreuses interventions, de nombreux articles, de nombreux soupirs, de nombreuses prises de conscience. Nous l’avons peu entendue car sans doute était-elle frappée de cette stupeur et de cette horreur qui rendent muet, après ses considérables manifestations à propos de la barbarie russe en Géorgie; nous l’avons peu entendue, l’indignation internationale, à propos de l’attaque d’un village par un avion de l'USAF, un AC-130 Spectre, de la catégorie dite des gunships, le 22 août en Afghanistan. Un seul avion, semble-t-il, suffit à la besogne, comparé à la horde barbare des masses russes, et au moins 90 morts civils, dont au moins 60 enfants et 19 femmes, “contre” 67 en Géorgie, – ainsi l’efficacité américaniste et occidentale est-elle mise en évidence sans discussion. WSWS.org décrit le AC-130 Spectre, développé à la lumière de l’expérience vietnamienne comme l’un des systèmes aériens les plus meurtriers contre “le personnel” au sol (compris les civils, cela va sans dire) qui ait été développé: «Equipped with a rapid-fire five-barrel 25mm Gatling gun, a 40mm cannon and a 105mm howitzer, it is designed to lay waste to exposed targets with a torrent of bullets and artillery shells.»

Dans l’événement courant aujourd’hui des indignations sélectives, le contraste que nous offre l’“indignation internationale” dans ses réactions à la courte guerre de Géorgie du 7-13 août et à l’incident du 22 août en Afghanistan doit figurer comme le morceau principal d’anthologie, une sorte d’archétype, une épure du comportement postmoderne et occidental. La chose doit être précieusement gardée dans les mémoires.

Dans cet article du 26 août, WSWS.org donne une bonne analyse du dernier massacre en date en Afghanistan, et sans doute l’un des plus considérables depuis longtemps; rien encore de BHL, sans doute au repos après son périple géorgien. Il y a les réactions immédiates des acteurs concernés, avec la fureur de Karzaï qui ne cesse de se trouver dans une position toujours plus fragile à cause de l’incroyable incurie de la plus mauvaise armée du monde (US, bien entendu), notamment dans les effets politiques de ses diverses actions, dont les tueries mécaniques au premier plan. Celle-ci, cette tuerie-là de 90 civils et plus, a été aussitôt commentées du côté US avec la compassion bureaucratique qui va bien:

«As word of the massacre spread across Afghanistan, Karzai attempted to stem the outpouring of opposition toward the US occupation by sacking the top military commander in western Afghanistan and the commander of the commando unit that called in the air strike. Referring to the false claims that Taliban had been killed, Karzai declared the two had been dismissed for “negligence and concealing facts”.

»A spokesman for the Bush administration, Tony Fratto, issued a statement on Sunday that still refused to acknowledge that the US military had slaughtered civilians. Fratto declared: “These reports are being investigated and we’ll look for the results of that investigation.” In words dripping with cynicism, he stated: “Coalition forces take precautions to prevent the loss of civilians, unlike the Taliban and militants who target civilians and place civilians in harms way.”

»A press release from US military headquarters in Afghanistan simply noted that it “was aware of allegations that the engagement in Shindand district of Herat province Friday may have resulted in civilian deaths”.»

L’article de WSWS.org donne une excellente appréciation des massacres de civils qui sont la spécialité de l’U.S. Air Force en Afghanistan. Il apprécie justement que ces massacres vont aller en croissant, à mesure que les talibans gagnent du terrain et que la “coalition”, dont la France fait glorieusement partie, est conduite à user de moyens de plus en plus expéditifs et de plus en désespérés. L’OTAN et son mentor américaniste semblent avoir trouvé la formule de la défaite infligée à soi-même, par soi-même, en usant de la puissance considérable dont l’on dispose soi-même.

«The massacre in Azizabad is only a particularly graphic incident in the frequent killing and maiming of Afghan civilians by American and NATO. Despite the propaganda claims of taking “precautions” and observing stringent rules of engagement, the occupation forces respond to insurgent attacks in populated areas with overwhelming firepower and rely heavily on air strikes to disrupt Taliban movements in rural areas.

»As larger areas of Afghanistan fall under the sway of the Taliban, the air strikes become more indiscriminate. Any large group of people moving in the countryside or assembling in a village is treated as suspicious by the targeters who sit in secure bases and scour satellite images for potential targets for the pilots stalking the skies of Afghanistan. Wedding parties have been attacked repeatedly over the past six years—the most recent being the July 6 bombing of a wedding in Nangarhar, in which 47 people were killed, including the bride.

»As many as 1,000 civilians have been killed so far this year in Afghanistan, of which close to 400 can be directly attributed to occupation forces. The rest are blamed by the UN on suicide attacks, bombings and other actions carried out by the Taliban.

»The true number of civilian fatalities is likely to be far higher. In areas heavily bombed during major US or NATO offensives, some deaths are almost certainly not reported. There are also good grounds to suspect that some of the several thousand alleged insurgents killed this year were actually non-combatants caught up in the fighting.»


Mis en ligne le 27 août 2008 à 08H53