La bataille entre la “ligne” officielle (reprise en cours) et la réalité de la crise

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Ce n’est pas nouveau mais c’est toujours intéressant à observer. La déconnexion entre les annonces officielle de rétablissement de la situation financière et économique, et la réalité catastrophique de cette situation, ne cesse de s’élargir, de se renforcer. WSWS.org, qui n’en rate pas une de ce point de vue, met en évidence ce phénomène entre une annonce presque jubilante de la Fed sur la reprise et les mauvaises nouvelles du jour, que chaque jour nous amène. Ces mauvaises nouvelles sont également détaillées par Reuters le 13 août 2009, sur la baisse de la consommation, les nouvelles du chômage malgré les habituelles fraudes statistiques officielles, la poursuite effrénée de la crise de l’immobilier, etc… Il y a aussi les vilaines nouvelles concernant l’explosion des faillites aux USA.

Le site WSWS.org écrit, ce 14 août 2009 :

«The Federal Reserve Board said Wednesday that the US economy was “leveling out,” implying that a recovery was at hand, even as new data on unemployment, home foreclosures, home prices and retail sales painted a picture of growing economic distress for tens of millions of Americans.

»The upbeat assessment, given by the Fed’s policy-making Federal Open Market Committee following a two-day meeting, is indicative of the class policy in response to the economic crisis being pursued by the US central bank and the Obama administration.

»The Fed’s statement began by asserting that “conditions in financial markets have improved” and went on to declare that although “economic activity is likely to remain weak for a time,” its “policy actions to stabilize financial markets and institutions, fiscal and monetary stimulus, and market forces will contribute to a gradual resumption of sustainable economic growth in a context of price stability.”

»At the same time, the Fed acknowledged that household spending “remains constrained by ongoing job losses, lower housing wealth and tight credit.” In plain language, this means that wages are falling, home prices are continuing to plunge—wiping out trillions of dollars in household wealth—and the banks, which have received hundreds of billions of dollars in government handouts and subsidies, are continuing to withhold credit to consumers and small businesses.»

La question qui se pose est de savoir comment cette déconnexion peut parvenir à une rupture antagoniste, si c’est possible. Cela signifie une certaine forme de “révolte”, éventuellement, mais surtout, la possibilité d’enchaînements imprévus dans les positions des différents pouvoirs qui, en des circonstances données, pour leur propre sécurité ou tout autre argument, abandonnent momentanément la solidarité de système. Comme toujours, c’est à propos d’affaires spectaculaires, à fort écho médiatique et populaire, que de tels incidents peuvent survenir; il s’agit surtout, pour l’heure, de la question des bonus de Wall Street, incroyable politique d’impudence et d’impunité de cette puissance, qui fait penser parfois que certains risques bien mal soupesés sont pris par ces gens de Wall Street, dans l’atmosphère actuelle.

• Malgré toutes leurs hésitations, et leurs liens avec Wall Street, les parlementaires, surtout à la Chambre, se trouvent de plus en plus devant une sorte d’obligation grandissante de réagir, pour la sécurité même de leurs positions vis-à-vis de leurs électeurs (d’y revenir, d’ailleurs, puisqu’ils ont déjà du réagir une fois.) Voir Reuters, le 13 août 2009:

«Two leading U.S. lawmakers warned on Wednesday of signs that companies bailed out by taxpayers were resuming risky pay practices and urged the Obama administration to act on limiting bonuses. “Guaranteed bonuses clearly violate the basic principles of accountability and taxpayer protections set forth by Congress” in recent legislation, said House of Representatives Speaker Nancy Pelosi and Representative Barney Frank, both Democrats.»

Ils n’obtiendront strictement rien, de bon gré, de Wall Street, totalement aveugle et sourd à cette sorte de pression. Dans le climat actuel, cette évolution alimente des possibilités de tension grandissante, voire d’affrontements forcés. Les parlementaires s’inquiètent de plus en plus de devoir envisager d’être obligés d’intervenir sur cette question spectaculaire des bonus de Wall Street, qui peut d’un moment à l’autre rallumer une colère populaire dangereuse pour leurs positions électorales.

• Il y a l’affaire du juge fédéral de New York Jed S. Rakoff qui, depuis lundi, fait beaucoup de bruit. Le juge statuait sur une affaire d’arrangement de bonus impliquant The Bank of America, et a rejeté l’arrangement proposé, en disant à haute voix toute l’opinion furieuse qu’il a à l’égard des pratiques de Wall Street. L’affaire a été largement rapportée, par le New York Times le 10 août 2009, comme par Truthdig.com le 11 août 2009, où Robert Scheer en fait un cas symbolique important…

«“Was there some sort of ghost that performed these actions?” New York federal Judge Jed S. Rakoff demanded to know Monday in rejecting a deal that would let Bank of America off the hook in yet another banker bonus scandal… […]

»Thankfully, at least one judge had the courage to challenge the rules of the game and at least delay its predictable outcome. “I would be less than candid if I didn’t express my continued misgivings about this settlement at this stage,” Rakoff said. “When this settlement first came to me, it seemed to be lacking, for lack of a better word, transparency. I did not know much about the facts from the complaint, I did not know much, or really anything, about the basis of the settlement.” He said that accepting the settlement “would leave uncertain the truth of the very serious allegations made” by the SEC and whether any of the bonus money was “derived directly or indirectly from the $20 billion” that BofA received from the government.

»That is the only error the judge made; the figure is actually $45 billion in government bailout funds for BofA and $118 billion more in public money to guarantee its toxic assets. Given that enormous investment of taxpayer funds, and the trillions more put at risk because of the folly of those richly rewarded banking bonus babies, transparency would indeed seem to be required as the order of the day. As Judge Rakoff concluded, Bank of America and Merrill Lynch had not only “effectively lied to their shareholders” but the money to finance their bonus scam had come “from Uncle Sam.”»

Encore une fois, on se garde ici d’émettre des jugements directs, politiques ou de valeur, sur la situation et sur ses protagonistes. (Certains de nos lecteurs sont parfois trop prompts à aller à cette interprétation, qui est dénuée de fondement ici, et dans nombre de cas similaires tout de même faciles à comprendre, où nous nous attachons à la seule évolution tactique.) Nous cherchons à distinguer, dans une situation très complexe, où des intérêts particuliers divers devenus à cette occasion antagonistes s’affrontent et parfois écartent la logique de solidarité du système, quel(s) incident(s) peut (peuvent) avoir suffisamment d’échos pour déclencher des réactions inattendus, notamment au niveau de la pression populaire. L’intervention, pour la première fois, du pouvoir judiciaire qui s’institue aussitôt protecteur des vertus morales contre la cupidité de Wall Street, rôle qu’il affectionne et qui ne lui coûte pas trop en la circonstance, est un élément intéressant.

Un autre élément est la position difficile de l’administration Obama dans l’affaire de la polémique sur une nouvelle couverture santé, avec la perte de popularité d’Obama. Certains stratèges de communication démocrates jugent que, pour renverser la vapeur de cette tendance à l’impopularité fort inquiétante, Obama devrait relancer des attaques contre Wall Street à propos des bonus. Il l’a déjà fait sur la pointe des pieds en mars, dans l'affaire AIG. Il pourrait être conduit à le faire pour se refaire une santé vis-à-vis de l’électorat. Dans tous ces cas, “marionnette de Wall Street” ou pas, chacun se bat pour son pré carré de popularité et seul le résultat immédiat compte. Encore une fois, c’est dans cette sorte de circonstances qu’il faut guetter les réactions imprévues, entraînant brusquement une poussée de fièvre populaire (anti-Wall Street dans ce cas), qui pourrait conduire à un choc actant la rupture, la déconnexion signalée plus haut entre la “ligne” officielle que certains abandonneraient à cette occasion, et la réalité économique du pays. La question de cette déconnexion allant jusqu’à la rupture implique la concrétisation d’une crise latente.


Mis en ligne le 14 août 2009 à 12H22