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307917 juin 2017 – Du temps où je travaillais encore paisiblement et dans les normes du Système, dans les années 1970, Jerry Brown était une des vedettes type people-politicien de la gauche contestataire, surtout à partir de 1975 lorsqu’il devint gouverneur de Californie. Il était anti-guerre, pas contre la marie-jeanne, environnementaliste, contre les grosses Corporate, en fait très en phase avec la Californie des hippies & Cie et du Hollywood New Age (et, bientôt, de Silicon Valley). Il disparut de notre attention vigilante en 1983 (fin du deuxième mandat de gouverneur) pour revenir au premier plan, type-Come Back Kid, à nouveau gouverneur de Californie à partir de 2011, toujours gauchiste de salon, environnementaliste, ostensiblement original comme marque de fabrique. Cela dit, et pas du tout gratuitement, on sait aujourd’hui que Brown dirige une fronde qui me remplit du plus grand intérêt, sinon d’une joie à peine dissimulée, tant elle est à finalité sécessionniste.
(Pour moi, la sécession, ou toute autre forme de fragmentation des USA, est la seule circonstance pouvant entraîner un choc assez formidable pour frapper le Système au cœur. La fragmentation des USA, c’est la déconstruction du simulacre fondateur de la modernité et opérationnalisant le Système, soit la déconstruction de l’artefact déconstructeur systémique de l’ordre, de l’équilibre et de l’harmonie du monde.)
Depuis fin mai, Brown est la personnalité la plus marquante d'une fronde majeure, la United States of Climate Alliance (USCA), avec au départ trois États (Californie, New York, Washington) qui sont devenus 11 (en plus, Vermont, Massachusetts, Connecticut, Oregon, Colorado, Hawaii, Virginie et Rhode Island). Lorsqu’on a parlé de « dés-union climatique » sur ce site, le 4 juin 2017, je pensais beaucoup plus à une dés-union des USA qu’à la dés-union la plus apparente, celle du bloc-BAO, entre Europe et USA, à propos de l’Accord de Paris. Et puis, passé l’emportement de 2-3 jours qui marque cette sorte d’événement durant sa phase d’apparence considérable, c’est-à-dire passée son apparence on n’en parla plus guère. Comme je dépends d’un flux extraordinaire de nouvelles dans tous les sens, concernant autant de crises folles, j’ai donc perdu de vue le cas du USCA... (Et encore, parlant de “flux extraordinaire” je parle bien entendu de la presse antiSystème, la presseSystème s’agitant dans le cloaque de son simulacre, aucun intérêt sinon celui de taper dedans à l’occasion.)
Mais voici que je tombe sur un article de ZeroHedge.com du 16 juin, dont je découvre qu’il est une reprise d’un article de Daniel Greenfield, de FrontPageMag.com, mais du 7 juin 2017. (L’intérêt de cet article est tel qu’il a été décidé de le reprendre sur le site, aujourd’hui, parallèlement à cette page du Journal-dde.crisis.) L’on découvre que l’initiative USCA carbure plein pot, au risque d’émission de gaz fort explosifs. Jerry Brown est allé en visite en Chine où il a été reçu par le président Xi, en tout bien tout honneur, c’est-à-dire quasiment comme un chef d’État. C’est que, dit Brown, « il est important pour le monde de comprendre que l’Amérique n’est pas Washington. Oui, nous sommes une partie de l’union mais nous sommes aussi un État souverain qui peut promouvoir les politiques nécessaires pour notre survie... » La Californie État souverain, “a real nation-state” ? Dont acte. Au reste, ce rapprochement entre la Californie hors-USA et la Chine n’a rien pour nous surprendre, nous, puisque nous avons déjà parlé de l’évidence d’un « axe globaliste Chine-Hollywood ».
Vous notez aussi que le gouverneur de l’État du Washington, membre fondateur d’USCA, Jay Islee, rencontre de son côté, et tout aussi officiellement, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, avec lequel il s’entretient en frétillant du cas du réchauffement climatique ; et Justin de déclarer emphatiquement, sinon bombastiquement que « nous sommes tous deux très sérieusement engagés sur les questions du changement climatique, comme sur celles de la liberté de commerce et de l’accueil des réfugiés » ; et Isley de lui répondre que « nous partageons un engagement incroyable pour vaincre le changement climatique, et c’est un immense plaisir d’avoir un dirigeant national qui suit cette orientation sur le continent nord-américain... » Exit Trump, Enter Justin, et vive l’axe Toronto-Seattle-Sacramento-Pékin, pfut...
Greenfield note avec amertume cette situation effectivement surréaliste où l’on se déchire à belles dents à Washington D.C. sur la folie hystérique du Russiagate tandis que Brown va paisiblement parler avec Xi, alors que la Chine est autant un ennemi potentiel que la Russie, si l’on s’en tient à la logique des bellicistes qui jacassent au Pentagone et dans les think tanks. Et plus encore, il y a ceci : officiellement, à ce qu’on dit, les USA sont quasiment en guerre avec la Corée du Nord alors que la Chine ne veut surtout pas entendre parler d’un conflit de cette sorte... Le Chinagate de Brown vaut bien sinon bien plus en gravité que le Russiagate de Trump, d’autant que le premier existe tandis que le second n’existe pas.
...Mais Washington D.C. s’en fout. Tyler, de ZeroHedge.com, le notait hier, à propos des réactions furieuses de l’Allemagne et de l’UE suite aux sanctions antirusses votées par le Sénat : « Ce que [la ministre allemande de l’économie] semble ne pas comprendre, c’est que pour les USA, – dans tous les cas pour la vaste majorité des médias, – la seule chose qui compte aujourd’hui c’est la narrative antirusse, et le Congrès fera n’importe quoi pour qu’elle se poursuive. Si cela signifie entraîner des pertes sensibles pour une poignée d’“alliés”, eh bien qu’il en soit ainsi ; il faut bien vendre les journaux, après tout... »
Cela suggère une bonne transition pour le second aspect que je voudrais aborder avec le texte du Greenfield, qui me tombe sous la main et retient évidemment mon attention, dix jours après sa parution, si loin dans le temps alors que le temps se contracte si vite. Il est vrai que le Russiagate retient toute notre attention et nous fait ignorer dans l’immédiat des choses importantes... Mais qu’importe, car nous savons bien, je sais bien moi-même que ces choses importantes se passent ; je suis même très stupéfait, à chaque occasion, et chaque fois la stupéfaction renouvelée, de mesurer à quelle vitesse elles se passent ; et ainsi peut-on effectivement tenir pour juste et fondée cette hypothèse que ces choses importantes se passent alors qu’elles ont disparu de notre embrassement des choses (“de notre écran-radar” si vous voulez, mais cela sonne moins bien). Il y a là un principe de certitude au milieu de cet emballement d’incertitude qui est dû au déchaînement des “valeurs” telles que le Système les a machinées et transformées, conformément à l’exigence diabolique qui le constitue et l’oriente, et ces “valeurs“ étant désormais toutes productrices de déconstruction. On pourrait même parler de vertu à leur propos, bien qu’elles soient évidemment d’influence diabolique ; car le Diable est stupide, comme l’on sait selon notre devise (« On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature...» [Guénon]).
“Il est vrai [également] que le Russiagate retient toute notre attention” non pour vendre du papier mais parce que son importance est fondamentale, bien qu’il s’agisse d’un simulacre et que tout ce qui s’y dit et ce qui se fait à son propos est vain et infécond ; car il est fondamental que le Système déchaîne toute sa surpuissance à propos de quelque chose qui est “vain et infécond”, et il importe de suivre avec la plus grande attention la déconstruction, c’est-à-dire la déstructuration et la dissolution du Système par lui-même.