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En un sens, John Kerry s’est laissé porter par les choses : d’une part, par un sentiment anti-GW Bush d’une violence rarement vue, peut-être même jamais vue dans une campagne électorale américaine, chez les adversaires du président en place ; d’autre part, par les scandales divers et à répétition, portant sur la question centrale de la lutte contre le terrorisme, qui ne cessent de frapper GW et, donc, sont censés handicaper sa campagne. En un sens (suite), on comprend une certaine philosophie de Kerry, qui peut se résumer ainsi : laisser aller et voir venir...
Ce fut le cas pour les dernières semaines. Après sa tonitruante victoire successive dans les primaires, après l’une ou l’autre prise de position publique, Kerry a disparu de l’avant-scène : vacances, une petite intervention chirurgicale, certes, mais aussi et surtout, une politique délibérée. Dans tous les cas, on a commencé à s’apercevoir de cette absence de Kerry, de son absence dans l’arène politique au moment où il aurait pu exploiter les difficultés de GW Bush, et ainsi de suite. On s’en est aperçu et l’on a commencé à s’en inquiéter, comme le notait l’International Herald Tribune du 2 avril.
« Kerry's low profile comes at what would seem to be a particularly opportune time for him. Bush has been struggling with questions about his record on terrorism and Kerry was riding a wave of excitement after his clean capture of the Democratic nomination.
» Yet Kerry was off the campaign trail again Thursday, this time a result of shoulder surgery in Boston, an operation expected to sideline him through Sunday. The operation followed his weeklong disappearance to the slopes of Sun Valley, Idaho.
» Some Democrats said that if Kerry lost in November, he might well remember this month as when he seriously undermined his hopes of defeating Bush. A few invoked one of Kerry's least-liked comparisons, noting how another Massachusetts Democrat who ran for president, Michael Dukakis, stuck close to home in August 1988 in what turned out to be a foolish strategic move in his campaign against Bush's father.
»
Les partisans de Kerry, ou plutôt de la tactique électorale de Kerry, peuvent d’ores et déjà répondre que le candidat est de retour, qu’il est en train de réunir de l’argent pour lancer sa propre offensive. Kerry est également de retour dans la campagne elle-même puisqu’il est allé, il y a trois jours, se plonger dans un bain de célébrités, à Hollywood, escale habituelle des candidats démocrates. Il y a reçu
un accueil très chaleureux et un soutien de grandes vedettes comme Dustin Hoffman, Bradd Pitt, Kevin Costner, Barbra Streisand, Leonardo DiCaprio, Oliver Stone, Sharon Stone, Anjelica Huston.
« “We are coming together from all walks of life,” the candidate [John Kery] told the assembled film stars, producers, directors, and waiters, “to set this great country of ours back on track. We are here to mark the beginning of the end of the Bush presidency.”
» The Hollywood fundraiser for the Democratic presidential hopeful earlier this week was the culmination of a remarkable three months for the John Kerry election machine. Its candidate leapt from no-hoper to the Democratic nominee, wrapping up the nomination race in record time and uniting a party that seemed a just few months ago to be fractured beyond recognition, and raising record amounts of money to help defeat the incumbent president George Bush.
»
The Hollywood reception alone attracted 1,500 people, twice the number originally expected. They each paid $1,000 for a ticket, and then made a donation, typically of $2,000.
Un point apparaît toujours important dans la campagne de Kerry : l’enthousiasme de la base, moins pour la candidature Kerry que pour la perspective de battre GW Bush. On mesure cet enthousiasme, par exemple, dans l’affluence sur certains sites démocrates d’opposition. Le cas de Buzzflash.Com, site Internet de critique radicale de GW et soutien automatique de Kerry (puisqu’“il peut battre Bush”), est une bonne illustration du climat. Dans son dernier rapport, en date du 3 avril, Buzzflash.com présente les chiffres étonnants d’une pfréquentation hors du commun : 3,457,322 visiteurs du site pour le mois de mars, avec une journée-record de 156,687 visiteurs le 25 mars.
Cet enthousiasme de la base se mesure dans les apports financiers obtenus par Kerry, notamment à partir des réseaux Internet de son ancien adversaire à la désignation démocrate, le gouverneur Howard Dean. Il faut revenir sur ce point avec insistance, car il comble une des faiblesses structurelles de la campagne de Kerry face à un GW Bush grassement subventionné par le Big Business. La facilité avec laquelle Kerry constitue son trésor de guerre électoral n’a pas de précédent dans l’histoire électorale des États-Unis. Là aussi, nous sommes dans l’exceptionnel, et, qui plus est, hautement symbolique : l’apport des citoyens à la campagne de Kerry contre l’apport du Big Business à la campagne de GW Bush.
«
» On one day in March the Kerry campaign raised $2.6m. And thanks in part to the trailblazing of the Vermont governor Howard Dean, who mobilised a formidable base of internet support, Kerry has raised $26m online. That total dwarfs the $4m raised in online pledges by the Bush campaign.
» “It's the easiest fundraising in a long time,” says [ political consultant] Donna Bojarsky. “People commented on how much enthusiasm there was. It's been a long time since we've had that sort of energy.” The California Democratic party strategist Bob Mulholland says that the political environment has greatly helped fundraising for the Democratic opposition. “I have never seen a party that is so united so early,” he says. “People think John Kerry will make a great president; they despise Bush- we're stuck in Iraq and we're stuck in the economic basement. People are saying America could do better...” »
Mais le symbolisme dont nous parlons plus haut à propos des sources de financement s’arrête peut-être là. Il n’est pas sûr du tout que les candidats expriment les tendances des bailleurs de fonds, dans tous les cas du côté de Kerry.
La campagne de John Kerry est contrastée, et certainement tout à fait inhabituelle, notamment par la rapidité avec laquelle les constats et les questions à son égard sont posés. Voici quelques remarques pour tenter d’embrasser sa situation actuelle.
• L’équipe de campagne de Kerry annonce que le sénateur va se mettre en route, avec une série d’interventions politiques qui marqueraient les véritables débuts de sa campagne. Le Guardian notait hier, dans le même articleconsacré à l’intervention du candidat démocrate à Hollywood : « Kerry's aides said that he was about to embark on an aggressive schedule of speeches and a national wave of television advertisements challenging Bush on the economy, job creation and health care. »
• C’est là un point essentiel : comme on peut le lire, Kerry évite avec attention des interventions sur les questions de sécurité nationale, essentiellement l’Irak. Ce faisant, il alimente les interprétations selon lesquelles sa véritable politique, d’ailleurs mise en ordre par le parti démocrate, revient à faire de lui, sur les questions de sécurité nationale et surtout l’Irak, un “démocrate-faucon”, pratiquement sur la même ligne que le plus belliciste des démocrates, Joe Lieberman (voir l’analyse de WSWS.org du 25 mars). D’autres manifestations, comme la démarche de John Kerry pour s’affirmer comme compétent et très ferme sur les questions de défense, marque la même volonté. LIEN=http://65.54.186.250/cgi-bin/linkrd?_lang=FR&lah=6f883f0812387f47b15c891387d7e3cf&lat=1080219774&hm___action=http%3a%2f%2fwww%2ecsmonitor%2ecom%2f2004%2f0323%2fp01s01%2duspo%2ehtml>Le Christian Science Monitor du 23 mars note
« President Bush, whose strongest political asset has been his handling of the war on terror, has moved aggressively to claim the national-security terrain as his own. From the outset, the Bush campaign has portrayed Sen. John Kerry as “wrong on defense,” highlighting Kerry's past votes to reduce the intelligence budget and eliminate certain weapons systems, as well as his vote against the $87 billion in funding for the war in Iraq — the subject of a recent ad.
» But Mr. Bush's own defense record is coming under fire as well. Senator Kerry, who has made his service in Vietnam a cornerstone of his campaign, has attacked Bush's foreign policy as reckless and inept. Potentially more damaging, there's renewed criticism of Bush's handling of 9/11 — with Richard Clarke, the former White House counter-terrorism chief, accusing the president of ignoring the threat posed by Al Qaeda in the run-up to the attacks, and wrongly focusing on Iraq in the aftermath.
(...)
» “There's no question that this looks like a cold war election, with security at the center — which means that the commander-in-chief test is back,” says Will Marshall, president of the Progressive Policy Institute, a Democratic think tank. The effort to establish national-security qualifications is far more critical for Kerry, as a challenger, he says. But “Kerry and the Democrats are doing a pretty good job of raising questions about George Bush's stewardship.” »
• Ces diverses remarques nous conduisent à observer que le candidat Kerry entend suivre une ligne “consensuelle” sur la question essentielle pour l’instant, celle de l’Irak et de la guerre contre le terrorisme. Il entend agir ainsi parce que ce sont les normes du système, parce qu’il n’entend pas affronter une partie importante de l’électorat, enfin parce que c’est peut-être aussi sa conviction que l’intervention en Irak est justifiée et qu’il faut la mener à son terme. En suivant cette ligne, en attendant au fond que GW soit diminué par l’effet de ses propres erreurs, montages, mensonges, etc, il se place également en position de laisser l’initiative à la partie adverse, d’être lui-même manipulé par l’équipe adverse si rien de définitif contre Bush ne se produit. C’est là le principal obstacle sur la route d’une présidence Kerry, et le candidat Kerry risquerait de se trouver exposé aux aléas d’un succès initial qui aurait été un malentendu.
• En effet, le risque existe que Kerry soit conduit à se heurter directement à une partie importante de ses électeurs, dont l’élan vers le candidat Kerry est motivé par deux choses : une hostilité extraordinaire contre GW Bush, appuyée essentiellement sur ses aventures extérieures ; une hostilité, par conséquent, pour l’aventure irakienne, qui risque de devenir un facteur important si la situation en Irak s’aggrave.
• Une indication, qui ne vient pas des électeurs, qui montre que l’ambiguïté initiale dont a profité John Kerry est peut-être en train de se dissiper à son désavantage : la prise de position possible du Vatican, indirectement contre Kerry au travers d’une position de type religieux. L’enjeu exposé est celui de l’avortement et du mariage des homosexuels. Il est possible que l’attitude assez favorable à la guerre en Irak de Kerry ait pesé également sur cette position du Vatican, dont on sait l’hostilité à ce conflit.
• Conclusion : la route de ces élections est plus ouverte que jamais, notamment parce qu’elle comporte plusieurs batailles. La bataille entre Kerry et ses électeurs n’est pas moins intéressante que celle entre Kerry et GW Bush.