La campagne électorale US comme un bateau ivre: de quoi y parle-t-on?

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Une curiosité significative des commentaires de la campagne électorale US est qu’à un jour d’intervalle, des analystes qu’on doit tenir pour sérieux, quel que soient leurs partis-pris qui sont plus ou moins marqués mais sans conséquence pour ce cas, disent exactement le contraire à propos de cette campagne. Cela ne signifie pas que ces analystes ont perdu la tête mais, plutôt, que la campagne est folle, – et qu’elle commence également à se fatiguer jusqu’à offrir un visage incohérent.

• D’une part, l’Observer du 9 mars consacre un long article à la campagne, d’une façon générale, démocrates et républicains confondus, pour constater que la récession, la catastrophique situation économique US, fait une entrée tonitruante dans les débats. Cela devrait notamment pousser les deux candidats à la désignation démocrate vers une position plus populiste, vers la gauche.

«The prospect of recession is looming over the American presidential election campaign, amid a wave of job losses and collapsing home prices that could see the political battle being fought in the middle of an economy in crisis.

»Last week was marked by rising oil prices, tens of thousands of lost jobs and plummeting share prices that will have a profound impact on the candidates vying to succeed President George W Bush.

»Some experts believe the bad news could boost the chances of Hillary Clinton. She has scored wins against rival Barack Obama in states such as Ohio, where the economy is a dominating local issue. But the Obama campaign had a much-needed boost last night as he won the Wyoming caucuses 58 per cent to 41 with most of the votes counted. His win appeared to have been propelled by the heavy turnout of voters, especially among the state's college students.

»Though Wyoming's caucuses are worth just 12 of the vital convention delegates needed to clinch the Democratic nomination, the win is never the less a boost to the Obama campaign.

»Clinton's victories last week have allowed her to paint herself as a comeback candidate. As the economy falters yet further, it could provide Clinton's revitalised campaign with more momentum, especially since the next key electoral battleground is Pennsylvania, which has a similar social make-up to Ohio. However, Obama has also struck a more populist economic tone in recent weeks, seeking to capitalise on middle-class fears over vulnerable jobs and losing their homes.»

• Pour WSWS.org de ce jour, au contraire, c’est la question de là sécurité nationale qui s’impose (à nouveau?) comme thème central de la campagne. Il s’agit notamment d’une manœuvre de Clinton pour isoler Obama et le forcer dans des positions défensives. Conséquence selon WSWS.org: toute la campagne est en train d’évoluer vers la droite, et particulièrement les deux candidats démocrates.

»Whatever the final outcome, this increasingly intense political battle is pushing both Democratic candidates sharply to the right.

»Clinton’s position has begun to largely dovetail with that of McCain, with both running principally on their supposed qualifications to serve as the US “commander in chief,” and both having launched attacks on Obama, questioning his own credentials on this score.

»The New York senator and former First Lady spelled out her “national security” campaign at an extraordinary press conference in Washington, DC last Thursday in which she surrounded herself with 13 retired senior military officers and appeared before a massed array of American flags. The assembled top brass were invited to weigh in on Clinton’s national security capabilities and Obama’s lack thereof.

(…)

»In her own remarks to the media following her appearance with the former members of the top brass, Clinton elaborated on her national security campaign by building up the Republican Party’s presumptive presidential nominee, Senator John McCain, while tearing down her fellow Democrat, Obama.

» “I think that since we now know Senator McCain will be the nominee for the Republican Party, national security will be front and center in this election. We all know that,” Clinton told reporters. “And I think it’s imperative that each of us be able to demonstrate we can cross the commander-in-chief threshold.”

»Praising McCain as a good friend and a “distinguished man with a great history of service to our country,” she affirmed that both she and McCain had crossed this “threshold.” As for her Democratic opponent: “You’ll have to ask Senator Obama with respect to his candidacy.”

»Leaving no room for ambiguity in her message, Clinton stressed that both she and McCain “bring a lifetime of experience to the campaign,” while “Senator Obama will bring a speech he gave in 2002,” when he spoke out against the impending Iraq war while serving in the Illinois state senate.

»Clinton’s right-wing campaign on national security has proven effective, putting the Obama campaign itself on the defensive, pushing it to the right and provoking evident disarray.»

Est-il utile de trancher? Deux analyses si opposées, menant à deux conclusions si opposées, l’une et l’autre appuyées sur des arguments solides et sur une logique imparable. La dernière primaire (Wyoming) a donné une victoire remarquable de Obama (58% contre 41%) mais un nombre presque équivalent de délégués (7 pour Obama, 5 pour Clinton). De ce point de vue, également, la campagne est confuse et il semble de plus en plus que les primaires ne départageront pas les deux candidats démocrates et que l’on devra en venir pour désigner le vainqueur à diverses affaires polémiques, comme notamment la possibilité de faire voter à nouveau le Michigan et la Floride.

L’impression est celle d’un certain désordre chez les candidats et d’une “fatigue” des diverses campagnes. (Du côté républicain, John McCain n’est pas tellement plus à l’aise malgré sa nomination, avec ses multiples problèmes personnels et ses problèmes vis-à-vis de sa propre base électorale naturelle.) La violence et la dureté des échanges et des “coups bas” sont significatives

Mais le plus marquant est que cette campagne n’arrive pas à dégager et à imposer ses plus grandes lignes de force (ni ses candidats définitifs) alors que son intensité et sa tension sont considérables. Rien d’assuré ne peut être dit sur les orientations et les programmes des candidats, comme le montrent les deux interprétations qui figurent au début de ce texte. Il y a un décalage considérable entre cette incertitude et la tension de l’élection, qui tient sans doute autant à la concurrence entre les uns et les autres qu’à la crainte qu’un engagement trop affirmé sur un thème ou sur l’autre n’aboutisse à une perte de contrôle sous la pression populaire. Même s’ils sont souvent sur l’offensive les uns par rapport aux autres, les candidats sont tous sur la défensive par rapport à la campagne elle-même. Notre appréciation est que d’autres surprises sont probables, qui viendront plus sûrement des événements extérieurs et des interventions et pressions des diverses bases populaires, tant celles des partis que celles de l’électorat en général.


Mis en ligne le 10 mars 2008 à 13H49