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1449Il n’y a pas de mot convenable en français pour traduire d’une façon imagée et significative le verbe anglais “to lecture”. Les termes habituels (“réprimander”, “gronder”, “faire la leçon”) sont justes mais ils ne rendent pas le son et l’effet qu’on éprouve dans une phrase comme celle-ci: «China lectures US on economy»… La phrase évoque parfaitement le maître sévère en train de sermonner l'élève poussif ou maladroit.
Cette phrase apparaît en titre d’un court article du Financial Times du 4 décembre, sur une visite de Hank Paulson, secrétaire US au trésor, à Pékin. Le ministre aujourd'hui célèbre de l’administration GW Bush allait faire ses remontrances polies aux Chinois, pour qu’ils tiennent leur monnaie et ne la laissent pas trop perdre de sa valeur. Paulson est tombé sur un os particulièrement acéré, sur des Chinois certes polis mais sévères, qui ne mâchent pas leurs mots, qui ne sont pas privés de lui faire la leçon publiquement. C'est une visite particulièrement humiliante pour l’hubris de la “nation exceptionnelle”.
«The US was lectured about its economic fragilities on Thursday as senior Chinese officials urged the administration to stabilise its economy, boost its savings rate and protect Chinese investments. […]
»But Mr Paulson also found himself facing calls for the US to address its own economic problems. Wang Qishan, a vice-premier and leader of the Chinese delegation at the two-day talks, called on the US to take swift action to address the crisis. “We hope the US side will take the necessary measures to stabilise the economy and financial markets as well as guarantee the safety of China’s assets and investments in the US,” he said.
»The dialogue was dominated by the global crisis. Zhou Xiaochuan, governor of the Chinese central bank, urged the US to rebalance its economy. “Over-consumption and a high reliance on credit is the cause of the US financial crisis,” he said. “As the largest and most important economy in the world, the US should take the initiative to adjust its policies, raise its savings ratio appropriately and reduce its trade and fiscal deficits.”
»Although China also faces a rapidly slowing economy and rising unemployment, the tone of the comments reflected an underlying shift in power. Eswar Prasad, a senior fellow at the Brookings Institution, said: “One result of the crisis is that the US no longer holds the high ground to lecture China on financial or macroeconomic policies.”»
Les Anglo-Saxons adorent “faire la leçon” (“to lecture”) à leurs amis, alliés, partenaires, concurrents, adversaires, etc.; le terme implique sans aucun doute qu’il y a de leur côté la vertu autant que la puissance, que leur système est incontestablement le meilleur et qu’eux-mêmes savent mieux que quiconque en faire bon usage, qu'ils sont pour cela bénis des dieux et admirés des hommes, qu'ils ont tout lieu d'être contents d'eux-mêmes et qu'ils ne s'en privent pas. Paulson a du ressentir l’accueil des Chinois avec d’autant plus de frustration mal contenue, de colère rentrée et d’humiliation mêlée. Mais qu'importe, il a du écouter avec politesse, notamment parce qu’il n’est pas en position de faire autrement. Le fait est que les Chinois ont relevé toutes les inconséquences US, la faiblesse de leur pouvoir politique, le désordre de leurs structures financières et l’état pathétique de leur économie.
“Shift of power”, comme on dit “transmission de pouvoir” plutôt que “déplacement de puissance”? On verra. Pour l’essentiel, il s’agit bien de la démonstration que la puissance US est désormais dans une position où elle est obligée d’accepter les leçons des autres, parce que sa situation ne lui autorise rien d’autre. Son image, sa puissance d’influence se trouvent réduites à la merci d’une considération à la fois méprisante et agacée. Les Chinois ont “fait la leçon” aux Américains et les ont avisé d’un avertissement pour l’instant sans frais. Les USA doivent faire en sorte de protéger les investissements chinois dans ce pays, qui sont énormes et portent à bout de bras ce qu’il reste de puissance aux USA. L’avertissement porte en soi une menace souvent évoquée d’un “shift” de ces investissements, d’un déplacement qui constituerait un coup terrible à l’équilibre de la puissance US. C’est exposer crûment combien la position des USA est dépendante de quelques créditeurs puissants, et qui commencent à perdre patience.
…C’est exposer que le rapport des services de renseignement US
Mis en ligne le 5 décembre 2008 à 05H45
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