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348Notre ami Johan Boeder, éditeur du site JSFNieuws, a fait un simple calcul en reprenant les chiffres officiels de production de JSF/F-35 par rapport aux prévisions officielles de production. Son analyse (le 7 janvier 2011 sur son site), a été reprise par Stephen Trimble, sur DEW Line (Flight International), le même 7 janvier 2011 et par ELP Palmer, toujours le 7 janvier 2011
L’évolution porte donc sur la programmation de production de l’avion sur dix ans entre l’année fiscale 2005 et l’année fiscale 2016, selon sept prévisions successives avec modifications dans six des sept cas, – en 2001, en septembre 2006, en novembre 2006, en avril 2007, en novembre 2008, en août 2009 et en janvier 2011… Les projections du nombre de JSF qui devaient être effectivement produits au terme de la période 2005-2016, selon ces différentes évaluations, sont les suivantes : 1.447, 996, 903, 651, 643, 643, 413… En dix ans, les projections de production 2005-2016 ont été réduites de 1034 exemplaires sur les 1.447 initialement prévus.
Trimble écrit : «The numbers illuminate one of the central challenges faced by Lockheed Martin and the F-35 industry team: preventing unit costs from skyrocketing as volumes plummet.
»Learning curve theory posits that manufacturing costs decline by 12% each time output doubles. With each new delay that results in a further production cutback, the F-35's affordability challenge becomes more difficult. If unit costs increase each time orders decrease, budget cuts become a self-perpetuating cycle – aka: the acquisition death spiral. How does the F-35 escape?»
Ce qui est évidemment remarquable dans ce rappel chiffré qui est le simple constat de chiffres régulièrement accessibles, c’est effectivement la tendance qu’il illustre, avec une grande régularité dans la réduction de la production, de l’évolution du programme. La période est significative : huit années, à partir du véritable lancement du programme puisque c’est en 2002 qu’eurent lieu la plupart des engagements des pays coopérants étrangers avec les USA, l’engagement des trois forces nationales (USAF, Navy, Marine Corps) étant bien entendu déjà considéré comme acquis. Il s’agit donc d’une tendance concrète, sur l’évolution d’un programme non seulement existant mais d’ores et déjà en développement, sur quelque chose d’absolument concret, d’industriellement et de technologiquement en pleine activité.
Le JSF introduit une nouvelle situation dans l’aéronautique, qui n’a pas de précédent. Jusqu’alors, deux situations existaient. La première était celle du bon développement d’un programme, de son succès si l’on veut, avec les projections de production et les commandes en hausse à mesure que ce succès se confirmait. (Ainsi, le F-16 passa-t-il, en trois ans, entre 1975 et 1978, d’une projection de commande de l’USAF de 650 avions à 1.388, – pour terminer par une commande réelle supérieure de près de 3.000 exemplaires, la production ne rencontrant aucun problème.) La seconde était celle d’un programme rencontrant des difficultés, techniques ou budgétaires, avec les commandes envisagées se réduisant à mesure selon l’évolution du programme. Il y avait là aussi, comme dans le cas précédent, une corrélation entre l’évolution du programme et l’attitude des utilisateurs vis-à-vis de lui (cas du F-111, cas du B-2, cas du F-22). Dans le cas du JSF, rien de pareil, dans tous les cas pour les principaux acheteurs (les forces US). A part une réduction des commandes de la Navy et de l’USAF présentées selon de simples arguments opérationnels sans rapport officiel avec l’état du programme, le volume de ces commandes (et celle du Marine Corps) est restée officiellement stable, comme si rien ne se passait, comme si le programme se déroulait “conformément au plan prévu” (formule employée par les Soviétiques), alors que le rythme de démarrage de la production s’effondrait sur la période de près des trois-quarts en volume, que les difficultés s'accumulaient, que les prix explosaient. Certes, il s’agit des positions officielles, et les spéculations autour d’elles et de la véritable position des forces ne manquent pas, mais elles n’en restent pas moins le but structurel de la programmation du programme.
Ainsi, toutes les forces US, et, avec elles, les coopérants internationaux d’une certaine façon, sont-elles prisonnières volontaires, pour leur propre avenir et les projections et planifications qui devraient aller avec, d’un programme qui est devenu totalement instable, sinon virtuel, dont plus personne ne peut dire ni la fiabilité technique et opérationnelle, ni le coût, ni même l’existence à terme. D’autre part, toutes les conditions de cet emprisonnement ont été créées puisque les alternatives au JSF sont sciemment et volontairement tenues à distance, voire proscrites dans le débat autour de ce programme. Dans ces conditions, la pression qui pèse sur les forces en attente du JSF se répercute sur le programme lui-même, qui accumule les déboires pour tenter de rattraper ses faiblesses et ses retards, puis qui se voit retardé à cause de ces mêmes déboires entraînant difficultés techniques et dépassements de coûts, etc., tout cela aboutissant au mieux à un JSF opérationnel lui-même instable et suspect, et hors de prix. Le JSF a véritablement été conçu comme un programme “too big to fail” et “too big to fall”, et son destin se trouve de plus en plus confronté à une alternative attristante entre l’issue d’un échec contenu (des commandes forcées à la réduction, à des coûts considérables et avec un retard considérable, mettant tous les acheteurs dans une très difficile situation opérationnelle) et l’effondrement, – à la fois échec (to fail) et chute (to fall). Le deuxième terme de l’alternative ne cesse de gagner du terrain.
Mis en ligne le 10 janvier 2011 à 05H56