La City KO pendant 24 heures, la réalité laissée à notre appréciation

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Le 23 octobre 2009, la City de Londres a reçu un “direct” en pleine face, totalement inattendu, qui l’a étendue pour le compte avant qu’elle ne se relève, furieuse.

• Toutes les prévisions des économistes du système et de l’industrie financière donnaient enfin la sortie de récession avec une augmentation du PIB de 0,2% pour le trimestre juillet-septembre. Ainsi le Times décrit-il, le 24 octobre 2009, ce qui se passa ce 23 octobre: «At 9.30am yesterday, news hit the screens that the UK economy contracted by 0.4 per cent between July and September, shattering hopes that Britain had pulled out of recession and signalling the country’s longest downturn since records began in 1955.»

• Horreur, fureur et consternation. Ces chiffres méchants contredisent la narrative de l’industrie financière et rétrograde le Royaume-Uni à la 7ème place des économies mondiales, juste derrière l’Italie – humiliation suprême en vérité. La City ne comprend pas, la City se relève et proteste, mettant en cause les chiffres officiels de l’Office National of Statistics (ONS). Les économistes appointés, eux, savaient bien mieux et ils s’en tiennent à leurs évaluations, opposant “leur” réalité à celle de l’ONS…

«Many economists insist that the Office for National Statistics got yesterday’s growth figures wrong. Many surveys of business activity carried out during the period had pointed to modest growth. The Purchasing Managers Indices for services and manufacturing — which were both extremely accurate in predicting the start of the recession — had suggested a pick-up.

»Chris Williamson, the chief economist at Markit, which produces the surveys, insisted that the ONS data was wrong. He said: “We think the numbers are wrong. A whole host of indicators other than ours show that the economy grew in the third quarter, powered by a stronger services sector. There is a risk that these figures could lead to disastrous policy mistakes. The ONS has always found measuring the services sector difficult.”»

@PAYANT L’épisode est particulièrement intéressant, notamment dans sa promptitude, dans sa rectitude et sa signification immédiate. Il concerne un écart important entre la prévision et le verdict sur l’évolution du PIB britannique, c’est-à-dire entre ce qu’annonçaient les milieux financiers et ce que dit l’organisme officiel, et une contestation immédiate des chiffres officiels par les milieux financiers. L’accusation est portée contre l’ONS, jugée comme “non fiable” par rapport à la “réalité économique” théorique que présentaient les milieux financiers. Bien entendu, cette “réalité économique” théorique servait les buts des milieux financiers en renforçant l’évolution positive de l’interprétation du “marché” par l’évolution boursière. C’est un affrontement de deux “réalités” sous la forme de l’affrontement de deux communications à partir de deux interprétations de chiffres économiques. A côté des accusations contre l’ONS officielle, on peut sans trop forcer le trait concevoir que de semblables accusations, beaucoup plus fondées encore, peuvent être portées contre les évaluations des milieux financiers dont l’intérêt immédiat est évident.

Ainsi est mis en évidence le caractère complètement aléatoire de l’information, particulièrement dans la matière de la situation économique en temps de crise. Nous répétons souvent qu’il n’existe plus aucune objectivité dans l’information aujourd’hui, à cause du phénomène de la communication et de l’affirmation déclarée de la manipulation de la communication pour l’interprétation de sa politique par les autorités officielles. Cette fois, cette relativité est absolument démontrée au niveau de l’appréciation de l’économie, qui prétend, elle, s’appuyer sur l’“objectivité” des chiffres et dont il apparaît ainsi évident que ces chiffres sont évidemment manipulés. On dira qu’on le savait mais cette démonstration “en temps réel” est édifiante dans sa “réalité” – justement. Il est démontré, et confirmé pour le phénomène de l’“information” en général, qu’il n’est pas question de s’en remettre à une appréciation objective mais bien de porter un jugement politique pour trancher. Ce jugement politique nous conduit dans ce cas à la confirmation générale du caractère partial et complètement dominé par ses intérêts des milieux financiers, dont l’intérêt est de présenter une situation économique théorique optimiste pour renforcer ses bénéfices immédiats. Les protestations des “économistes” appointés par cette industrie financière sont à juger à cette aune. L’évaluation de l’ONS, elle, doit être jugée d’un point de vue politique également, comme correspondant beaucoup mieux à la situation du Royaume-Uni, à son chômage massif, à la situation désespérée des finances publiques et ainsi de suite. Dans ce cas, les chiffres de l’ONS rendent compte d’une réalité générale alors que les évaluations de l’industrie financière rendaient compte des intérêts immédiats de cette industrie. C’est un cas flagrant où il est démontré que l’information est devenue aujourd’hui un choix entre plusieurs interprétations de communication, et que ce choix doit être fait en fonction d’un jugement politique général. La prétendue rigueur et la prétendue objectivité basées sur la compétence professionnelle des économistes de l’industrie financière sont une mascarade ou une farce, comme on voudra, qui doit être dénoncée à la lumière du comportement de cette industrie avant la crise et jusqu’à la crise, de sa corruption vénale et psychologique, de son absence totale de scrupules et de son inculture politique complète. C’est ainsi que l’on approche le plus de la réalité catastrophique du Royaume-Uni, et de l’état réel du système américaniste/anglo-saxon qui fut prôné avec tant d’acharnement et de suffisance.

Quarante-huit heures après cet incident de parcours qui découvre un instant une réalité économique catastrophique, il n’est plus question de rien dans la presse. La démonstration de l’imposture et de la totale subjectivité de l’information prisonnière des affrontements de communication n’a duré que 24 heures. Il faut profiter de ces instants de “vérité paradoxale” pour tirer les enseignements qui importent sur la façon de se faire soi-même sa propre évaluation de la situation de la réalité.


Mis en ligne le 26 octobre 2009 à 06H42

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