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715311 avril 2019 – Je trouve que nous faisons des progrès, notamment avec le constat que nos entreprises les plus vaines, les plus stupides, les plus coûteuses et les plus catastrophiques, commencent à laisser derrière elles des traces particulièrement choquantes. Il faut que je m’explique minutieusement, à la lumière de la perte d’un F-35 (version F-35A) japonais, perdu corps et biens en mer sans qu’on sache ni pourquoi, ni comment. On sait simplement qu’à un moment, le F-35 a disparu des écrans-radar (« a disparu du suivi-radar », selon les sources officielles), donc on en a déduit qu’il lui était arrivé quelque chose et un peu plus tard l’affreuse nouvelle fut confirmée.
Il y en a certains qui ont tout de même remarqué l’étrangeté du fait qu’un avion qui intègre les technologies furtives pour échapper au repérage des radars puisse être l’objet d’un “suivi-radar”, jusqu’à provoquer une alerte qui s’avère fondée lorsqu’il disparaît des écrans. Le F-35, qui est également JSF, n’est jamais avare de nous produire des surprises : quand il devient ce qu’il devrait être (invisible), c’est qu’il est en perdition comme un vulgaire 737 Max.
Cela pour observer aussitôt que l’accident a fait grand bruit. C’est le troisième JSF détruit par accident de vol, et le premier dans le cours de ce qui semble être un vol soi-disant en “service opérationnel”. Voici deux exemples de réactions à la suite de cet accident.
La première vient du lieutenant-général à la retraite Toshimichi Nagaiwa, un ancien pilote de chasse de la Force Aérienne japonaise. Son avis est autorisé (officieusement reflétant les conceptions des experts japonais et l’avis des militaires), à partir d’une expérience professionnelle de haut niveau, et cité dans un texte présenté par le titre “Effets [du crash du F-35] sur l’alliance nippo-américaine” qui met en évidence l’importance de l’événement.
« Le lieutenant-général à la retraite Toshimichi Nagaiwa, ancien pilote de chasse, affirme que l'accident pourrait affecter l'alliance entre le Japon et les États-Unis.
» “L'alliance est plus forte lorsque les deux pays démontrent leurs capacités maximales”, dit-il. “L'accident affectera l'alliance de manière significative s'il entraîne un retard dans le programme des F-35 du Japon.”
» Des avions et des navires de patrouille militaires américains participent à la recherche de l'avion et du pilote. Nagaiwa affirme que l'armée américaine est impliquée dans la protection des informations sur ses avions les plus perfectionnés. “Beaucoup de pays sont probablement intéressés par l'accident, du point de vue du renseignement”, dit-il.
» “Le F-35A devrait constituer un apport significatif à la sécurité de l'espace aérien japonais. Il est donc impératif d'identifier la cause de l'accident pour éviter un cas similaire.” »
Le second exemple vient du site d’excellente réputation pour les meilleures raisons du monde, MoonOfAlabama (MoA), bien connu dans les milieux antiSystème pour ses commentaires et ses analyses des actions de subversion du Système, et particulièrement des USA certes. MoA ne s’intéresse guère à l’aviation sauf dans des cas d’espèce très spécifique, comme il l’a fait avec maestria à l’occasion de la crise (qui se poursuit au reste, mais avec discrétion) des Boeing 737 Max. D’une façon générale, le récit légendaire du JSF-devenu-F-35 n’est certainement pas sa tasse de thé ; quoi qu’il en soit et parce que l’accident a été perçu dans le système de la communication comme un “événement”, MoA l’exploite comme tel : dans le texte que je cite, du 9 avril, il démarre sur la nouvelle du crash du F-35A japonais. Dans les extraits ci-dessous, on peut apprécier l’importance que MoA lui donne, pour en faire un signe puissant de l’effondrement américaniste (occidentaliste) :
« Un avion de chasse de fabrication américaine dont on dit qu'il échappe aux radars, échappe finalement aux radars… […]
» Cela prouve une fois de plus que Donald Trump a raison : “Un travail incroyable... tellement incroyable que nous commandons des centaines de millions de dollars de nouveaux avions pour l'armée de l'air, surtout des F-35. Tu aimes le F-35 ? ... vous ne pouvez pas le voir. Vous ne pouvez littéralement pas le voir. C'est difficile de combattre un avion qu'on ne peut pas voir ”, a déclaré M. Trump en octobre.
» Mais a-t-il vraiment raison ? […]
» Les États-Unis ne construisent plus d’armement de réelles capacités. Comme Ian Welsh l’a écrit hier dans “Amérique : Un État en faillite” :
» “L'armée américaine montre des signes d'incapacité à créer des équipements militaires avancés efficaces : comme pour le F-35, qui ne peut pas voler. Elle montre des signes d'incompétence intense, comme lorsqu’elle laisse plusieurs avions être détruits au sol par un ouragan plutôt que de les faire voler ou de les mettre à l'abri efficacement.”… »
MoA accorde une telle importance à l’incident japonais, sans qu’on puisse le lui reprocher en aucune façon puisque le système de la communication mène le bal, qu’il poursuit, après le développement qu’on a lu, par une citation de l’article d’Alastair Crooke qu’on a mis en ligneaujourd’hui sur ce site. D’ailleurs le titre de cette chronique du jour du MoA, développée à partir du F-35 perdu et autour de cet événement, est effectivement d’une extrême ampleur : « The Demise Of The ‘Western’ System » ; et certes, la référence du texte de Crooke va dans le même sens : « Alastair Crooke thinks that the ‘western’ system at large is crumbling down… »
Quittons maintenant la polémique JSF-F-35 et prenons les faits du programme comme ils nous sont officiellement présentés dans les deux cas évoqués, c’est-à-dire en y croyant (le général japonais), ou en y portant un œil critique nourri aux appréciations antiSystème courantes, mais sans en savoir plus parce qu’en-dehors de sa sphère d’intérêt (MoA). Ce faisant, qu’on soit approbateur ou critique, on rate un fait de communication, – une vérité-de-situationdans ce cas, si vous voulez, – complètement fondamental, conduisant à plusieurs remarques extrêmement intéressantes sur des situations psychologiques qui s’imposent et s’imposeront subrepticement. On aura à l’esprit que je raisonne à partir du simulacre complet et extraordinaire que constitue le récit “officiel”du destin du JSF-devenu-F-35, c’est-à-dire à partir de la logique que ce récit a installée.
• Alors que le programmea déjà vingt-cinq ans d’âge, alors que plusieurs centaines de F-35 soi-disant “opérationnels” ont déjà été produits, alors qu’un certain nombre d’entre eux ont déjà été distribués aux bons élèves qui ont obtempéré aux consignes et l’ont commandé, comme le Japon dans ce cas, la perte d’un F-35 prétendument “opérationnel” d’un de ces bons élèves, après deux autres exemplaires perdus en vol au long de ces longues années, représente selon les normes de l’aéronautique militaire un événement absolument dérisoire et minuscule, sans la moindre gravité ni importance. Certes, il y a eu mort d’homme, et l’on s’incline comme il est de coutume de faire, mais il faut savoir qu’aucun programme d’avion militaire d’une certaine importance, sur une telle longueur de temps, n’a connu aussi peu d’accidents, – et il s’en faut de beaucoup, tellement qu’on se croirait dans un autre univers en vérité.
Alors, le F-35 est bien cet avion hors du commun et extraordinaire qu’on dit ? En un sens, oui, – mais l’on comprend bien dans quel sens, si l’on n’est ni aveugle ni sourd. En raison de son importance, en raison de la rente budgétaire qu’il assure, en raison des extraordinaires difficultés de mise au point qu’il a rencontrées et rencontre, en raison des blocages quasiment verrouillés qu’il suscite et auxquels il se heurte, le programme JSF a été développé avec une prudence extraordinaire, avec des pincettes si vous voulez, pour éviter le moindre accroc de communication et sans souci des délais ainsi accumulés et des dépenses supplémentaires, sans prendre le moindre risque opérationnel, peut-être mêmre sans vraiment voler tout seul, quasiment comme dans un landau pour bébé attardé, dans un cocon de protection pour hémophile de très haut degré et d’une intensité considérable. Le programme JSF a été développé comme une sorte de légende, quasiment comme un programme “zéro-perte”, dans la logique des guerres “zéro-mort” qu’on commença à développer dans les années1990. Ainsi s’est-il inscrit dans nos esprits...
La légende du récit-simulacre est donc une légende qui dit que cet avion “invisible” par la grâce de Dieu est aussi et nécessairement un avion divinement “indestructible”. De ce côté, le succès de communication fut complet et l’on prit l’habitude d’y croire ; et là-dessus, éclair divin mal orienté et patatras ! A cette lumière, la première perte dans des conditions qui semblent bien être “opérationnelles” est vécue nécessairement comme une tragédie immense, quelque chose qui bouleverse la légende jusqu’à l’ébranlement d’un monde, – le monde merveilleux du JSF au XXIème siècle. Pour mon compte, il s’agit d’une intrusion brutale d’une vérité-de-situation dans un simulacre prisonnier de son déterminisme-narrativiste ;un peu comme “un trou dans le continuum espace-temps” du destin du JSF. Les conséquences seront terribles.
• Mais elles le sont d’ores et déjà !Les deux exemples développés ci-dessus, qui viennent d’un partisan et d’un adversaire des USA, et donc partisan et adversaire du F-35, font du crash de l’avion japonais, pour celui-ci un cas qui peut mettre en danger l’alliance entre les USA et le Japon, pour celui-là un signe puissant de l’effondrement de la civilisation occidentale. La partie US, dont la stupidité stratégique et psychologique n’a d’égale que l’impudence tactique et mécanique pour dérouler imperturbablement la légende du JSF, est activement au travail au côté des Japonais, à la recherche de l’épave du F-35, et plutôt pour tenter de sauvegarder tous les secrets de cette merveille technologique de la gueule d’un requin-bridé chinois ou d’un requin-poutine russe, que pour chercher à retrouver le pilote. Cet empressement totalement inhabituel pour cette sorte d’incident dans des programmes aéronautiques de l’ancien temps d’avant-9/11 confirme aussi bien la légende qu’est le programme JSF que le coup terrible, qui ébranle l’alliance Japon-USA et confirme la chute de l’Empire.
On haussera peut-être les épaules devant cette agitation, devant la sorte d’interprétations auxquelles elle conduit, mais peu importe et ce n’est pas le dissident que je suis qui a inventé la légende de “JSF au Pays des Merveilles”. La créature monstrueuse ainsi créée impose une logique démesurée sinon absurde, mais tout le monde l’accepte dès lors que la légende nous est imposée. Quant à moi, je ne me priverai pas, dans ce cas, d’assurer absolument que cette légende est vraie et sa logique justifiée, et d’ainsi exposer combien, effectivement, les conséquences en termes de communication de cette première “perte opérationnelle” pourraient être et seront sans doute terribles.
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