La confiance en miettes et Dieu en crise

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Les nouvelles statistiques concernant cette précieuse vertu de la psychologie qu’est la confiance sont très mauvaises en janvier. C’est le cas des consommateurs aux USA, référence particulièrement essentielle pour l’économie de cette puissance, basée essentiellement sur l’allant de la consommation.

Reuters, notamment, donne aujourd’hui des indications sur l’affaiblissement de la confiance, en janvier 2009 par rapport à décembre 2008 où elle n’était pourtant guère brillante.

«Consumer confidence plumbed historic lows in January and home prices fell at a record pace in November, data showed on Tuesday, highlighting a rapidly deteriorating economy. Mounting job losses as the year-long recession deepens are piling misery on consumers already grappling with sharp declines in wealth following the collapse of the U.S. housing and stock markets. Economists say the recession is on track to be the longest, if not the deepest, since the Great Depression.

»The Conference Board, an industry group, said its sentiment index fell to 37.7 this month from an upwardly revised 38.6 in December. Wall Street analysts had forecast the index would climb to 39 from a previously reported reading of 38. […]

«Suggesting the economic rout was far from over, the Conference Board's expectations index dropped to 43.0 in January from 44.2 the previous month. “The adverse feedback loop from extremely tight credit conditions to reduced asset prices and ... reductions in demand for labor services continued to spin at an alarming velocity in January,” said Brian Bethune, chief U.S. financial economist at IHS Global Insight in Lexington, Massachusetts. “The continued ferocity of this negative feedback process highlights the policy challenge that lies ahead.”»

Curieuse rencontre, pour cette fois les consommateurs courants et les CEO (Chief Executive Officer, version postmoderne et anglicisé de nos PDG traditionnels). Il s’agit des résultats d’une enquête rendus publics en marge de la conférence de Davos. Elle concerne plus de 1.100 CEO de par le monde, qui sont eux aussi fort pessimistes, selon le rapport qu’en fait également Reuters, ce même 27 janvier 2009.

«Confidence among leaders of the world's top companies meeting in Davos has nosedived to a new low, with recession and a worsening credit crisis torpedoing faith in corporate prospects. The findings from a poll of more than 1,100 CEOs sets a grim backdrop to a four-day meeting of the world's business and political elite which opens on Wednesday in the Swiss ski resort. […] The annual PricewaterhouseCoopers (PwC) survey suggests the need for action is urgent, as a crisis that started in the banking system takes a growing toll on revenues, profits, expansion plans and jobs across all regions and industries.

»Worldwide, just 21 percent of CEOs said they were very confident of growing revenue in the next 12 months, down from 50 percent a year ago. And hopes for a short “V”-shaped recession appear to have evaporated with most business leaders expecting no more than a slow and gradual recovery over the next three years. “The three-year view is a bit better but the bad news is it is not that much better. Compared to the 21 percent confidence over the next 12 months, it's only 34 percent over three years,” said Tony Poulter, global head of consulting at PwC. “The message is: there is a long term but we are not going to see it dawning immediately.”

»Poulter said the situation had deteriorated significantly since September, following the collapse of Lehman Brothers and sale of Merrill Lynch. Back in September, only 46 percent of business leaders interviewed thought the banking crisis would affect them but by December that had risen to 67 percent. Worryingly, even this gloomy picture – with confidence the lowest in the survey's seven-year history – may be over-optimistic, given the slew of further bad news since it was completed in early December.»

Il est intéressant d’observer ces résultats statistiques dans leur contexte et en perspective. Cela nous donne de précieuses indications politiques et psychologiques.

• Un constat à notre sens important est la confirmation de la déconnexion entre certains événements politiques qui sont symboliquement mis en évidence, et présentés comme capables de restaurer la confiance, et l’évolution de cette confiance dans un sens inverse. L’inauguration d’Obama était le grand événement attendu, le “choc” politique symbolisant à la fois l’ouverture “multiculturelle” (certains rêveurs diraient : “révolution multiculturelle”) et le retour des USA après les sombres années Bush. (Significatif à cet égard est le fait que les prévisionnistes de Wall Street, toujours à la pointe de la sagacité, attendaient que l’“index de confiance” remontât à 39 en janvier, à cause de l’inauguration d’Obama, alors qu’on le retrouve à 37.) Rien de tout cela n’a opéré. L’effondrement de la confiance, qui est le principal moteur d’enchaînement de la crise vers son aggravation, suit sa propre logique d’aggravation, sans être influencée par ces événements de communication. On a ici un effet de la “parcellisation” qui affecte la société, du triomphe de l’individualisme suscité par l’idéologie dominante, qui conduit chacun à ne plus percevoir la situation en termes collectifs, abandonnant toute notion de solidarité hors de démonstrations virtualistes de communication. L’activité frénétique de l’administration Obama depuis qu’elle est en place n’a pas d’effet; on peut d’ailleurs considérer, et les diverses déclarations d’Obama le montrent, que la nouvelle administration n’attend pas, ou plus, le moindre miracle à cet égard et qu’elle prévoit de très longs mois, pour ne pas dire plus, d’une situation dépressive en constante aggravation.

• La courbe de l’indice de confiance de cet échantillonnage de dirigeants économiques (depuis septembre 2008 notamment) montre en général une constante sous-estimation de la gravité de la situation. L’“idéologie de l’optimisme”, phénomène caractérisant le monde économique aux USA depuis les années 1920, est une constante de l’état d’esprit de ces milieux. Considéré en général comme un des moteurs du capitalisme américaniste, et du capitalisme globalisé aujourd’hui, cette “idéologie” est surtout la démonstration d’une incapacité à embrasser la réalité des situations dans leur ensemble. Leur comportement à cet égard constitue une indication intéressante sur la capacité de ces milieux à réagir en temps de crise, comme un facteur paradoxalement aggravant. Campés dans un optimisme systématique qui semble être leur raison d’être intellectuelle, voire spirituelle, ces milieux n’anticipent jamais les crises et, lorsqu’ils sont confrontés à ces crises, prennent des mesures précipitées (licenciements, restrictions de l’activité, etc.) qui, dans le contexte où elles sont prises, constituent évidemment un facteur essentiel d’aggravation de la crise. Les consommateurs suivent cette courbe également, mais eux-mêmes avec beaucoup moins de responsabilité puisqu’ils sont simplement placés devant le fait accompli, et toujours en cours d’accomplissement, de la crise en cours d’aggravation. Tout cela forme une machinerie générale de type cercle vicieux (plus les choses vont mal, plus les comportements aggravent le mal) qui, dans des circonstances données, et il semble de plus en plus que nous y soyons, conduit à une dépression. Dans ce cas, le terme doit être autant perçu dans sa dimension psychologique que dans sa dimension économique.

• D’une façon générale, la question de la confiance, la question psychologique, est bien centrale au système comme elle est centrale évidemment à la crise. Notre système économique en crise est fondé sur la “croyance”, et donc effectivement on peut parler d’une “dimension spirituelle” pour les dirigeants économiques. Au-delà des facteurs ponctuels, c’est donc une religion qui est en crise aujourd’hui. La confiance est en crise comme on dirait que Dieu est en crise, – mais, certes, on a le Dieu qu’on peut.


Mis en ligne le 28 janvier 2009 à 07H39

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