Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
533
21 juin 2003 — Un long article très documenté, remarquable document sur l’historique et la situation des WMD irakiennes, paru dans The New Republic du 30 juin 2003 (et que nous reproduisons dans “Nos choix commentés”) représente un événement important de la vie politique américaine. L’article, signé Spencer Ackerman et John B. Judis, est extrêmement critique de la position du gouvernement et il considère que le dommage est d’ores et déjà causé : « The United States may still find chemical and biological weapons in Iraq. But the damage is already done. The Bush administration grossly exaggerated Iraq's nuclear program and its ties to Al Qaeda. And, in so doing, it misled the American people about the most important decision a government can make. »
L’article ne fait pas que déplorer la situation ainsi développée, il apprécie que l’avenir même de la politique GW Bush de lutte contre la terreur et autres campagnes du même genre, que cette lutte elle-même est compromise. C’est le crédit de l’administration qui est atteint. Le fait peut être en lui-même très dangereux, et l’on voit bien que c’est sans joie ni satisfaction quelconque que les auteurs font leur constat.
« The controversy might, indeed, go away. Democrats don't have the power to call hearings, and, apart from Graham and former Vermont Governor Howard Dean, the leading Democratic presidential candidates are treating the issue delicately given the public's overwhelming support for the war. But there are worse things than losing an election by going too far out on a political limb — namely, failing to defend the integrity of the country's foreign policy and its democratic institutions. It may well be that, in the not-too-distant future, preemptive military action will become necessary — perhaps against a North Korea genuinely bent on incinerating Seoul or a nuclear Pakistan that has fallen into the hands of radical Islamists. In such a case, we the people will look to our leaders for an honest assessment of the threat. But, next time, thanks to George W. Bush, we may not believe them until it is too late. »
En effet, il s’agit bien d’un constat d’une situation qui oblige à tirer des conclusions. Comme, d’autre part, il s’agit de The New Republic (TNR), la chose a une grande signification. TNR est un hebdomadaire libéral, de la gauche américaine qui s’est proclamée interventionniste depuis que les “guerres humanitaires” ont été lancées, notamment depuis le Kosovo. TNR a soutenu la campagne contre la terreur puis la guerre contre l’Irak. Cette prise de position reflétait un appoint non négligeable pour l’administration GW, notamment dans les milieux intellectuels, les grands médias libéraux, etc. Aujourd’hui, le désenchantement de TNR reflète également celui des forces que cet hebdomadaire représente.
De même, on constate que certains grands journaux qui ont jusqu’ici complètement soutenu l’action du gouvernement prennent leurs distances. C’est notamment le cas du Washington Post, terriblement belliciste jusqu’à ces dernières semaines mais qui retrouve lui aussi un ton critique. Tout cela mesure le coût politique que l’administration commence à payer pour avoir un peu trop visiblement manipulé les “règles d’engagement” de cette guerre. Le paysage politique américain recommence à se diversifier, mais dans une situation extrêmement tendue parce que les suites de la guerre en Irak donnent tout ce qu’on veut sauf de l’apaisement, et que, d’une façon générale, la situation post-9/11 est effectivement marquée par une très grande tension. Il est probable que d’autres polémiques vont surgir, notamment en fonction de l’évolution de la situation en Irak même. Elles vont encore aggraver la tension au sein du monde politique américain.
La question n’est pas vraiment, ou pas seulement électorale (en fonction de la prochaine élection présidentielle). TNR l’exprime à propos des questions extérieures (i.e. le cas de la Corée du Nord), mais ce jugement peut aussi concerner la situation de politique intérieure et l’équilibre des institutions : « [T]here are worse things than losing an election by going too far out on a political limb... »