La “créolisation” de nos remords

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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La “créolisation” de nos remords

30 juin 2023 (20H40) – Le 19 juin, nos grands amis d’Outre-Atlantique fêtèrent le ‘Junetenth’, – un assemblage des mots ‘june’ (juin) et ‘nineteeth’ (19), pour rappel symbolique du 19 juin 1865 jour où fut proclamé la fin de l’esclavage dans l’État du Texas, deux mois après la fin de la Guerre de Sécession. Ne me demandez pas pourquoi cet événement, cette date, le Texas, peut-être le dernier État à proclamer la chose, etc., – car ce qu’il importe de savoir pour mon propos est que ‘Junetenth’ est un jour de fête fédérale aux USA, pour commémorer la fin de l’esclavage. Le 19 juin n’est pas encore très loin derrière nous et la commémoration fut l’occasion de la publication de diverses études sur la question...

Bien, – nous savons notamment :

• que l’esclavage, surtout sinon essentiellement des Noirs (la “traite négrière”), est un des fondamentaux de l’arsenal dialectique du wokenisme, se fondant sur le racisme, sur l’oppression inégalitaire en fonction de la race, sur l’anticolonialisme et l’indigénisme, sur le “privilège blanc”, etc. ;

• que l’esclavage est d’autant plus “d’actualité” aux USA qu’une campagne wokeniste (et démocrate) est en cours pour “indemniser” les Africains-Américains de cette oppression passée, à raison d’un $million pour chaque citoyen US de race noire ; bien entendu, les avis sont très divers sur ce projet et il s’agit d’une campagne hautement polémique et antagoniste, qui se place dans l’affrontement général en cours aux USA.

Cela, c’était pour esquisser la toile de fond sur laquelle je vais venir placer, en avant-plan, quelques mots sur une étude spécifique publiée à ‘occasion du ‘Junetenth’, – mardi dernier exactement, sur Reuters, avec reprise sur RT.com L’idée était d’examiner la généalogie des six présidents actuellement en vie, pour découvrir combien et lesquels ont dans leurs ancêtres des possesseurs d’esclaves. Le résultat est, comment dire ? – assez “drôle” dans le sens où l’on dit “drôle de guerre” et ‘Drôle de drame’ ; quelque chose, vous savez, où vous ignorez si l’on doit éclater de rire ou étouffer une larme avec gêne, un peu de tragédie-bouffe si vous voulez...

 « Cinq des six présidents américains [encore vivants et] en exercice sont des descendants directs d'esclavagistes... [...]

» ...Donald Trump est le seul chef d'État américain vivant, actuel ou ancien, à ne pas avoir de liens familiaux avec l'esclavage.

Badaboum, dirais-je discrètement tandis que le formidable château de cartes fait de bienpensance, de symbolisme, de simulacre et de sacrilège s’écroule dans un chuintement furtif et feutré qu’un peu de sable efface... Car enfin, le seul à s’en sortir c’est bien le diable incarné en homme blanc.

Je vais m’expliquer de ce commentaire un peu abrupt et ampoulé. D’abord, on s’attarde un peu plus précisément sur l’événement.

« Les ancêtres de l'actuel président Joe Biden, ainsi que de Barack Obama, George W. Bush, Bill Clinton et Jimmy Carter, descendent tous de propriétaires d'esclaves, indique le rapport. Les liens d'Obama avec l'esclavage se situent du côté de sa mère, selon l'étude, qui a examiné les généalogies étendues et les données de recensement de ceux qui occupent les lieux de pouvoir à Washington.

» Les dossiers de recensement indiquent que l'arrière-arrière-arrière-grand-père de Biden était en possession d'un garçon de 14 ans réduit en esclavage en 1850, selon le rapport. La Maison Blanche n'a pas commenté les liens ancestraux supposés de M. Biden avec l'esclavage.

» Selon Reuters, les ancêtres de M. Trump ont émigré d'Allemagne aux États-Unis en 1885, soit deux décennies après l'abolition de l'esclavage par le Congrès américain. »

Il y a d’autres précisions qui sont d’un intérêt moyen, je veux dire sans surprise, sinon celui de mesurer combien les présidents sont plus de “racines”-généalogiques esclavagistes que les autres allées du pouvoir. Ce point est remarquable, dans tous les cas symboliquement, surtout avec le “premier président noir des USA” comme on l’a souvent claironné...

« 11 des 50 gouverneurs des États américains ont des liens similaires avec l'esclavage, de même que deux juges de la Cour suprême des États-Unis - Amy Coney Barrett et Neil Gorsuch.

» Dans les rangs du Congrès, le rapport indique que les républicains sont environ trois fois plus susceptibles d'avoir des liens ancestraux avec l'esclavage. Parmi les membres du GOP, 28% ont de tels liens, contre 8% chez les démocrates. »

Restons-en aux présidents pour nous concentrer sur le cas Obama. Bien entendu, l’ancien président et “premier président noir des USA” étant métis, c’est sa famille maternelle qui a dans ses ancêtres des propriétaires d’esclaves. Je n’ai rien contre tout cela ni à propos de tout cela, sinon des remarques à faire pour suivre celles que je fais au début de ce texte concernant le wokenisme.

En plus de ce que j’ai observé, l’on sait que l’une des spécialités d’ailleurs très “classiques” (souvent pratiquée) du wokenisme, c’est de réécrire le passé à son image. Le wokenisme le fait radicalement et sans prendre de gant ni la moindre retenue ; en déboulonnant les statues, en débaptisant des lieux, en déformant l’histoire et les faits de l’histoire, en interdisant des livres ou en les réécrivant, en caviardant des films, etc. ; et aussi bien, en pratiquant la “responsabilité rétroactive”, c’est-à-dire que parce qu’un de vos ancêtres, de votre nation, de votre race, etc., a commis ces crimes, vous en êtes également responsables. Cela marche d’autant mieux que la révision de l’histoire est dans le sens du blanchiment : comme l’on blanchie l’argent, l’on blanchie les responsabilités (le cas de l’esclavage, le rôle des Noirs entre eux, des musulmans, tout cela est fameux mais tout cela est “cancellé” et n’intéresse nullement nos élites ; on passe muscade en regardant ailleurs).

Mais qu’en est-il d’Obama ? Selon le wokenisme, qu’il a lui-même favorisé, son père est de la race des victimes, sa mère de celle des bourreaux. Que faire alors ? Pas de réponse, me semble-t-il en écoutant le silence consterné, – sinon donner à Saint-Obama $500 000 au lieu d’un $million en dédommagements des États-Unis pour leur vilain comportement ?

Obama est un symbole, mais les choses vont beaucoup plus loin. Dans le flot idéologique du wokenisme qui ne dédaigne pas de se contredire, on trouve également la faveur pour les mariages interraciaux. C’est par exemple l’étendard des mélanchonistes, qui nomment cela “créolisation”. Dans ce qu’on vient de voir rapidement avec le cas du “premier président noir des USA”, n’est-ce pas justement faciliter l’extension du péché originel et incommensurable d’une part, priver certaines vertus colorées de toute la justesse de leur bonheur d’autre part ?

Tout cela pour conclure que les wokenistes, avec leur allant, leur dynamisme, leur sagesse conquérante et leur tolérance aiguisée comme la lame d’une guillotine, ne sont malheureusement capables de produire que le contraire de l’harmonie, de l’équilibre et de l’ordre bienheureux des choses. Leur passion extrême et leurs certitudes étouffantes les engagent dans des chemins monstrueux d’inversion et de servitude, passant d’esclaves des structures à la condition d’esclaves de la déstructuration. Les pauvre ! Ah, les braves gens, – quelle que soit la bonté affirmée de leurs intentions, ils se font les serviteurs du diable.

Là-dessus je termine sur ce qui a été dit en passant et qui n’est rien d’autre qu’une chose scandaleuse, un caprice des dieux qui n’est rien de moins qu’une trahison des dieux, qui me ferait me défier des dieux et les vouer à l’enfer, – cela parce qu’ils ont choisi parmi les présidents encore disponibles, comme exemplaire sans discussion et référence absolument de la vertu même du non-esclavagisme familial, – nul autre que le monstre orange, le fasciste haineux, le raciste insupportable, l’immonde Trump !

Il y a quelque chose d’un dérèglement cosmique dans notre univers et le genre humain-de-gauche, les lumières-de-la-globalisation, la modernité, tous dans cette superbe ribambelle peuvent à juste titre se déclarer trahis. Le diable s’est joué d’eux en couronnant le pire d’entre tous les excommuniés et notre époque est folle : elle ne récompense même pas ses propres fous si consciencieux dans leurs délires et leurs divagations mais au contraire les conduit à exposer leur folie.