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16334 janvier 2014 – Il est rarissime, non il est complètement inédit qu’un John Glaser, l’une des plumes de Antiwar.com, commence une de ses analyses par un panégyrique du New York Times. Il le remarque lui-même, d’ailleurs, aussi étonné que nous de cette occurrence (le 2 janvier 2014, sur Antiwar.com) :
«It’s rare that I write about good news. But the editorial from yesterday’s New York Times is really good news. Entitled “Edward Snowden, Whistle-Blower,” the Times editorial board praises and defends Snowden’s decision to leak information about the NSA and argue he deserves some kind of clemency or pardon...»
On a vu effectivement (voir le 2 janvier 2014) l’importance qu’on doit accorder à cet éditorial du New York Times, qui a été répercuté partout aux USA. Le site HuffingtonPost, qui a évolué d’une position modérément antiSystème de “réformisme progressiste” du temps de GW Bush à une position-Système d’un progressisme complètement édulcoré et aligné sur le gouvernement depuis l’élection d’Obama (évolution sanctionné par la vente du site par Arianna Huffington à AOL en février 2011 pour $315 millions), publie un article sur le sujet le 3 janvier 2014. Il l'agrémente d’un sondage auprès de ses lecteurs (“Snowden est-il un héros ou un traître ?”). Les résultats sont successivement entre le 3 janvier au matin et le 4 janvier au matin, de 58,94% à 59,21%, à 59,75% pour “le héros”, et de 41,06% à 40,79%, à 40,25% pour “le traître”. Cela reflète la malaise grandissant dans la faction “progressiste modérée” soutenant Obama, devant la position anti-Snowden et pro-NSA de l’administration. Ainsi Glaser peut-il conclure, sans crainte d’être démenti :
«... I think in an earlier era, people like Snowden would be far more universally condemned. As Bob Dylan famously prophesied, the times they are a-changin. And despite the cascade of horrible news that provides endless fodder for my own writing here, it’s important to acknowledge the good.»
On sait par ailleurs (voir le 2 janvier 2013) que l’institution judiciaire est très fortement divisée sur cette question symbolique de l’amnistie à accorder à Snowden, c’est-à-dire sur la question beaucoup plus large et fondamentale des activités de surveillance de la NSA, et donc de la politique intrusive du gouvernement avec la tendance hostile qui grandit chaque jour. On sait encore que la Cour Suprême, si elle était consultée aujourd’hui comme elle le sera certainement au terme de la bataille juridique à la suite des jugements déjà prononcés (et d’autres à venir), et d’ores et déjà en appel, pourrait conclure sur une majorité de 5-4 hostile à la NSA.
Un autre domaine important du Système qui se trouve en pleine agitation est celui de la branche législative du pouvoir, où les pressions se poursuivent et s’intensifient en faveur du vote de la loi dite Liberty Act élaborée notamment par le député républicain Sensenbrunner (voir le 23 novembre 2013). La coalition formée autour de ce projet retrouve les lignes de la coalition “populiste” à tendance antiSystème qui s’est déjà formée à plusieurs reprises, dans la crise de la NSA autant que dans la crise syrienne, et regroupant nombre de républicains de tendance libertarienne rejoints par des conservateurs classiques, et des démocrates de tendance populiste progressiste.
Ces deniers jours, ce sont des députés démocrates, dont Alan Grayson, qui sont intervenus pour se prononcer en faveur d’une amnistie de Edward Snowden. L’élément le plus récent, qui peut introduire un nouveau prolongement explosif pour la NSA, est une lettre du sénateur du Vermont Bernie Sanders (un oiseau très rare, un indépendant qui s’affiche “socialiste”) adressée le 3 janvier au général Alexander. (Voir le Guardian du 4 janvier 2014.) Sanders demande à Alexander si la NSA surveille les communications des parlementaires, dans le sens aussi bien de collecter ces communications sans les écouter pour autant, ou en les écoutant effectivement, ce qui revient au même du point de vue de l’illégalité selon Sanders. On attend avec intérêt la réponse d’Alexander, d’autant qu’il est généralement entendu que la NSA surveille et écoute tout le monde. (Un autre whistleblower de la NSA, Russel Tice, sur Washington’s blog le 21 juin 2013 : «Okay. They went after–and I know this because I had my hands literally on the paperwork for these sort of things–they went after high-ranking military officers; they went after members of Congress, both Senate and the House, especially on the intelligence committees and on the armed services committees and some of the–and judicial.») Compte tenu du climat général et des probabilités considérables qu'il y ait effectivement des écoutes de cette sorte, s’il ment dans sa réponse Alexander (la NSA) risque gros, et s’il ne ment pas il risque gros... Comme l’écrit le Guardian : «Sanders’ question is a political minefield for the NSA, and one laid as Congress is about to reconvene for the new year. Among its agenda items is a bipartisan, bicameral bill that seeks to abolish the NSA’s ability to collect data in bulk on Americans...»
Pendant ce temps, bien entendu, les révélations sur la NSA se poursuivent à leur rythme désormais bien établi. Les documents du fonds Snowden sur le développement d’un “super ordinateur” destiné à venir à bout de toutes les protections des ordinateurs normaux (“a cryptologically useful quantum computer”, voir le Washington Post du 2 janvier 2013) alimentent les craintes générales d’une autonomie de la NSA, y compris dans la fabrication de matériels informatiques pour ses propres desseins. D’une façon plus générale, cette hypothèse accroit encore le malaise de l’industrie du domaine, ajoutant une inquiétude concernant la concurrence de l’agence dans la création et la production de matériels aux dégâts énormes causés à cette industrie par les révélations sur leur collaboration volontaire ou forcée avec la NSA. Cette puissante industrie constitue un autre domaine du Système d’opposition à l’activisme de la NSA, complétant le tableau d’une situation où le Système est sans aucun doute divisé, sinon déchiré dans la crise Snowden/NSA.
Ces divers éléments élargissent irrésistiblement la crise Snowden/NSA, ils la transmuent littéralement. Ils la font devenir désormais une “crise nationale” dans le sens généraliste du terme, c’est-à-dire qui ne se cantonne plus aux seuls domaines spécifiques, techniques et institutionnels qu’elle avait jusqu’ici. Si la crise Snowden/NSA reste une crise à la fois de la puissance expansionniste de la NSA au sein du Système et hors du contrôle du Système, une crise sur la question de la surveillance totalitaire de la population, etc., elle se transmue en une crise nationale sur l'affrontement récurrent du système de l’américanisme : le rôle, les pouvoirs et l’action du gouvernement central.
C’est ce que signifie Justin Raimondo, dans Antiwar.com du 3 janvier 2013, à l’occasion d’un commentaire sur le sujet partout débattu d’une amnistie pour Snowden. Son commentaire est logique puisqu’il est un des commentateurs libertariens les plus incisifs, et d’autant plus logique que Snowden est un libertarien avéré, partisan de Ron Paul. Les libertariens sont des adversaires acharnés de la centralisation et du Big Governement et ils constituent désormais une force politique de grande importance aux USA, disposant de relais au Congrès avec la formation d’un bloc puissant (républicains-démocrates) dont les options populistes et antiSystème sont essentiellement d’inspiration libertarienne. Ainsi Raimondo écrit-il, transmutant effectivement le débat sur la NSA et le système de surveillance en un débat sur l’“État-oppresseur”, le Big Government qui, aux USA, est passé de la marque d’un débat national récurrent au stade de crise structurelle fondamentale du pays, qui est devenu le débat central de la version US de la crise d’effondrement du Système :
«...One objection raised by Snowden’s critics on both sides of the political spectrum is contained in the frequent question: "Who was Snowden to decide he would be the one to override his superiors and take it upon himself to unmask the NSA? “Narcissistic,” “arrogant,” and “insufferable” are just a few of the adjectives Regime-friendly pundits have attached to him. And while this seems like the most trivial and content-less critique imaginable, designed to divert attention away from what’s in the NSA documents themselves, it is surely not without political-ideological significance. For what they are saying is that a lone individual – an ordinary American, in many respects typical of his generation, and without the requisite “credentials” – must defer to the superior moral authority of the State. This refusal to pay obeisance is the signature theme of the Snowden story, and it is this defiance that is apparent in what Drum perceives as “Snowden’s personal demeanor," which, he admits, “has set me on edge once or twice.” What seems like mere personal invective has a political subtext: who is this arrogant bastard who thinks he knows better than the collective wisdom of US government officials? This is the not-so-hidden premise shared by both progressive and neoconservative critics of Snowden and the team of journalists who have taken up his cause.
»If I were a progressive thought leader I’d be on edge every time I heard Snowden’s name, because he more than any other factor is responsible for the polling numbers that tell us a record number of Americans – a whopping 70 percent – consider their own government the biggest threat to the United States. Those are we’re-in-a-revolutionary-situation numbers, and that has got to have the We Love Government crowd more than a bit "on edge." The legitimacy of the post-WWII Welfare-Warfare State is now in question, and certainly the moral authority of the gang currently in power has been annihilated. The stage is set for the upending of the New Progressive Order, and the restoration of our old Republic, and we libertarians have Edward Snowden to thank for that.
»In this context, the effort to end Snowden’s persecution at the hands of the US government has got to be the top priority of all libertarians worthy of the name – and all people of good will. His personal fate is the measure of our future: if we allow the politicians to hound him – and quite possibly imprison him for life – we sentence ourselves to the same fate.
»I have to add that the personal situation of the journalists in contact with Snowden, who have been reporting this story, is an indicator of the tyrannous future awaiting us. Both Glenn Greenwald and Laura Poitras have been effectively exiled, with the former being told that he can’t expect to be immune to legal prosecution if he reenters the US and the latter routinely harassed at airports to the point where she has taken up residence in Germany. This is an absolute outrage, and, to my knowledge, Rep. Alan Grayson is the only member of Congress to protest this naked authoritarianism. Grayson’s inquiries to the Justice Department have so far gone unanswered. Where are the journalists protesting this deadly threat to the First Amendment and their profession?
»What can you do? You can join the chorus of voices calling for Snowden’s pardon by organizing local rallies, writing letters to the editor, and initiating independent efforts to secure his personal safety and autonomy. Open letters to US government officials from prominent people in the professions – writers, business executives, academics, etc. – have been notable by their absence. For these are the very people who have the most to lose from the intellectual deadening that is the inevitable result of a society under surveillance 24/7.
»What you can do right this minute is sign the White House petition to pardon Snowden unconditionally, which now has in excess of 140,000 signatures – way beyond the alleged "threshold" compelling an answer from the White House. Imagine if the number was half a million – they’d have a hard time ignoring that. And even if they did, their stony silence in the face of such overwhelming support for one of our greatest national heroes would speak volumes in and of itself...
Nous serions tentés de suggérer une réponse positive à la question que nous posions le 19 décembre 2013, en titre du F&C référencé : «La digue est-elle en train de céder ?» (avec la question explicitée opérationnellement de cette façon : «Il s’agit d’une période transitoire vers une troisième phase, où la crise Snowden/NSA pourrait devenir une crise générale du Système, affectant par voie de conséquence bien plus que la seule NSA, que le seul réseau de surveillance, etc.»). L’ironie incontestable d’une telle réponse positive serait alors que l’élément décisif de l’événement aurait été un éditorial symbolique et inattendu de l’institution par excellence du système de l’américanisme et du Système tout court, le New York Times. Ce serait alors le signe désormais éclatant, de type “nucléaire”, que la fracture, – et quelle fracture !, – est désormais béante au cœur du Système. Cela constituerait une circonstance des plus intéressantes car l’on sait bien, du moins de notre chef et constamment réaffirmé, que, selon une observation d’un texte sur “la crise d’effondrement du Système” à paraître dans le Glossaire.dde, «la mort (l’effondrement) du Système est dans le Système lui-même et seul le Système peut avoir raison du Système...»
Mais avant de songer au Système, bien que la chose doive rester constamment présente à notre esprit, occupons-nous de ce qui est directement en cause, qui est le système de l’américanisme. Les conditions en train de se mettre en place, dans lesquelles le public américain n’a encore guère eu son mot à dire sans que cela n’entame en rien l’intérêt prodigieux de la séquence qui commence et va marquer l’année 2014, constituent une configuration idéale pour la plus grave crise qu’ait connu ce système de l’américanisme ; la plus grave parce qu’il n’existe dans ce schéma en formation aucun élément extérieur identifié qui puisse servir de défection des effets de cette crise vers autre chose que le système de l’américanisme lui-même. (Ce fut le cas en 1861, où la guerre de Sécession constitua cet élément extérieur, et en 1929-1933, où les conditions économiques et sociales constituèrent cet élément extérieur. Ce fut même le cas lors du Watergate, tant la cause de la crise, le président Nixon, fut marginalisé et ostracisé jusqu’à constituer cet élément extérieur du système de l’américanisme, et dès lors qu’on eut sa tête le paroxysme explosif de la crise était dépassé après avoir été contenu.)
Le deuxième élément à considérer est que ces “conditions en train de se mettre en place” se radicalisent en même temps qu’elles se mettent en place. L’effet est quasiment mécanique, inévitable. On le voit en examinant la position des deux partis en train de se constituer pour se faire face.
• La NSA d’un côté, – et la NSA, dans ce cas, c’est bien plus que la NSA. On observerait d’une façon paradoxale mais nullement illogique qu’au plus il apparaît que la NSA doit être réformée de fond en comble, avec ses pouvoirs restreints, voire sa structure démantelée, voire pire encore, qu’au plus la NSA s’affaiblit devant ces pressions, au plus il nous paraît impossible pour la NSA et aussi pour le complexe de sécurité national dans son ensemble de céder quoi que ce soit de substantiel du statut, des pouvoirs, de la puissance, voire des desseins absolument totalitaires de la NSA. De ce point de vue, on est très proche du “tout ou rien”, du “ça passe ou ça casse”, etc. De ce point de vue, c’est de plus en plus tout le complexe de sécurité nationale qui serait directement mis en cause par une action touchant à l’essence même de cette entité mécanique et aveugle mais d’une surpuissance colossale qu’est la NSA, qui constitue depuis le 11 septembre 2001 le pilier central du renseignement opérationnel dans ce complexe. Il est probable que les concurrences entre agences et départements du complexe, habituellement très vives, sont pour l’instant de plus en plus mises de côté car le feu menace dans la “maison commune”. La cause principale directe de ce regroupement, autant que de l’intransigeance attendue de la part de la NSA, c’est qu’une action de restriction structurelle importante contre la NSA constituerait une sorte de jurisprudence capitale pour les forces et les tensions au sein du Système, et donnerait une dynamique importante sinon irrésistible au “parti populiste” qui a pris forme à l’intérieur des institutions du système de l’américanisme autour des idées libertariennes pour des réductions budgétaires touchant la “vache sacrée” du régime qu’est le complexe de sécurité nationale dans son ensemble.
• “En face”, il y a ces forces pour l’instant hétéroclites qu’on a passées en revue, mais qui constituent des ensembles de résistance de plus en plus solides, avec pour certaines un prestige à mesure. Il y a surtout la possibilité d’actions législatives au Congrès (à la Chambre), et l’“option nucléaire” d’une possible décision défavorable à la NSA de la part de la Cour Suprême, – décision nécessairement suprême au cœur du Système. (Sur ce dernier point, l’important est de voir si la Cour Suprême voudra agir vite lorsque l’un ou l’autre cas en appel sera remonté jusqu’à elle, ou si elle préférera une tactique de retardement pour ne pas en arriver à une décision dramatisant le débat, d’ailleurs dans quelque sens que ce soit pour cette décision.) Toutes ces forces sont poussées à la radicalisation par ce qu’elles perçoivent de l’intransigeance de la NSA, selon un mouvement naturel de “montée aux extrêmes”. L’extension de la crise Snowden/NSA en une “crise nationale” implique de surplus, pour toutes ces forces, que tous les grands problème et les grandes échéances vont être de plus en plus appréciées et considérées en fonction de la crise Snowden/NSA. On verra si cela évolue effectivement dans ce sens lors des élections mid-term de novembre 2014, dans quelle mesure la crise Snowden/NSA a un impact sur la politique intérieure en général, dans quelle mesure elle avantage la tendance “populiste/libertarienne”, etc.
• Un point important qui reste ouvert, c’est l’absence d’une intervention de pressions populaires, alors que de telles pressions ont déjà joué un rôle ces derniers temps, notamment en août-septembre 2013 pour bloquer l’attaque contre la Syrie (voir le 6 septembre 2013). Un test à cet égard, dans le même sens que les interrogations vues ci-dessus, est en train d’être lancé avec l’annonce par le sénateur Rand Paul, républicain-libertarien du Kentucky, d’une initiative judiciaire contre l’administration Obama à propos de la NSA (plainte contre la NSA pour violation du 4e amendement de la Constitution), sous une forme spécifique impliquant que Rand Paul agit comme citoyen et non comme sénateur et rassemble autour de lui un maximum de citoyens qui seront co-plaignants. (Voir Breitbart.News, le 3 janvier 2014 : «Paul will file the class action lawsuit soon in the D.C. District Court and that he will be filing it as an individual, not as a U.S. Senator. For a U.S. Senator to file a such a class action lawsuit against the President of the United States would be extremely rare. This lawsuit allows the American people to join together in a grassroots manner against President Obama’s NSA with a sitting U.S. Senator at the helm...») Rand Paul a annoncé qu’il avait déjà rassemblé plus de 300 000 signatures sur son site, qui constitueront autant de co-plaignants, constituant ainsi une initiative populaire importante contre la NSA, par le biais de la justice. On observera que le site de Rand Paul où est proposée cette action (Rand2016), s’il porte la date de réélection du sénateur, peut aussi bien indiquer des ambitions présidentielles. Un succès de mobilisation de l’initiative de Rand Paul constituerait une excellente plateforme de départ pour de telles ambitions et constituerait un bon exemple de l’intégration de la crise Snowden/NSA dans la politique générale US.
• L’attitude de l’administration Obama est, comme d’habitude, à la fois incertaine et énigmatique. Certes, Obama est contre une amnistie pour Snowden et, surtout, il défend la NSA. Mais jusqu’où est-il prêt à aller dans cette voie ? Suivra-t-il la commission qu’il a nommée, et qui suggère des réformes importantes de la NSA malgré qu’elle soit composée de personnalité proches du renseignement US ? On devrait le savoir courant janvier, et l’on aura alors une indications de l’orientation qu’il compte prendre, – ou bien, une nouvelle pirouette le dispensera d’une position claire et affirmée. La position d’Obama, sa personnalité, son discours mobilisateur recouvrant un vide conceptuel et une extrême prudence d’action jusqu’à la pusillanimité, suscitent une fois de plus une aggravation de la situation en proposant un leadership d’opérette qui n’a pour seul effet que d’interdire un autre leadership (celui du Congrès, par exemple) de s’affirmer, et donc en privant le débat qui se développe d’une autorité centrale capable d’imposer une orientation sérieuse pour tenter d'éviter une crise d'affrontement. Comme d’habitude, la position pseudo-“moyenne” d’Obama, qui est une position de complète passivité, favorise la montée aux extrêmes que nous citions plus haut.
Cette crise Snowden/NSA est finalement très étonnante d’un certain point de vue, et au contraire n’a rien pour étonner lorsqu’on prend en compte certaines réalités . Elle s’est imposée comme crise centrale et déstructurante dans des circonstances qui auraient dû au contraire susciter une mobilisation de tout le système de l’américanisme contre le dissident-“traître”, et un durcissement général. L’explication s’impose alors : si elle s’est imposée comme telle, – “centrale et déstructurante”, – c’est que le système de l’américanisme avait déjà des faiblesses internes qui lui interdisaient cette mobilisation, et à cause desquelles il se trouva aussitôt extrêmement vulnérable. En d’autres mots, le système de l’américanisme, c’est-à-dire le Système, a déjà suffisamment progressé dans l’équation surpuissance-autodestruction pour affronter cette crise extérieure à lui et qui est en train de devenir sienne, dans des conditions très défavorables. C’est dire que, dans les diverses hypothèses de blocage antagoniste et d’affrontement qui existe dans le face-à-face qui s’esquisse, il pourrait s’en trouver l'une ou l'autre qui conduirait le Système sur un territoire extrêmement dangereux pour sa stabilité. Il n’est même plus assuré que le Système soit capable de monter une opération de diversion désespérée pour cette sorte de circonstances, – un montage d’agression ou un conflit provoqué, – lorsqu’on voit comment il a lamentablement échoué dans sa tentative d’intervention militaire contre la Syrie qui, avec un peu de poussée d’expansion, aurait pu fournir un conflit extérieur détournant l’attention ... Mais l’on sait déjà qu’il n’en a plus guère les moyens et que les chefs militaires, qui pourraient pourtant être menacés par les effets de la crise Snowden/NSA, n’en veulent pas entendre parler, – comme la Syrie, toujours elle, l’a montré l’été dernier (voir le 31 août 2013).