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840Le Britannique Nile Gardiner, qui fut très proche de Margareth Thatcher et qui représente une voix puissante du courant néo-conservateur anglo-américaniste, a consacré ses trois derniers commentaires du Daily Telegraph (les 1er mars 2010, 2 mars 2010 et 4 mars 2010) à l’actuelle affaire des Malouines entre l’Argentine et le Royaume-Uni, et surtout à l’attitude des USA.
Il est rarissime, sinon sans précédent, de voir un chroniqueur de ce calibre, dont la règle est la multiplicité des sujets abordés, se concentrer dans trois articles de suite en quatre jours sur une question qui est certes importante, mais qui n’a certainement pas l’importance d’une crise majeure. On doit donc voir une marque de l’importance qu’accordent les milieux britanniques que représente Gardiner à l’affaire des Malouines, mais aussi à certaines autres affaires interférant dans les rapports USA-UK, que Gardiner impute totalement à l’administration Obama, et qui, à son avis, sont en train de détruire les “special relationships. (Voir le texte du 1er mars 2010 sur «Barack Obama’s top 10 insults against Britain», – certaines des “insultes” étant étonnantes à apprécier selon un regard politique…)
Extraits du texte du 4 mars 2009…
«There can be no doubt that Hillary Clinton has handed Buenos Aires a huge propaganda coup by backing Argentine demands for negotiations at the UN with Britain over the future of the Falklands. As I wrote earlier this week, this was a spectacular slap in the face for America’s closest ally at a time when thousands of British troops are fighting alongside the United States on the battlefields of Afghanistan. Unsurprisingly, Mrs. Clinton’s unilateral offer to act as a mediator has been emphatically rebuffed by London.
»I cannot think of a move by Washington that could do more harm at this time to the Anglo-American Special Relationship than siding with Argentina, after the sacrifice of 255 British soldiers in the Falklands War in 1982. They laid down their lives to restore the freedom of the people of the Falklands, after the brutal invasion by the military junta led by General Galtieri. […]
»
»Unfortunately there is no sign that the White House and the State Department understand that their reckless stance on the Falklands is significantly damaging the relationship with Great Britain. I hope they wake up before it’s too late, and realize that America has no truer friend than the British people, and that siding with Britain’s enemies is a spectacular miscalculation that is fundamentally against the US national interest.»
@PAYANT Comme l’observait l’un de nos contributeurs le 3 mars 2009 dans Ouverture libre, les Britanniques ont été particulièrement frappés par l’attitude US dans l’affaire des Malouines-2010. Si la véhémence de Gardiner est un cas en pointe, elle n’exprime pas moins, d’une façon radicale, un sentiment général extrêmement fort, d’autant plus qu’il se situe, en plus de l’aspect politique important, aussi bien dans le domaine de la sensibilité, – humiliation, sentiment d’une trahison, – exacerbé par la perception que les USA devraient plutôt être attentifs à favoriser les Britanniques après l’aide apportée par Londres aux USA durant les années Blair.
Il y a donc un réflexe britannique général et non plus, comme c’est l’habitude, un procès d’intention des Britanniques les plus pro-US envers d’autres Britanniques qui ne le seraient pas assez. (On voit même Gardiner défendre Gordon Brown, qui n’est pas son ami, dont il estime qu’il a été humilié par l’administration Obama à plusieurs reprises.) Même si Gardiner relaierait en principe une hostilité de la droite US à l’encontre d’Obama, il ne met pas moins en cause la politique US et les USA en cause, d’autant qu’ils sont bien peu dans la droite US à dénoncer cette politique d’Obama pro-argentine. On dirait même que sa fureur s’exprime un peu à contretemps par rapport à ses amis néoconservateurs US, qui deviennent de plus en plus pro-Obama pour sa politique extérieure qui suit les grandes lignes de la politique Bush, eux-mêmes (les néoconservateurs) observant que des fractions importantes du parti républicain sont touchés par le virus anti-guerre dispensé par Ron Paul, et avec quel succès.
Toutes ces conditions constituent un élément important dans la position politique britannique vis-à-vis des USA, dans la mesure où les habituelles “crisettes” des “special relationships” sont en général très souvent diffusées et apaisées, au profit de la conservation de liens solides avec les USA, par cette droite radicale néoconservatrice/thatchérienne dont Gardiner est le représentant patenté. Dans ce cas, c’est cette droite qui met le feu aux poudres, qui radicalise la “crisette”, qui pourrait devenir une crise si les USA poursuivent leur politique pro-argentine, mais qui le fait sans contrevenir en rien au sentiment général des Britanniques, au contraire en l’exprimant….
L’élément passionnel est important, le sentiment d’“humiliation” publique des Britanniques au profit d’un pays comme l’Argentine, qu’ils ont battu en 1982, selon une politique US qui, selon eux, foule aux pieds le principe qu’ils jugent sacré de la souveraineté britannique sur les Malouines. A son tour, l’“humiliation” va nourrir l’analyse politique d’une complète indifférence, voire d’une hostilité de l’administration Obama à l’encontre des Britanniques. Il y a une alimentation réciproque des deux aspects de la position britannique, le rationnel et l’émotionnel, et si l’affaire ne fait pas les gros titres (sauf ceux de Gardiner), c’est bien un signe paradoxal, selon les habitudes britanniques à cet égard, qu’elle a une importance considérable à Londres. Elle l’a d’autant plus qu’on est en période électorale et qu’il est bien en général d’exalter les vertus britanniques et de ne point accepter l’“humiliation”, d’où qu’elle vienne.
Cette affaire des Malouines, qui semblerait marginale au départ, pourrait déboucher sur une crise majeure entre les USA et le Royaume-Uni, avec les “special relationships” en cause. Le plus surprenant dans cette affaire, c’est la découverte qu’on fait, parallèlement aux Britanniques, de l’indifférence de Washington pour les Britanniques (et l’on pourrait étendre cette indifférence à l’Europe, sans doute). Pour les Britanniques c’est un choc, pour nous c’est une information qui peut s’avérer d’une importance considérable.
Mis en ligne le 4 mars 2010 à 07H59