La décision de l’USAF sur le programme KC-45 contestée officiellement par Boeing: une belle bagarre commence

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Boeing a décidé hier de contester officiellement (auprès du GAO, le Government Accounting Office) la décision de l’USAF en faveur de Northrop Grumman/EADS pour le programme de ravitailleurs en vol KC-45. On trouvera aujourd’hui dans le Daily Report de l’Air Force Association un résumé de cette prise de position de Boeing, suivie d’un résumé d’une riposte anticipée de Northrop Grumman qui met en cause nombre d’informations parues aux USA depuis la décision de l’USAF. (Dans les deux cas, les textes cités renvoient aux divers documents présentant la décision de Boeing et la position de Northrop Grumman).

La contre-attaque de Boeing, telle que présentée par le Daily Report, est exceptionnellement dure, et présentée comme effectivement exceptionnelle par Boeing («Jim McNerney, Boeing’s chairman, president, and CEO, said making the protest “is an extraordinary step rarely taken by our company, and one we take very seriously.”»)

Extrait du Daily Report:

«Boeing has decided to protest the KC-X tanker award to rival Northrop Grumman, issuing a press release late Monday citing “serious flaws in the process.” The company came out swinging earlier Monday, saying in a two-page paper that it submitted “a strong and extremely competitive proposal” and remains concerned how USAF conducted the evaluation. Using data from the March 7 debrief from USAF, the company said its KC-767 tanker proposal scored “exceptional” and “low risk” in mission capability, met or exceeded all key performance parameters, and had “significantly more strengths (discriminators)” than rival Northrop Grumman’s KC-30 bid in this area. Boeing said its proposal risk was also rated “low.” But “surprisingly,” so, too, was Northrop Grumman’s despite what Boeing characterized as “high risk associated with its evolving multi-country, multi-facility, multi-build approach” compared to Boeing’s own “integrated and lean build approach.” Boeing’s past performance was rated “satisfactory,” as was Northrop’s, although European aircraft maker Airbus, the latter’s KC-30 partner, has “no relevant tanker experience and having never delivered a tanker with a refueling boom.”»

Boeing avait obtenu, grâce à des pressions politiques, un raccourcissement du délai pour le debriefing de l’USAF sur la raison du choix pour le programme KC-45 (le debriefing prévu pour le 14 mars a été avancé au 7 mars). La décision de Boeing a alors été prise très rapidement et sans guère d'hésitation. Hier 10 mars (la décision de Boeing fut prise dans la soirée), le même Daily Report rapportait l’état d’esprit de Boeing.

«After a multi-hour debriefing from the Air Force Friday, Boeing appears to be inching closer to filing a legal protest with the Government Accountability Office over how USAF evaluated the company’s KC-767 in the multi-billion-dollar KC-X tanker contest that rival Northrop Grumman won on Feb. 29. Mark McGraw, Boeing’s KC-767 program manager, said in the company’s March 7 release Boeing officials left the meeting “with significant concerns” about the Air Force’s evaluation process, including “program requirements related to capabilities, cost, and risk, evaluation of the bids, and the ultimate decision.” He said Boeing will now “work through the weekend” to come to a decision early next week on its next course of action. The company said it “will give serious consideration to filing a protest,” with McGraw noting that Boeing “never takes lightly” protesting decisions of its customers. Claims in the media that the Northrop’s KC-30 bid won over the KC-767 by a wide margin “could not be more inaccurate,” he said.»

Boeing a décidé de ce battre à mort sur ce dossier. S’il a pris cette décision, c’est qu’il sent et qu’il sait que le climat politique lui est entièrement favorable. Tout y concourt effectivement et la bataille va devenir entièrement politique, sinon politicienne.

• Nous sommes dans une année électorale agitée et disputée. L’affaire a eu un écho immédiat. Elle est d’ores et déjà un dossier du débat des présidentielles, avec les deux candidats à la désignation démocrate (Obama et Clinton) ayant pris position contre la décision de l’USAF. Avec cette contre-attaque de Boeing, l'affaire des ravitailleurs KC-45 sera encore plus parmi les dossiers polémiques de la campagne.

• Le principal “responsable” politique et polémique de la défaite de Boeing est indirectement le candidat républicain John McCain, qui empêcha les premiers contrats en faveur de Boeing. Même si sa position à l’époque était fondée, le climat électoral pour cette affaire est très défavorable à McCain et les républicains sont sur la défensive. Certains, chez les républicains, vont jusqu'à mettre directement en cause McCain, comme le montre cet extrait d’une analyse d’AP du 8 mars, qui rend compte de ce climat politique: «Even Boeing's Republican supporters are critical of McCain. “John McCain will be the nominee and I will support him, but if John McCain believes that Airbus or EADS is the company for our Air Force tanker program he's flat-out wrong — and I'll tell him that to his face,” said Rep. Dave Reichert, R-Wash.»

• Boeing dispose de très forts soutiens au Congrès dans cette affaire. A la Chambre, le duo Nancy Pelosi-John Murtha, deux vieux complices démocrates, est déchaîné. (Pelosi est Speaker de la Chambre, Murtha président de la commission des appropriations de défense). Murtha a annoncé le 6 mars que le contrat était loin d’être acquis et rappelé qu’il avait le pouvoir de refuser le budget pour l’achat des KC-45. Quant à Pelosi, la même analyse d’AP rapporte ceci: «House Speaker Nancy Pelosi, D-Calif., echoing the thoughts of many congressional Democrats, sees McCain's role in a less positive light. She said the earlier tanker deal was “on course for Boeing” before McCain started railing against it. “I mean, the thought was that it would be a domestic supplier for it,” Pelosi told reporters. “Senator McCain intervened, and now we have a situation where the contract may be — this work may be outsourced.”»

C’est une belle bataille qui commence. Il nous est difficile de trouver beaucoup d’atouts dans le jeu de Northrop Grumman/EADS, sinon la décision initiale de l’USAF. Même le soutien des Etats concernés par le contrat (l’Alabama principalement) semble de bien peu de poids comparé au climat qu’on décrit et à la mécanique polémique dans le cadre général des élections présidentielles.


Mis en ligne le 11 mars 2008 à 06H45