Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
5401Tout le monde juge que Donald Trump a eu une excellente semaine, d’abord grâce à l’étrange désordre des caucus de l’Iowa qui ont décrédibilisé les démocrates et par conséquent renforcé la probabilité d’une réélection de Trump. (La côte de popularité de Trump est à 49%, plus haute que celle d’Obama dans la même situation, peu avant sa réélection : bien entendu, Trump, qui était à 39% à la fin 2019, n’a jamais été aussi haut.)
Il est vrai que les caucus de l’Iowa ont été pour le moins étranges, entre le chaos du fonctionnement du dépouillement, l’annonce d’un vainqueur improbable, – mais qu’importe, pourvu que ce ne soit pas Sanders, – alors que le dépouillement n’était pas terminé. “Ce sont les Russes”, a tout de même découvert une députée du Texas à propos de la responsabilité du chaos de ces caucus, elle-même (la députée) touchée par une finesse et une perspicacité hors du commun.
Qu’importe, la presse s’est précipitée sur cet infâme petit tas de chaos pour en extraire des conclusions fausses et prématurées, et s’en tenir là. (Hier soir aux USA, on en était à 96% du décompte et Sanders menaient en nombre de voix devant Buttigieg dans les deux tours de vote : 24,5% contre 21,3% et 26,5% contre 25%. Qu’importe, Buttigieg s’étant auto-proclamé vainqueur, la presseSystème, singulièrement en Europe, ne retient que ce nom et en fait déjà un favori.)
La phrase qui clôt le commentaire de Lee Camp sur RT.com (« C’est comme si les caucus de l’Iowa n’avaient jamais eu lieu ») résume parfaitement l’opération de prestement de faire glisser détritus et ordures puantes sous les tapis pour qu’on oublie le plus vite possible cette foire d’empoigne. (Camp compare dans son texte, assez justement pour le physique et l’illégitimité, le nommé et imprononçable Buttigieg au Vénézuélien Guaido, qui était invité d’honneur de Trump à son discours sur l’état de l’Union [SOTU].) :
« Tout comme pour le complot américain visant à installer Guaido, les médias couvrent l'escroquerie de l'effondrement du caucus, a observé Camp, soulignant le manque choquant de curiosité des principaux médias concernant le résultat réel du vote en Iowa. Pas de sondages à la sortie des bureaux de vote, pas même de tentatives de parler à qui que ce soit impliqué dans le processus, juste “Passons à autre chose, c'était hier, qui se souvient encore de l’Iowa !” Citant une remarque entendue sur NBC, Camp a conclu : “C'est comme si les caucus de l’Iowa n’avaient jamais eu lieu.”»
Pendant qu’on se débattait dans les décomptes de l’Iowa, État situé dans le trou du cul des USA, Trump donnait son discours sur l’état de l’Union mardi. C’était l’occasion d’ainsi marquer le très fort caractère d’opposition haineuse (voir plus loin) trumpistes-démocrates, au travers des péripéties spectaculaires entre Trump et Pelosi, en même temps qu’un morceau glorieux d’auto-triomphalisme (de Trump pour lui-même) qu’un certain nombre de commentateurs se laisseraient à prendre pour du comptant. Le lendemain, le président en personne était acquitté des accusations de la Chambre, réclamant sa destitution. Ces diverses circonstances marquent ce qu’un journaliste a qualifié de « meilleure semaine de son mandat pour Trump ».
On en est donc encore à comparer les positions politiques des uns et des autres (des uns contre les autres), à mesurer les “performances” de la présidence Trump qui continuent à être constituées pour une part importante et parfois exclusive de pure communication, etc. Mais la seule chose qui importe est le degré d’animosité séparant les deux camps, et dont les rapports de haine entre Trump et Pelosi ont été le signe le plus spectaculaire.
On trouvera ci-dessous, dans des extraits d’un texte de Nebojsa Malic pour RT.com une revue rapide nous informant que l’échec des démocrates dans leur tentative de destitution de Trump ne les décourage absolument pas, et même au contraire. On en arriverait parfois à croire que les démocrates souhaiteraient secrètement la victoire de Trump pour mieux pouvoir continuer à l’attaquer durant un deuxième mandat. (D’ores et déjà, le président de la Commission judiciaire de la Chambre a annoncé qu’il envisageait de convoquer John Bolton en audition de témoignage sur les questions soulevées par la mise en accusation. En bref, ce serait le témoignage que le Sénat a refusé de convoquer.)
« Avant même que Donald Trump ne soit élu président des États-Unis, les démocrates ont commencé à parler de destitution. Maintenant qu'elle a échoué, vont-ils enfin accepter le résultat de l'élection de 2016 ? Ne vous faites pas d'illusions.
» L’acquittement de Trump au Sénat, mercredi, était une évidence, étant donné qu'il faut les deux tiers des sénateurs présents pour le condamner. [...]
» En fin de compte, le seul républicain à avoir rompu les rangs a été Mitt Romney, et seulement sur un des articles. Non coupable, disculpé, affaire classée, “Passons à autre chose”, – comme les démocrates eux-mêmes l’avaient conseillé en 1999, après que la même chose soit arrivée à Bill Clinton.
» Pas si vite. Le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer (D-New York), a rejeté le verdict, le qualifiant de “vide de sens” car ce qui s'est passé au Sénat “n’était pas un procès”. [...]
» Si Trump est réélu en novembre, – ce qui apparaît de plus en plus probable, – attendez-vous à ce que les Démocrates essaient à nouveau de le destituer. Pour quelle raison ? La question n’a aucun intérêt, n’importe quoi fera l’affaire.
» Pour dire les choses simplement, ils doivent le faire. La mise en accusation du président semble être le mode de fonctionnement standard des démocrates depuis 2016 et l’élection que ni Hillary Clinton ni son parti ne se sont remis d'avoir perdue.
» Hillary Clinton elle-même en a donné une nouvelle preuve mercredi, accusant 52 républicains du Sénat de trahir leur serment à la Constitution et déclarant que les États-Unis “entraient en territoire dangereux pour notre démocratie”.
» Stacy Herbert, co-animatrice du ‘Rapport Kaiser’, a bien résumé la situation en qualifiant les trois dernières années de “remake horrible de ‘Good bye Lenine’, dans lequel l’ensemble de la classe politique et des médias a construit une réalité alternative élaborée afin d'éviter qu'Hillary ne connaisse une détresse supplémentaire qui pourrait aggraver son humiliation”.
» Contrairement au film allemand de 2003, rien jusqu’à présent n'a été capable de faire éclater cette bulle d’une illusion si singulière, – ce qui signifie que le long cauchemar national américain est loin d'être terminé. »
Il ne faut pas croire que cette animosité est une question de personnes, ni qu’elle n’affecte que les élites. Au contraire, on dira que, pour une fois, les sentiments des élites représentent démocratiquement ceux de la population... C’est une situation très particulière, très singulière, presque démocratiquement vertueuse comme si la démocratie ne pouvait pleinement s’exprimer qu’au travers de sentiments violents et antagonistes... Ci-dessous, quelques précisions (extraits) que nous donne Michael Snyder sur son site The Economic Collapse le 4 février 2020 :
« Pour avoir une idée de la situation actuelle, il suffit de considérer les résultats d'une récente enquête Gallup...
» Selon Gallup, l'écart de 82 points entre l'approbation républicaine du travail que fait Trump (89 %) et l'approbation démocrate (7 %) est le plus important de l'histoire du sondage, qui remonte à 74 ans. Cet écart bat le précédent record de 79 points établi par Trump au cours de sa deuxième année au pouvoir, en 2018. (La première année de Trump au pouvoir, en 2017, était la sixième plus partisane de l'histoire).
» Mais bien sûr, cette tendance n'a pas commencé lorsque Trump est entré à la Maison Blanche.
» En fait, Gallup dit que les “10 années les plus partisanes de l'histoire” ont toutes été enregistrées au cours des 16 dernières années... [...]Ces 10 années incluent les années des présidences de George W. Bush et Barack Obama ainsi que de Trump.
» “Il y a toujours eu des écarts partisans dans l’évaluation des présidents, mais jamais autant qu’au cours des deux dernières décennies”, a écrit Jeffrey M. Jones, de Gallup, dans une analyse des données.
» Peu importe qui gagnera en novembre prochain, cela ne comblera pas ce fossé très profond.
» Au lieu de cela, nous sommes sur le point de voir l'Amérique se déchirer comme jamais auparavant.
» Ainsi, même si Nancy Pelosi ne s’est pas rendu compte du caractère symbolique de ce qu’elle faisait, je pense qu’elle a parfaitement présagé de ce qui va se passer.
» Des jours très sombres approchent, et les États-Unis d'Amérique ne seront plus jamais les mêmes. »
Ces divers faits, à la fois événementiels et statistiques, nous disent beaucoup de l’exceptionnalité de la situation aux USA et à “D.C.-la-folle”. Le geste de Pelosi (suivant d’ailleurs, au début de la séance, le refus de Trump de lui serrer la main qui suivait lui-même une présentation publique de la Speaker tronquée par rapport à la tradition [“Membres du Congrès, le président des États-Unis”, au lieu de “Membres du Congrès, j’ai l’honneur et le plaisir de recevoir...”]) est un acte politique qui n’est en rien calculé, ni tactique, mais qui exprime le climat fondamental qui baigne ces êtres et leurs relations, c’est-à-dire la véritable situation politique à Washington D.C. (Dieu sait si Pelosi n’était pas réputée comme une “extrémiste” avant l’arrivée de Trump, et elle ne l’est d’ailleurs toujours pas mais cette haine antiTrump chez cette catholique fervente qui a le port d’une grande bourgeoise en fait finalement une extrémiste...)
Parfois avec naïveté, souvent par rigidité idéologique et conformisme rationnel, on a l’habitude de percevoir la situation en termes des “élites-Système versus le peuple”, ou selon la formule “les 1% contre les 99%”. Il faut admettre que ce n’est plus le cas aux USA, malgré les arguments impeccablement doctrinaux des analystes de WSWS.org qui ne peuvent sortir de leur schéma bourgeoisie-capitalisme-impérialisme-fascisme, etc. Il existe aujourd’hui une fracture verticale en plus des fractures horizontales habituelles, et cette fracture verticale tend à prendre le dessus. Elle divise les élites d’une façon radicale, donc elle divise la direction au service du Système, donc elle porte le fer rouge au cœur même de la structure du Système.
Il est évident que c’est la personnalité de Trump, avec toutes les casseroles, les tics, les vanités et les bombastiques comportements qu’il trimbale, qui ont servi de détonateur à cette situation. Désormais, le détonateur est lui-même dépassé, comme il est normal, et c’est toute la directionSystème qui est fracturée. La piètre et fanée Hillary nous l’indique en accusant de “trahison” les 52 sénateurs républicains qui ont voté contre la destitution (sauf Romney, doublement traître et traître professionnel, qui a voté avec les démocrates) : les républicains dans le même sac que l’immonde Trump.
Récemment, PhG avait parlé de cette haine extraordinaire qui s’exerçait contre Trump (et Macron), et il notait que cette haine “préexistait” à l’installation des deux hommes dans leurs respectives positions haïssables :
« ...Il est vrai sans nécessité de démonstration que la haine dont sont l’objet Macron et Trump dans une partie importante de leurs opinions publiques semble n’avoir guère de précédent dans les conditions qui l’accompagnent. Tout se passe comme si elle avait préexisté aux deux hommes et s’était collée sur eux dès qu’ils furent élus, je dirais même dès qu’ils apparurent “éligibles” dans les sondages. On pourrait dire aussi : c’est comme s’ils avaient été “choisis” pour que la haine latente mais si puissante que l’on sent dans l’air du temps, puisse trouver comment et sur qui s’exercer. »
Cette remarque nous paraît toujours valable, – plus que jamais, même, – mais la situation à “D.C.-la-folle” nous conduit à conjecturer que la puissante haine a désormais dépassé les deux personnages, dans tous les cas Trump aux USA, pour s’introduire dans toutes les couches de la société, y compris les directions, pour la diviser verticalement contre tous les principes de l’oppression et de la manipulation des plus faibles (les plus nombreux) par les plus forts (les plus puissants). Cela signifie que, contrairement à ceux qui dénoncent amèrement chaque jour la puissance inexpugnable du Système et divers milliardaires et autres, le caractère extraordinaire de l’actuelle situation est que s’établissent des lignes de partage absolument inédites, qui n’ont jamais été au programme du Système. Cela est dû à la force et au poids d’un sentiment qui se définit hors des intérêts habituels, nobles et sordides, qui font la politique. Ce sentiment, cette haine qui semble inexpiable, vient d’ailleurs, elle est d’essence métahistorique et répond au caractère extrahumain du Système et de la Grande Crise d’Effondrement du Système.
Mis en ligne le 6 février 2020 à 16H15