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27 avril 2004 — C’est une crise de confiance pour Tony Blair, selon The Independent d’aujourd’hui. On parle de la lettre de 52 anciens diplomates britanniques adressée au Premier ministre : « Tony Blair was facing a severe crisis of confidence in his foreign policy yesterday after an unprecedented attack from dozens of the most senior figures in the British diplomatic service. »
Il ne fait aucun doute que cette initiative est sans précédent au Royaume-Uni. Elle est à la limite de la rupture du devoir de réserve, surtout venue de milieux aussi stricts que ceux du Foreign Office. Justement, ce point, confronté aux réactions qui ont accueilli cette initiative, mesure la profondeur de la crise de légitimité de Tony Blair. Le porte-parole du Premier ministre a simplement observé que « “The [government's] position on the issues raised in this letter are well-known. The authors of the letter are entitled to express their views.” » Du côté de divers milieux et hommes politiques hors du gouvernement, les réactions sont unanimement favorables.
« Doug Henderson, the former defence minister, said: ''These are the guys on the ground with a lot of experience of dealing with critical issues. We would be well advised to listen to their views very carefully.” Tam Dalyell, the Father of the Commons, added: “I fully support the 52 diplomats. This is unprecedented. In my 41 years as an MP I have never seen such a move. They can't be dismissed as ex-diplomats, it's a great deal more serious than that.”
» Malcolm Savidge, the Labour MP for Aberdeen North, said: “It's very important that we distinguish between being a close ally of the US and appearing uncritically to support George Bush's administration.”
» The Conservatives declined to comment, but Sir Menzies Campbell, the Liberal Democrat foreign affairs spokesman, said: “This is a remarkable intervention in the debate about the Middle East from a group of people who are almost certainly the most expert in Britain on the issue. The Prime Minister would be well advised to take account of their criticisms.
» “When the House of Commons was persuaded to endorse military action against Iraq it was, among other things, on the footing that the road-map would be implemented, and that the two-state solution would have priority.” »
Tony Blair est trop faible pour réagir autrement que de la façon anodine de la reconnaissance du fait accompli, assortie du commentaire un peu surprenant dans un pays habitué au devoir de réserve des hauts fonctionnaires, même à la retraite, que les auteurs de la lettre sont « entitled to express their views ». Formellement c’est vrai ; quant à l’esprit de la chose c’est bien différent, et cela mesure le crédit actuel de Tony Blair. De même, du côté diplomatique, on a la mesure de la fureur qui, aujourd’hui, caractérise le jugement de nombre de diplomates britanniques sur la politique Blair.
Bien entendu, l’essentiel du point de vue politique dans cette lettre est une logique déjà vue dans le cas britannique. A force de refuser le moindre aménagement à son complet alignement sur les Américains, ce n’est plus une politique que le comportement de Blair désigne à la vindicte de tel ou tel corps de fonctionnaires (après les militaires, les diplomates), mais bien l’ensemble du concept de special relationships).
« In a damning verdict on Mr Blair's special relationship with President George Bush, they called for a “fundamental reassessment” of British policy towards the White House and the Middle East, urging Mr Blair to exert real influence over American policy as “a matter of the highest urgency”.
» They added: “If that is unacceptable or unwelcome there is no case for supporting policies which are doomed to failure.” »
Le travail de Tony Blair peut être suivi à la trace et identifié depuis deux bonnes années, — travail involontaire certes, mais diablement efficace. Il s’agit de la déstructuration de l’édifice politique de l’establishment britannique, notamment appuyé sur des principes de réserve et d’obéissance d’une extrême fermeté et sur la politique des special relationships. Il y a un étrange instinct dans la démarche de Blair, qu’on retrouve d’ailleurs dans les générations politiques nées à l’heure de la communication (ou spin) ; une façon de fournir un contre-argument, un contre-poison, etc, à tout acte déstructurant posé, en même temps que cet acte est en train d’être posé. Le résultat, c’est que le fameux adage (où le Premier ministre représente le pays) : “right or wrong, my country”, n’est plus fondé aujourd’hui à Londres. C’est une révolution.