La deuxième vie de “Oskar le Rouge”

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 345

En 1999, Oskar Lafontaine, chef de la gauche sociale-démocrate, démissionnait du gouvernement du chancelier Gerardt Schroëder. Cette décision, suivant des pressions appuyées, acheva le repositionnement du SPD vers le centre-gauche néo-libéral et pro-atlantiste après une période d’incertitude sur son orientation politique. (L’engagement de Schröder contre la politique irakienne des USA est une autre histoire, de type électoraliste. Il est devenu ensuite plus politique à cause des habituelles et grotesques pressions US, provoquant l'évolution de Schröder par réaction contradictoire.)

Suivit une période de retrait de la vie politique pour Lafontaine, retrait qu’on crut définitif comme lui-même le croyait. Mais Lafontaine est revenu à la vie politique, avec un nouveau parti, très à gauche, de type contestataire, qui s’est développé grâce aux conditions politiques d’après le 11 septembre 2001. D’abord localisé à l’ancienne Allemagne de l’Est (RDA), le parti de Lafiontaine, devenu La Gauche, a pris une dimension nationale depuis l’année dernière, avec succès. Il est potentiellement le troisième parti allemand avec 12% des intentions de vote, selon un sondage de l’institut Allensbach publié hier. The Independent décrit aujourd’hui un meeting électoral de “Oskar le rouge” et observe:

«The event was The Left's final rally in the party's campaign for Hamburg city state elections on Sunday in which Germany's mainstream political parties are set to lose votes to the new movement for the third time in just over a month. In similar elections in Hesse and Lower Saxony in January, The Left won seats in west Germany's main provinces for the first time in its brief history.»

La situation générale en Allemagne est désormais marquée par l’émergence de La Gauche de Lafontaine. D’ores et déjà, les élections générales de l’année prochaine constituent une échéance dangereuse, non seulement pour Merkel mais pour l’establishment allemand en général.

«Opinion polls suggest that the party will win up to 9 per cent of the vote in Hamburg. That could be enough to deprive the classic political alliances made up of conservatives and liberals or Social Democrat and Greens of enough seats to win a clear parliamentary majority. In Hesse, The Left now holds the balance of power and as no other party will agree to form a coalition with them, the state is still without a proper government.

»The prospect of something similar happening at a national level during Germany's general election next year is beginning to worry the country's established parties. With its populist remedies – which include a minimum wage, renationalisation of the energy sector , a super tax for the rich, and troops out of Afghanistan – The Left is winning the support of voters fed up with the middle-of-the road policies of Mrs Merkel's coalition of conservatives and Social Democrats.»

C’est une situation désormais classique pour un pays occidental, avec les deux grandes ailes de l’establishment politique (conservatrice et “réformiste”) de plus en plus contestées par un parti radical, – qu’il soit de gauche ou de droite importe peu, – mettant en cause l’idéologie libérale dans tous ses aspects et toutes ses conséquences. Les sujets de mise en cause de la politique libérale occidentale sont nombreux et très féconds pour cette opposition radicale, notamment grâce à l’alliance US qui, depuis 9/11, place nombre de pays occidentaux dans des conditions électorales difficiles.

Le dilemme est là aussi classique, mais très pressant et électoralement dangereux. L’attaque de Lafontaine, politicien talentueux et excellent dans la critique anti-capitaliste, trouve un terrain rêvé sur deux grands thèmes. D’une part, c’est l’attaque contre les pratiques capitalistes de l’hyper-libéralisme, de la globalisation, etc., en temps de crise générale; d’autre part, c’est l’engagement allemand en Afghanistan, avec les pressions US pour accroître cet engagement dans une guerre fortement impopulaire, sans guère de sens politique et sans stratégie définie, etc.

Par conséquent, l’Allemagne est et sera de plus en plus paralysée par rapport à ses engagements libéraux et transatlantiques, jusqu’aux élections générales. Mais ces engagements vont néanmoins devoir être maintenus, sous la pression d’une direction washingtonienne qui ne montre aucun intérêt pour les situations intérieures de ses alliés, et n’en a d’ailleurs aucune connaissance sérieuse. Merkel et ses alliés SPD sont donc emprisonnés dans une situation minimaliste, avec la nécessité de maintenir une politique extraordinairement impopulaire (libéralisme et Afghanistan) sans pouvoir la pousser ni la contrôler ou l’aménager efficacement. Cette situation d’emprisonnement nourrit par ailleurs de façon bien suffisante les arguments de Lafontaine et de ses partisans de La Gauche, pour les mener à une réussite électorale significative en 2009.


Mis en ligne le 22 février 2008 à 05H40