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1967• Un texte de Fiodor Loukianov nous dit clairement où se situe l’importance des BRICS après le sommet de Kazan. • Durant les délibérations, beaucoup de bonnes intentions mais jusqu’ici assez peu d’action. • Les BRICS se sont mis en place pour affirmer leur nécessité et l’inéluctable puissance de cet assemblage qui va offrir une alternative globale. • Tout le monde le reconnaît : il s’est fait tout seul, de lui-même, par sa nécessité. • La définition que donnent les Indiens du document final : « Une “déclaration” de l’évolution de l’ordre mondial ».
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Encore un petit grain de BRICS avant de refermer la litanie des exclamations immédiates concernant la réunion de Kazan. C’est une courte réflexion de Fiodor Loukianov, éditeur en chef de ‘Russia in Global Affaires’ et président de la direction du Conseil sur les Affaires étrangères et de défense. On a l’habitude de longues analyses de Loukianov sur les grands problèmes et crises de la situation de la Russie dans les affaires extérieures. Cette fois, au contraire, il a décidé de faire court. Par la vertu de la concision, il a réussi à mettre l’essentiel concernant les BRICS après cette réunion, – avec ceci comme diagnostic :
« Le succès du groupe signifie que l’Occident n’a plus le contrôle total des systèmes internationaux. »
Ses rapides considérations se font sur les effets de la réunion “sur le court terme” et sur les effets de la réunion “sur le long terme”. (...A une époque, notons-le, où le “long-terme” est devenu un laps de temps beaucoup plus court par rapport à ce qu’il était à cause de la rapidité des événements et des communications.)
• Sur le court terme, il voit surtout un événement de communication, très certainement avec un très grand écho, mais marqué essentiellement par des intentions d’action plus que par des actions à proprement parler, et prenant garde de marquer une intention affirmée de coopérer avec les institutions pro-occidentales en place, – donc une image qui ne veut pas paraître anti-occidentales.
« Un observateur avisé remarquera qu’il y a plus de déclarations que de plans pratiques. Des domaines d’action ambitieux ont été déclarés, mais seulement sous forme de tâches. »
• Sur le long terme, c’est tout à fait différent, et nullement en fonction des tâches entreprises, mais plutôt en fonction de l’importance historique (métahistorique) qu’auront atteint les BRICS à partir de la réunion, et malgré les réserves que fait “l’observateur avisé”. Les BRICS Deviendront per se plus encore qu’à cause de ce qu’ils feront, une plate-forme d’une importance globale, que nul ne peut ignorer et qui en viendra naturellement et nécessairement à s’opposer au système occidental. Dans tout cela, il nous revient alors la nécessité de conclure sans aucun doute que la réunion des BRICS d’octobre 2014 fut un événement d’une très grande importance (méta)historique.
« Les BRICS ont atteint un nouveau niveau, où un club prestigieux mais plutôt amorphe est désormais devenu un lieu de rencontre important. Il est nécessaire d’être à la table des discussions car, d’une part, des choses importantes y sont discutées et, d’autre part, une tendance mondiale clé se dessine. À savoir, un espace alternatif à celui organisé autour des institutions (et des intérêts) de l’Occident. »
On note aussi, car nous sommes grandement intéressés par cet aspect des choses, que la réunion des BRICS et leur évolution vers un processus de devenir une institution absolument nécessaire dans les nécessités du monde dépend, selon Poliakov, de forces extérieures que l’intéressé a du mal à identifier clairement, sinon par des expressions aussi vagues que “la logique du développement du système mondial” :
« C’est un long processus, mais il a commencé et il se développe en fait plus rapidement qu’on aurait pu s’y attendre. Les conditions sont réunies depuis un certain temps. [...] [Ce processus correspond] à la logique du développement du système mondial. »
Si nous portons notre attention sur ce point spécifique, c’est parce qu’il correspond à la tentative de compréhension qui conduit à des événements métahistoriques, – comme nous estimons que les BRICS en sont un.
Nous avons noté que Poutine avance la même explication de forces extérieures et supérieures, en récusant constamment que la trans-formation des BRICS en une très importante institution ait un rapport fondamental avec la guerre d’Ukraine. S’il est évident que la guerre a accéléré la tendance, comme chacun le comprend évidemment, elle n’a pas joué un rôle essentiel ni substantiel. On a remarqué les observations de Mercouris après la conférence de presse de Poutine du 24 octobre :
« Poutine a dit que la façon dont les BRICS se sont rassemblés n’est pas dû à la guerre en Ukraine, c’est un événement organique, c’était inévitable ... Le produit de forces économiques et mondiales qui auraient de toutes les façons abouti à quelque chose comme les BRICS... Même s’il n’y avait pas eu de guerre en Ukraine...
» Donc, ce qu’il essaie essentiellement de dire, c’est que c’est permanent, c’est quelque chose qui se serait produit ; ce n’est pas le résultat d’événements transitoires, cela fait partie, si vous voulez, de la marche de l’histoire... » (Mercouris, le 24 octobre 2024)
Pour compléter cette description d’un événement qui semble donc mené par des forces supérieures, on ajoutera un élément qui, de son côté, situe son importance (méta-historique). Il est donné par le ministre indien des affaires étrangères, de la part d’un des hommes les plus proches de Modi, connu pour sa compétence et son influence, et également pour sa mesure dans le jugement. En une courte formule dépouillée de toute emphase mais au contraire marquée par la simplicité de l’expression, – « une “déclaration” de l’évolution de l’ordre mondial » – S. Jaishankar donne de la part d’un des pays fondateurs du groupe, et toujours marqué comme le plus prudent dans ses engagements, une dimension elle aussi (méta)historique du groupe, et concurrente à cause de cela du groupement américaniste-occidentaliste.
« Le ministre indien des Affaires étrangères S. Jaishankar a décrit les BRICS comme une “déclaration” de l’évolution de l’ordre mondial, qui n’est plus dominé par les pays développés du Nord. S’exprimant lors de la session de sensibilisation du Sommet des BRICS jeudi, il a souligné la nécessité d’élargir les plateformes qui favorisent la multipolarité afin de fournir aux pays du Sud plus d’outils de développement. »
Tout cela poursuit paisiblement, sous les yeux ahuris de nos cohortes d’influenceurs incapables de rien d’autre que de prévoir le simulacre entre Halloween et le carnaval, une chevauchée que nous avons nous-mêmes identifiées comme impossibles à identifier, parce que nous dépassant, nous entraînant et nous emportant irrésistiblement. L’explication que nous cherchons est au-dessus et au-devant de nous, expliquant l’événement avant même que nous en ayons conscience... Comme nous disions l’autre jour, rejoignant la pensée générale de quelques-uns de ceux que nous avons cités :
« Quel commentaire ajouter à cela devant de tels événements, si complètement impensables dans l’autre monde, celui qui a précédé celui où nous sommes depuis 2015-2020 ? Littéralement, nous ne pouvons rien dire qui vaille, laissant faire sans pouvoir rien en dire l’inexorabilité de ces événements sans aucun sens parce qu’ils sont, – comme nous l’annonçons nous-mêmes mais sans jamais y croire vraiment et tout à fait, parce qu’effrayés de notre audace de cette pensée hors des normes de la Raison-vigilante, – parce qu’ils sont métahistoriques ! »
Texte de Fiodor Loukianov du 26 octobre 2024 dans RT.com.
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Le sommet des BRICS qui s’est tenu cette semaine à Kazan, en Russie, a suscité un certain émoi, ce qui est compréhensible. C’était un événement majeur, tant sur le plan de la représentation que sur celui du concept. Chacun est libre de l’évaluer à sa manière, mais il ne peut être considéré comme insignifiant.
Si l’on s’écarte de la partie cérémonielle et sociale de l’événement, il faut distinguer deux aspects de l’assemblée internationale, qui sont liés mais ne coïncident pas.
Le premier est celui des mesures significatives convenues, ou plutôt des résultats concrets, dans l’immédiat. Un observateur avisé remarquera qu’il y a plus de déclarations que de plans pratiques. Des domaines d’action ambitieux ont été déclarés, mais seulement sous forme de tâches. Il existe un consensus de base sur les questions discutées (un exploit en soi, compte tenu de la diversité des participants et des invités), mais à certains endroits, il est très simplifié. Enfin, contrairement aux discours selon lesquels les BRICS inaugureraient un ordre mondial fondamentalement nouveau, la déclaration finale consacre une place considérable au soutien d’un fonctionnement plus efficace des institutions existantes, du Conseil de sécurité de l’ONU au Fonds monétaire international et à l’Organisation mondiale du commerce.
La deuxième est à long terme. À cet égard, le forum de Kazan peut être considéré comme une étape importante. Les BRICS ont atteint un nouveau niveau, où un club prestigieux mais plutôt amorphe est désormais devenu un lieu de rencontre important. Il est nécessaire d’être à la table des discussions car, d’une part, des choses importantes y sont discutées et, d’autre part, une tendance mondiale clé se dessine. À savoir, un espace alternatif à celui organisé autour des institutions (et des intérêts) de l’Occident. En un sens, la fonction principale des BRICS est son statut de groupe anti-monopole, garantissant la concurrence en limitant le monopoleur, dans ce cas à l’échelle mondiale.
La lutte contre les cartels n’est jamais facile, quel que soit le contexte. C’est un long processus, mais il a commencé et il se développe en fait plus rapidement qu’on aurait pu s’y attendre. Les conditions sont réunies depuis un certain temps. Ainsi, l’essentiel des BRICS, quels que soient les problèmes et les bizarreries qui surgissent au sein et autour de cette communauté, est qu’ils correspondent à la logique du développement du système mondial.
L’importance des progrès dans tous ces domaines varie selon les membres de l’association ; pour certains, c’est une priorité, pour d’autres, c’est plutôt « pourquoi pas ? ». Mais cette divergence d’opinion ne change pas la direction du voyage.