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1222Pour le plus évident et le plus proche de nous, on dira que la phase paroxystique de la crise syrienne, du 21 août au 10 septembre, doit laisser des traces puissantes, dans les analyses, dans les jugements, et surtout dans les psychologies. L’essentiel de cette phase, comme nous l’avons plaidé chronologiquement très vite, a bien été ce qui s’est passé aux USA et nullement en Syrie, dans un retournement extrêmement rapide. Dès le 29 août 2013, nous constations cette évolution : «Cette phase étant exécutée, on se trouve désormais dans une phase nouvelle qui est celle de la crise syrienne dans cet épisode paroxystique renvoyant à son tour des impulsions et des tensions extrêmes qui déchaînent chez les différents acteurs et commentateurs des attitudes, des analyses, des jugements également extrêmes. En un sens, cette phase paroxystique de la crise syrienne est retournée, comme un boomerang, vers le cœur même du Système, dans les pays du bloc BAO.»
C’est le point de départ d’un constat général qui concerne la position des USA (cœur du bloc BAO), et particulièrement, précisément, celle de son président qui apparaît comme un homme de plus en plus isolé, de plus en plus affaibli, de plus en plus marginalisé dans le désordre général qu’est devenu “le pouvoir” aux USA, et aussi dans la considération que le reste a de la puissance des USA. Tom Engelhardt, sur son site TomDispatrch.com le 30 septembre 2013, décrit remarquablement cette situation dans son introduction à un texte de Dilip Hiro sur la même situation étrange d’inexistence paradoxale de l’agitation US au Moyen-Orient. Le titre dit bien l’appréciation de l’auteur, – «The Mystery of Washington's Waning Global Power», le mot waning devant mieux se comprendre par “dissolution” (ou “dissipation”) que par sa traduction habituelle de “diminution”... Et sa conclusion, avec l’emploi du mot drained, qui figure l’action physique de l’extraction d’une substance d’un corps spécifique, comme on drainerait la psychologie et le discours d’Obama de ce qu’il y a en eux de capacité d’influence et de conviction, convient parfaitement au propos : «In our lifetime, we’ve never seen a president – not even the impeached Clinton – so drained of power or influence. It’s a puzzle wrapped in an enigma swaddled by a pretzel.» (La dernière phrase est une référence très postmodernisée à la définition du pouvoir soviétique par Churchill, – «a riddle wrapped in a mystery inside an enigma» ; elle pourrait s’interpréter librement comme “un puzzle enveloppée dans une énigme dissimulée dans un gâteau appétissant et trompeur”.)
«Among the curious spectacles of our moment, the strangeness of the Obama presidency hasn’t gotten its full due. After decades in which “the imperial presidency” was increasingly in the spotlight, after two terms of George W. Bush in which a literal cult of executive power – or to use the term of that moment, “the unitary executive” – took hold in the White House, and without any obvious diminution in the literal powers of the presidency, Barack Obama has managed to look like a bystander at his own funeral.
»If I had to summarize these years, I would say that he entered the phone booth dressed as Superman and came out as Clark Kent. Today, TomDispatch regular Dilip Hiro, author most recently of the invaluable A Comprehensive Dictionary of the Middle East, points out that, as far as Obama’s foreign (and war) policy, it’s almost as if, when the American president speaks, no one in the Greater Middle East – not even our closest allies or client states – is listening. And true as it may be for that region, it seems, bizarrely enough, no less true in Washington where the president’s recent attempts to intervene in the Syrian civil war were rejected both by Congress (though without a final vote on the subject) and by the American people via opinion polls.
»It should be puzzling just how little power the present executive is actually capable of wielding. He can go to the U.N. or Kansas City and make speeches (that themselves often enough implicitly cast him as a kind of interested observer of his own presidency), but nothing much that he says in Washington seems any longer to be seriously attended to. In the foreign policy arena, he is surrounded by a secretary of defense who ducks for cover, a secretary of state who wanders the world blowing off steam, and a national security advisor and U.N. ambassador who seem like blundering neophytes and whose basic ideological stance (in favor of American – aka “humanitarian” – interventions globally) has been rejected in this country by almost any constituency imaginable. Unlike previous presidents, he evidently has no one – no Brent Scowcroft, Jim Baker, or even Henry Kissinger – capable of working the corridors of power skillfully or bringing a policy home.
»Domestically, who ever heard of a presidency already into its second term that, according to just about all observers, has only one significant achievement – Obamacare (whatever you think of it) – and clearly hasn’t a hope in hell of getting a second one? Just as he’s done in Syria, Obama will now be watching relatively helplessly as Republicans in Congress threaten to shut the government down and not raise the debt ceiling – and whatever happens, who expects him to be the key player in that onrushing spectacle? America’s waning power in the Greater Middle East is more than matched by Obama’s waned power in this country. In our lifetime, we’ve never seen a president – not even the impeached Clinton – so drained of power or influence. It’s a puzzle wrapped in an enigma swaddled by a pretzel.»
Le texte d’Engelhardt est centré sur la situation au Moyen-Orient, et la situation de l’influence US dans cette région. Mais l’on voit bien que c’est toute la position du président, y compris sa position intérieure, qu’il embrasse dans cette appréciation d’une complète désubstantialisation de la fonction au travers de l’évolution de l’homme. A cette lumière, les initiatives les plus accessoires d’Obama prennent cette même allure de l’impuissance, de l’inexistence, voire même du ridicule. Ainsi en est-il, par exemple, du “tweet” du président des USA mis en ligne ce 1er octobre à 04H56 GMT, annonçant la “mise en chômage technique” du gouvernement fédéral, sur un ton geignard et éventuellement racoleur : «They actually did it. A group of Republicans in the House just forced a government shutdown over Obamacare instead of passing a real budget.» L’emploi très prisé des experts de la communication de ce moyen des réseaux sociaux par le président, pour le rendre plus populaire, plus proche des gens et ainsi de suite, selon les théories de relations publiques et de communication du genre, ne parvient qu’à le rendre encore plus dérisoire, impuissant et éventuellement puéril, et dévalorisant encore plus la fonction au nom de laquelle il prétend intervenir. Tout s’enchaîne à merveille.
Bien entendu, les termes ont leur importance : employer pour waning le mot “dissolution” plutôt que “diminution” implique un jugement sur le processus. Le phénomène que met en évidence Engelhardt ne procède pas par à-coups, par les effets brutaux de décisions maladroites et contre-productives (bien qu’il y en ait, certes, ô combien), mais plutôt par une sorte de phénomène presque matériellement palpable sinon visible, une sorte d’équivalent quasiment physique (de la science du même nom) de l’image de “la peau de chagrin” de Balzac. Il semblerait même que ce processus soit détaché des événements qu’on aurait tendance à lier directement à lui, dans le sens où les événements témoignent du processus et le confirment plus qu’ils ne le suscitent, étant des effets plutôt que des causes.
De même serions-nous évidemment inclinés à ne pas voir dans Obama, sa personnalité, sa politique (ou sa non-politique), comme le diabolus ex machina de ce même processus. Au contraire, il est au cœur de la machine et il en est l’interprète sans le moindre doute ni la moindre hésitation, sans doute complètement aveugle sur la réalité du processus. A cet égard, Obama convient bien comme illustrateur et éventuellement accélérateur du processus, – un bon ouvrier qualifié, en somme, – à cause de ses qualités intellectuelles qui se sont parfaitement inverties en défauts à mesure, la maîtrise de soi devenue arrogance extrême, la distance de la pression des événements devenue l’enfermement satisfait dans une “bulle” farcie de la narrative qui convient, et ainsi perdant tout contact, comme on s’isole d’une atmosphère infestée de microbes épouvantables, avec la vérité du monde et ce qu’il pourrait en distinguer.
De toutes les façons, il est évident que la perception du spectacle de la dissolution de la puissance US, surtout du mystère de cette dissolution, telle que nous la restitue Engelhardt, mérite bien plus que ces notes rapides. Il est évident qu’il s’agit de la spécificité même de l’“époque” que nous vivons (par “époque”, nous entendons ce laps de temps des trois ou quatre derniers mois, disons depuis la défection de Snowden et le début de la crise Snowden/NSA). Il est évident qu’il y a des zones mystérieuses dans ce phénomène actuel de la “dissolution” d’Obama et de la puissance US, qui méritent une exploration constante, et de plus en plus approfondie. Bref, – il est évident que nous y reviendrons...
Mis en ligne le 1er octobre 2013 à 11H10
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