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1363Qu’arrive-t-il au Premier ministre Bibi Netanyahou ? Comme l’attaque-surprise imminente de l’Iran, depuis 2005, Bibi est usé. Les dernières déclarations de son allié météorite (un gouvernement d’“union nationale” de 40 jours en avril-mai dernier), le chef du parti Kadima Shaul Mofaz, après sa rencontre avec le Premier ministre, constituent un pas de plus dans ce qui doit être considéré comme la déconstruction de la psychologie et la dissolution générale du Premier ministre israélien.
Le site Times of Israël rapporte (le 2 septembre 2012) les déclarations de Mofaz, suivies de la réaction furieuse du parti Likoud qui affirme que l’entretien a eu lieu sous le sceau de la confidentialité, à la condition que Mofaz n’en dise rien… Mofaz, au contraire, ne s’est abstenu de rien, dans son interview, dimanche matin, à la radio publique de l’armée israélienne :
«Prime Minister Benjamin Netanyahu seemed “confused, stressed out and unfocused” to Kadima head Shaul Mofaz when the two met last week to discuss the latest developments with Iran, the opposition leader told Army Radio Sunday morning. “He seems to have lost his wits,” said Mofaz, “and rather than making thought-out, responsible decisions, he is creating the sense of an impending war.” […] “The prime minister has lost the faith of the security chiefs, United States President [Barack] Obama, and [Israeli] President Shimon Peres,” according to Mofaz. “This is a bankrupt leadership.” Mofaz said that in the past, Israel was in a position to deal rationally with difficult situations. “But you cannot put the country into the frenzy of war,” he said. “There is a direct correlation between the talk of war, the economic situation, and people’s despair.”»
Plus loin, Mofaz cite le jugement, énoncé quelques instants avant sa déclaration, du juge de Cour Suprême Eliyahu Winograd, qualifiant la paire Netanyahou-Barak d’“irresponsables” pour leur comportement avec annonces régulières, disons une fois tous les quinze jours, de la très prochaine attaque contre l’Iran.
Le portrait du Premier ministre Netanyahou ne cesse de se nuancer de traits de plus en plus étranges par rapport à la logique idéologique dont on le voit affecté, et son état psychologique devient un problème national. Le point le plus paradoxal est sans aucun doute que Netanyahou le “messianique”, l’homme de l’apocalypse, de l’attaque furieuse contre l’Iran, semble se réduire de plus en plus, se dissoudre dans une brume d’indécision, de confusion… Le professeur Naomi Chazan, ancienne adjointe du président de la Knesset et actuellement directrice de l’Ecole de Gouvernement et de Société au Collège Académique de Tel-Aviv-Yaffo, donne une analyse, dans le même Times of Israël, le 3 septembre 2012, où elle décrit la situation politique en constante dégradation de Netanyahou, à mesure de la dégradation de la situation intérieure du pays et de la rétention dramatique de sa politique extérieure, et elle termine sur la personnalité en pleine dissolution, là aussi, du Premier ministre : «The halo surrounding Benjamin Netanyahu cannot but be tarnished in the process. His indecisiveness is more pronounced than ever before, revealing an intrinsic hesitancy that is antithetical to bold leadership. His political acumen, only somewhat resurrected after his first term in office, has suffered a real blow. And, with a growing record of questionable calls and about-faces, his judgment is increasingly being called into question…»
…Il y a quatre mois, nous avions des révélations, sans surprise certes, sur ce qu’était Netanyahou, sans doute dans le courant de 2011, d’après les confidences de l’ancien chef de la sécurité intérieure Yuval Diskin, que commentait l’ancien député de la Kenesset devenu militant de la paix Lev Avnery. Liskin disait : «I will tell you things that might be harsh. I cannot trust Netanyahu and Barak at the wheel in confronting Iran. They are infected with messianic feelings over Iran…» Avnery, lui, résumait à la lumière des rapports de Netanyahou avec son père, fameux historien et sioniste intransigeant et autoritaire, récemment décédé, toujours sur la psychologie du Premier ministre : «a Holocaust-obsessed fantasist, out of contact with reality, distrusting all Goyim, trying to follow in the footsteps of a rigid and extremist father – altogether a dangerous person to lead a nation in a real crisis.»
Nous écrivions en commentaire de ces jugements sur la psychologie de Netanyahou, ceci, le 7 mai 2012 : «Toutes ces observations nous conduisent à offrir l’interprétation, qui est dans le fil de nos conceptions générales, que cet aspect “messianique” exprimant dans des circonstances données la “psychologie terrorisée” des directions des pays du bloc BAO, est l’effet direct des pressions du Système. Il faut admettre l’hypothèse que ces pressions du Système ont une forme active et élaborée, presque intellectuelle, qui soumet en les orientant les psychologies au Système, comme si le Système était un acteur majeur, d’une puissance considérable, une entité dotée de ce qui pourrait apparaître comme une influence active et pressante, effectivement élaborée, “comprenant” parfaitement le biais par lequel cette influence peut pénétrer les psychologies pour les orienter dans le sens qui importe à ses projets, – lesquels sont nécessairement négatifs et dissolvants, le Système étant passé du mode de la surpuissance à celui de l’autodestruction pour le but général d’une entropisation du monde. On peut même avancer l’hypothèse que ce but, et l’autodestruction qui y conduit, rejoint finalement la tendance cosmique originelle que nous identifions sous l’expression, référencée historiquement pour notre séquence historique, du “déchaînement de la Matière”.
»Le problème, pour ce processus, est que les psychologies investies n’ont aucune conscience d’un tel but d’entropisation ; lorsque certaines d’entre elles constatent les effets dans la “vérité des évènements” de cette tendance et peuvent envisager inconsciemment que l’effet final serait cette entropisation, elles se révoltent contre ce processus. Plus les évènements se précipitent et montrent cette vérité en même temps que se développe une situation eschatologique hors du contrôle humain, plus il y a de révoltes et plus le désordre gagne ces directions. Dans ce cas, l’aspect individuel joue effectivement son rôle, certaines psychologies étant plus rétives à une modification de conformation que d’autres, lorsqu’elles s’avèrent extrêmement faibles et infectées dès l’origine par des facteurs personnels (cas de Netanyahou). Dans ce cas, on n’est pas loin d’une forme de démence, et la situation créée est encore plus instable et productrice de variations et d’antagonismes extrêmes. On peut donc à coup sûr, selon ce raisonnement, juger que le désordre psychologique des directions qui sont asservies au Système va très rapidement dépasser en intensité et en conséquences catastrophiques et surtout complètement contradictoires le désordre que créent leurs actes. En un mot, le “personnel” du Système est de moins en moins sûr, puisque, malgré tout, chargé du caractère paradoxalement vertueux du “humain, trop humain” observé par Nietzsche…»
“Désordre psychologique” ? Un personnel “de moins en moins sûr” ? Sans nul doute, Netanyahou en donne un bon exemple… En un an/deux ans, le “messianique”, le fanatique déterminé à attaquer l’Iran pour venger le peuple juif, semble être devenu l’ombre de lui-même, hésitant, confus, sautant sur l’avis du dernier qui a parlé sans souci en rien de se contredire. Parallèlement à cette évolution psychologique, le projet d’attaque de l’Iran sombre lui aussi dans la confusion et dans l’extrémisme usé à force d’avoir été proclamé et re-proclamé… La situation intérieure en Israël est à mesure, Netanyahou-Barak étant de plus en plus isolés, l’opposition à une attaque se généralisant, tandis que la situation sociale et psychologique du pays devient catastrophique. Les immolations par le feu de vétérans subsistant dans des conditions sociales désespérantes ont profondément choqué la population. Le climat de tension maintenu par les projets d’attaque, censément productif d’un effet de dissimulation et de régénération du climat social, ne conduit en fait qu’à l’aggraver et à exposer cette aggravation, le contraire exactement, par l’effet d’une tension non suivie d’effets alimentant toutes les frustrations et les malheurs psychologiques. (Même si le propos paraît cynique, il est vrai : quand on mobilise pour une guerre, pour transmuter le malaise social par le sentiment patriotique et l’énergie guerrière, il faut malheureusement que la guerre ait lieu très vite pour que la “manœuvre” réussisse, ou bien l’on hérite du contraire…)
“Re-parallèlement”, les relations entre Israël (ou plutôt la paire Netanyahou-Barak) et les USA sont exécrables malgré les affirmations pompeuses du Congrès US, ses votes type-Politburo en faveur d’Israël et aux ordres du Lobyy (l’AIPAC), mais comme si cela n’avait plus de réelle signification, – parce que tous ces parlementaires, corrompus jusqu’à la moelle, n’ont pas plus de substance qu’un tronc d’arbre vide et que leurs actes en ont effectivement ce poids. Les interventions furieuses du général Dempsey (le 31 août 2012) ont profondément touché la paire Netanyahou-Barak, particulièrement les termes employés (“je ne veux pas être complice” d’une attaque d’Israël), impliquant le caractère illégal et criminel de cette attaque. Tel Aviv a demandé à Washington que Dempsey se rétracte, ce qui a été sèchement refusé (“out of question”). L’exercice de défense antimissiles Israël-USA en Israël du mois prochain, si important pour Israël qui veut assurer la défense antimissiles la plus hermétique possible, a été abruptement et radicalement réduit du côté US, avec le contingent affecté passant de 5.000 à 1.500 soldats et les missiles antimissiles Patriot effectivement déployés mais sans serveur ni contrôle pour en faire la simulation d’utilisation, – ce qui est à peine dissimuler combien Washington se fiche pour l’instant des préoccupations guerrières de Netanyahou-Barak, avec l’humiliation qui va avec. (Voir AFP, via Spacewars.com, le 1er septembre 2012.)
Alors, on en revient à Netanyahou “le messianique” et le fanatique devenu hésitant, versatile, confus… Tout se passe, jugera-t-on, comme si le Système dévorait ses enfants, même les plus méritants. Comme on le disait plus haut pour le climat social, la psychologie de Netanyahou lui-même est minée par cette tension permanente non suivie d’effets, par ses menaces redondantes, cent et cent fois répétées, par les affrontements incessants avec Washington, entre les déclarations pompeuses de soutien à Israël et les divers coups fourrés assénés par BHO et le Pentagone. (Sans compter l’imbroglio syrien, l’incertitude inquiétante de l’Égypte, la fronde générale de la communauté de sécurité nationale israélienne contre les projets d’attaque, etc.) Netanyahou est effectivement un exemple intéressant de la supériorité du Système sur toutes les autres forces, notamment et précisément humaines, en action ; et nous parlons, paradoxalement, de la “supériorité” du Système, précisément lorsqu’il passe de sa phase de superpuissance à sa phase d’autodestruction. L’idée de l’attaque contre l’Iran est aussi vieille que la pensée neocon et les emportements d’hubris des USA (du Système) jusqu’à ces dernières années, jusqu’au tournant de 2008 dans tous les cas, et un caractère comme celui de Netanyahou, messianique à souhait, religieux et idéologue, s’inscrivait à merveille dans cette dynamique de surpuissance. Mais cette dynamique a commencé à se transmuter en dynamique d’autodestruction (clairement à partir de 2008), tout en exerçant toujours cette même pression surpuissante, et les obstacles, les chicaneries, les querelles internes, les pesanteurs et les paralysies se sont accumulées, tandis que l’Iran, dégagé de ces chaînes, jouait un jeu de très grande habileté avec sa maîtrise du soft power. Ainsi Netanyahou, l’intransigeant, le manœuvrier politique cynique et efficace, a entamé la pente de la dévastation de sa psychologie, jusqu’au point où l’on arrive aujourd’hui, où on l’accuse d’hésitation et de confusion, lui qui figurait l’homme d’un seul dessein apocalyptique à accomplir sans l’ombre d’une hésitation… Effectivement, en bonne mécanique autodestructrice, le Système dévore ses meilleurs serviteurs comme il ferait de ses propres enfants. Et tel ou tel dirigeant iranien, annonçant l’effondrement du régime israélien sans qu’il soit nécessaire pour lui d’évoquer l’anathème de l’Holocauste, n’a peut-être pas tort lorsqu’on considère la situation politique, sociale et psychologique intérieure d’Israël sous la direction de son Premier ministre hésitant et confus, et ne semblant plus guère capable de faire bon usage de son intelligence…
Mis en ligne le 4 septembre 2012 à 09H23
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