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3960• Il n’est vraiment pas assuré, et l’on irait même jusqu’à penser le contraire, que la situation soit plus stable aux USA avec un Biden à la place de Trump. • Il y a la santé très déclinante de Biden, qui conduit assez fortement à penser qu’il ne tient aucunement son rôle de président ; même un parlementaire aussi expérimenté et mesuré que le républicain Lindsey Graham, sénateur souvent bien informé et peu suspect de sensationnalisme, répond le 24 février 2021 à une question de NewsMax.TV : « So, no, I don’t think Joe Biden’s in charge. » • C’est certainement et évidemment cette situation qui pousse une trentaine de députés démocrates de la Chambre à demander au président que la décision d’emploi du nucléaire ne dépende plus du seul président. • Par conséquent, c’est le désordre qui domine, pas la dissuasion... • Cela, au moment où la situation sur le flanc Nord-Est de l’OTAN, contre la frontière russe, se durcit du fait de la position antirusse hystérique de la Pologne et des trois pays baltes. • Un drôle d’endroit ‘rêvée’ pour savoir si l’on risque un conflit avec des armes nucléaires. • Alors, quelle situation ? La dissuasion ou les zombies au pouvoir ?
26 février 2021 – On lit par ailleurs des précisions concernant l’initiative que des parlementaires démocrates de la Chambre des Représentants ont prise vis-à-vis de la question du contrôle de l’arme nucléaire. Ils demandent à Biden de modifier l’autorité chargée de ce contrôle en ne la confiant plus au seul président, mais à une autorité comprenant plusieurs personnes (dont le président). Dans le texte référencé, nous offrons quelques réflexions par rapport à la position de Biden, mais mentionnons l’idée que cette amorce d’évolution, susceptible de très vite se concrétiser dans le climat actuel, porte en elle une considérable charge déstructurante de la stratégie fondamentale autour de l’arme nucléaire. C’est la question que nous voulons traiter ici, justement à propos d’un cas opérationnel exemplaire qui se développe, sur le terrain d’une crise potentielle qui comporte des risques d’un considérable conflit.
Ainsi nous proposons-nous d’étudier en même temps deux aspects d’une question stratégique fondamentale : l’aspect opérationnel et l’aspect théorique. Cela permet de mieux apprécier les risques réciproques existant dans les deux domaines, qui s’ajoutent et se renforcent. Nous allons d’abord développer l’aspect opérationnel, qui nous est largement présenté dans un texte de Scott Ritter sur RT.com ; il concerne la situation sur la frontière russe, avec l’installation par l’OTAN de forces diverses dans quatre pays de cette organisation qui sont extrêmement hostiles à la Russie : la Pologne et les trois pays baltes.
Ritter parle à partir du constat établi lors d’un exercice de l’armée polonaise, ‘Winter-20’. Ritter en fait le rapport exhaustif et assez simple, tant le résultat est évident, – d’autant plus qu’il était, disoins pour être arrangeant, ‘implicitement’ recherché :
« A la fin du mois dernier, l'armée polonaise a mené un exercice simulant une guerre générale entre la Pologne et la Russie. Baptisé ‘Winter-20’, la simulation impliquait plusieurs milliers d’officiers polonais qui supervisaient la guerre virtuelle entre les deux nations, selon le site web polonais Interia. L’exercice incorporait toutes les armes les plus récentes de l’armée polonaise, y compris le chasseur F-35. Lorsque la simulation s'est terminée, après cinq jours de ‘conflit’, l'armée polonaise était totalement vaincue, ses unités de combat subissant entre 60 et 80 % de pertes, et l’armée russe se tenait sur les rives de la Vistule, prête à occuper Varsovie. »
Ritter reprend des commentaires divers autour de cet exercice, notamment ceux qui détaillent la prise en compte, du côté polonais, d’armements avancés US, non encore livrés, – notamment les F-35 et les ‘Patriot’ que les gentils Polonais ont fidèlement commandés aux USA. (Mais justement, l’introduction de ces nouveaux armements dans les équations de la manœuvre simulée, explique peut-être, disons ‘en partie’ par modestie, le désastre...).
Quoi qu’il en soit, on comprend que cet exercice était destiné à prouver à l’OTAN que la Pologne est en constant danger de défaite complète face à la Russie, ce dont personne n’a jamais douté. Il paraît même avéré que l’on se trouve en présence d’un montage, l’OTAN s’étant prêté à un enchaînement de circonstances calibrées dans ce but, destinée à justifier le fait (d’ailleurs d’ores et déjà programmé sinon en voie de réalisation, tout va vite) que l’Organisation doit renforcer la position de la Pologne en y déployant des forces d’autres pays-membres (avec les ‘usual suspects’, USA, Allemagne, France, UK, etc.). Le paradoxe de cette situation est en ceci que ces déploiements et ‘renforcements’ de l’OTAN en Pologne pour ‘sauver la Pologne’ n’ont guère de chance de provoquer l’effet attendu qui est de « décourager une agression russe », – ce qui est par ailleurs totalement irréaliste puisqu’il est évident à tout observateur indépendant que la Russie n’a ni intérêt à une attaque, ni le moindre intérêt pour cette sorte d’activité.
• En attendant, Ritter décrit la valeur des forces envisageables pour un renforcement de la Pologne par l’OTAN, ainsi que la mesure des forces militaires des principaux acteurs. Il permet ainsi de dresser un panorama intéressant et, surtout, de faire ressortir l’étrange attitude de l’OTAN vis-à-vis des agitations polonaises...
En vérité, ce que l’on comprend est bien que les forces de l’OTAN, même après ‘renforcement’, sont complètement surclassées par la Russie en cas de conflit, – et tout cela n’est en aucune façon une surprise :
« Les États-Unis peuvent à peine se permettre de maintenir une seule brigade blindée lourde sur le théâtre et ont du mal à générer une deuxième brigade capable de renforcer la région en s’appuyant sur des stocks d’équipement prépositionnés. L’Allemagne est incapable de générer une seule brigade blindée pour le service sur le terrain, ayant dû cannibaliser ses forces de garnison pour préparer l’unique groupement tactique de la taille d’un bataillon qu’elle a déployé dans les pays baltes. L’armée britannique est dans un triste état similaire, considérablement réduite en taille et, comme l’Allemagne, incapable de mobiliser une brigade blindée pour un déploiement en Pologne ou dans les pays baltes en temps voulu. Il en va de même pour l’armée française. [...]
» La revue annuelle de défense Global Firepower (GFP) pour 2021 évalue la puissance des forces militaires de 139 pays dans le monde, en se basant sur une multitude de facteurs liés à une campagne militaire offensive ou défensive prolongée. La Pologne est classée 23ème dans le monde, avec un indice de puissance de 0,4187 (0,0000 est considéré comme un score parfait.)
» À titre de comparaison, la France est classée 7e, avec un indice de 0,1691, les Britanniques 8e, avec un indice de 0,1997, et les Allemands 15e, avec un indice de 0,2519. La Russie est classée 2ème, avec un indice de 0,0791. Seuls les États-Unis, avec un indice de 0,0718, ont un indice de puissance supérieur. Mais la majeure partie de l'armée américaine est basée sur le continent américain, et il faudrait des mois pour la déployer en Europe. La Russie, en revanche, opère à partir de lignes de communication intérieures en utilisant des forces qui sont entraînées et équipées pour combattre et soutenir un conflit terrestre de grande envergure avec des exigences de mobilisation minimales. »
• La Russie a, de son côté, évolué en fonction de ce qu’elle perçoit comme une menace : la pressions des Polonais et des Baltes, les menaces d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN, la politique hyper agressive du bloc-BAO à son encontre, tant au niveau des menées subversives (type-‘révolution de couleur’ et soutien de divers opposants, type-Navalny) que de la politique des sanctions.
En conséquence, les forces militaires russes se sont puissamment renforcées sur cette partie de son territoire, en même temps qu’elles se sont restructurées en grandes unités (1ère Armée Blindée de la Garde, 20e Armée de Forces Combinées). Les forces russes effectuent régulièrement des manœuvres massives face à ce qu’elles considèrent comme une menace réelle d’offensive conventionnelle : l’OTAN et sa progéniture du Nord-Est.
• Il y a en fait un complet divorce des perceptions, dont on voudra bien comprendre, par le fait même de l’évidence, que l’OTAN et le bloc-BAO en portent complètement la responsabilité. Les experts et stratèges US et Otaniens, évoluant dans une bulle spatio-temporelle qui les renvoie en boucle dans des constrictions similaires du passé, ont recréé en Pologne le mythe du ‘Fulda Gap’ de la Guerre Froide, qui était un couloir géographique de circulation par où les forces soviétiques en RDA (GFSA, ou Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne) étaient censées lancer une attaque-surprise en RFA contre l’OTAN, évidemment en position défensive et n’envisageant pas une seconde de pensée agressive à l’encontre de l’URSS. La même chose a donc été recréé en Pologne, avec le ‘Suwalki Gap’, qui est censé être la preuve (au moins géographique, ce qui vaut culpabilité) des intentions agressives de la Russie contre lesquelles l’OTAN déploie ses forces, héroïquement et désespérément...
« [L’armée US a créé] de toutes pièces la vulnérabilité du ‘Suwalki Gap’. Ce ‘Gap’, qui consiste en une étendue de territoire reliant la Pologne à la Lituanie, a été identifié par les stratèges de l’OTAN comme une ‘avenue’ probable [une percée géographique] d’attaque par les forces russes cherchant à isoler les pays baltes du reste de l’OTAN. La limite nord du ‘Suwalki Gap’ est définie par l'enclave russe de Kaliningrad, tandis que sa frontière sud est contiguë à la Biélorussie.
» Bien que l’OTAN puisse définir sa mission dans cette région comme étant de nature défensive, les manœuvres militaires requises pour envoyer des renforts dans le ‘Suwalki Gap’ sont identiques à celles qui seraient effectuées dans le cas où l'OTAN entreprendrait des opérations offensives contre Kaliningrad ou le Belarus. Pour la Russie, il n'y a pas de différence entre les deux. »
• Ritter estime que la situation actuelle de tension a été créée de toutes pièces, essentiellement par la tension entre les quatre pays-frontières de l’OTAN et la Russie, et le très fort antirussisme de ces quatre pays. La Pologne, notamment, a réussi à présenter « l’armée russe comme une simple version moderne de la Wehrmacht d'Hitler, prête à ravager une Pologne impuissante pour l'arrêter », et ce faisant les Polonais établissant « une norme artificielle servant à orienter la réponse de l’OTAN. »
Laquelle réponse de l’OTAN a été empressée, gobant l’hameçon polonais qu’elle avait préalablement largement contribué à fabriquer, et s’inventant ainsi une “raison du plus fourbe” (la Russie), les conduisant en toutes honnêteté et candeur politique à venir renforcer les Polonais ainsi menacés, avec conséquences évidentes pour la perception des Russes : « L’OTAN a mordu à l’hameçon, en envoyant des troupes et du matériel dans la région polono-baltique en nombre suffisant pour constituer à terme une capacité militaire offensive viable », – et ainsi conduire les Russes à devoir prendre au sérieux cette pression opérationnelle, renforcée par les diverses postures et pressions politico-sociétales qu'on a signalées.
• C’est un jeu étrange de ‘désordre ordonné’, où tous les acteurs suivent une perception, en général extrêmement entêtée (côtés US et polonais, sans aucun doute), et où un acteur (la Russie) se rapproche plus de la réalité opérationnelle que les autres. Mais cette ‘réalité opérationnelle’ risque fortement d’aboutir à des perspectives catastrophiques, selon la logique habituelle des situations conflictuelles du temps du nucléaire (nous arrivons à notre propos concernant le débat qui vient d’être ouvert à Washington D.C.).
« Les manœuvres ‘Winter-20’ représente le type de prophétie auto-réalisatrice que l'histoire enregistre souvent après coup, lorsqu’il est trop tard pour que les nations changent les événements sur le terrain. [...]
» Ces dernières années, la Russie a effectué des manœuvres militaires massives dans son district militaire occidental. Toutes sont basées sur une réponse à une agression de l’OTAN, que ce soit contre Kaliningrad ou contre le Belarus. Toutes impliquent la mise en œuvre d’une contre-attaque russe massive destinée à chasser les envahisseurs de l’OTAN du territoire russe ou du territoire de ses alliés. Ces contre-attaques impliquent des attaques en profondeur, du type de celles qui enveloppent les formations ennemies et s’emparent de vastes étendues de territoire.
» Le fait est que, dans l’état actuel des choses, les résultats de ‘Winter-20’ représentent la situation réelle : dans le cas d’une vaste guerre terrestre dans la région polono-baltique, la Russie détruirait complètement les unités de l'OTAN déployées à l’avant et atteindrait la Vistule en cinq jours. La seule façon pour l’OTAN de stopper les Russes serait d’utiliser des armes nucléaires comme l’ogive à faible rendement portée par les missiles balistiques lancés par les sous-marins américains. Si l’OTAN devait faire cela, la Russie répondrait très probablement par une attaque nucléaire massive contre les États-Unis et l’OTAN. Ce résultat qui donne à réfléchir devrait être pris en compte par ceux qui, au sein de l’état-major général polonais, contribuent à façonner de cette sorte d’événements pouvant, s’ils ne sont pas contrôlés, entraîner la fin du mandat en cours de la présence de l’homme sur terre. »
• ... Bien entendu, et pour clore ce sympathique exercice, c’est cette courte partie de phrase qui nous importe : « La seule façon pour l’OTAN [les USA] de stopper les Russes serait d'utiliser des armes nucléaires... »
... Cette phrase nous renvoie effectivement au débat lancé aux USA sur les pouvoirs (nucléaires) du président. L’argumentation et le champ des spéculations sont différents mais l’enjeu est similaire. L’intérêt de rapprocher ces deux sujets est bien qu’ils sont liés par la force simple mais imparable et implacable de la vérité-de-situation.
• Sur le champ polono-Otanien règne une ambiguïté accusatrice contre la Russie : celle selon laquelle la Russie est prête à utiliser du nucléaire, comme écrit National Interest cité par Ritter, « pour défendre le territoire qu’elle conquiert et contrôle », – ce qui est absolument contraire à la doctrine militaire russe. Il n’empêche, si National Interest écrit cela, c’est que le Pentagone y croit lui-même, ou bien veut qu’on y croit, ou bien qu’on le dise, etc. Cette narrative, – car c’en est bien une puisqu’il s’agit d’une FakeNews parfaitement calibrée, – permet d’instiller le sentiment va gue mais persistant que les USA ne font que riposter, et même sont contraints à riposter en utilisant le nucléaire de faible puissance (mais nucléaire sans nul doute) sur le champ de bataille. Cette fausse-vague certitude ne doit pas dissimuler que les Russes réfutent absolument cette doctrine et ne considèrent qu’une chose : une attaque avec du nucléaire menaçant leur territoire, – ce qui serait le cas si le Pentagone suit sa narrative, – conduit à envisager une attaque de représailles massives de la Russie sur l’OTAN et les USA, la terrible ‘all-out nuclear strategic war’, avec riposte massive US, et la Fin de Tout. C’est vers ce genre d’extrémités que conduisent simulacres et narrative.
Si l’on se tourne vers Washington D.C. et la lettre des parlementaires au président Biden, et les pressions pour modifier l’autorité gérant la décision d’employer du nucléaire, se pose cette question : ce nucléaire de basse intensité, scrupuleusement décrit comme ‘non-dissuasif’ (ne faisant pas partie de la dissuasion) dépend-il pour son emploi de la plus haute autorité, – que ce soit le président-seul, ou une éventuelle formule rénovée, le président et d’autres autorités rassemblées en un groupe ? C’est à ce point, bien entendu, que les deux sujets abordés ici se trouvent irrésistiblement intégrés et confrontés.
L’on comprend aisément qu’il y a plusieurs points à traiter dans ce cas, essentiellement à propos de la proposition faite à Biden de modifier l’autorité de l’autorisation du tir nucléaire à Washington D.C., par rapport à cette situation de l’OTAN vs la Russie à la limite stratégique de l’Europe du Nord-Est (si vous mettez la Russie hors de l’Europe stratégique, comme c’est le cas du fait de l’OTAN et des pays de l’UE) ; c’est-à-dire, là où se trouve actuellement le plus grand danger d’une possible confrontation montant à la situation tragique de l’emploi du nucléaire.
• D’abord, l’aspect opérationnel de la situation (Europe du Nord-Est) : qu’est-ce que signifie cette affirmation suggérée, plutôt que doctrinalement fixée, selon laquelle les armes nucléaire ‘de terrain’ et ‘à basse intensité’ n’entreraient pas dans la logique de la dissuasion ? (Curieuse affirmation : pour décider de ce qui est dissuasif ou qui ne l’est pas dans le jeu des armes nucléaires, il faut être deux, – les deux adversaires. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Russes rejettent catégoriquement cette idée.) Cette affirmation signifie-t-elle que la décision d’emploi de ces armes nucléaires ne requiert pas, du côté US puisque c’est le seul acteur concerné, une approbation spécifique de la plus haute autorité, l’autorité suprême ? Pas de réponse, donc premier élément de désordre dans la chronologie de nos remarques.
• Question d’autant plus délicate si, à Washington, règne le flou quant à l’autorité suprême. Au flou de la situation opérationnelle de la signification de l’emploi de cette arme, s’ajoute le flou de cette autorité suprême : désordre poursuivi, désordre renforcé et multiplié.
• On voit par les circonstances diverses ainsi exposées combien cette poussée lancée par les députés démocrates pour une révision complète du processus de décision d’emploi de l’arme nucléaire par les États-Unis joue un rôle important dans la situation générale. Elle joue un rôle tout à fait important du fait que, selon nous, elle ne porte pas, comme suggéré, sur les précédents de certains présidents (dont Trump-le-démon, tout particulièrement), mais bien sur les capacités cognitives de Biden. Elle implique également une démarche tendant à priver le chef de l’exécutif d’une partie de ses moyens d’action et surtout de sa stature et de son autorité, aussi bien politiques que symboliques. Comme signalé plus haut, il ne fait pour nous aucun doute que la proposition porte sur Biden et non sur Trump, et d’une façon générale sur la concurrence des pouvoirs : la faiblesse considérable de Biden conduisant nombre de parlementaires à l’idée qu’il faut en profiter pour renforcer le pouvoir législatif en affaiblissant celui de l’exécutif, – d’où cette proposition que le choix du président seul pourrait être remplacé par un triumvirat où il y aurait, par exemple, le Speaker de la Chambre (POTUS, VP, Speaker).
• Bien entendu, cette proposition, bien dans le cadre de l’actuel climat washingtonien, rencontre ce que l’on a toujours défini comme proche d’une quasi-impossibilité totale. Il s’agit du fait, reconnu d’un point de vue classique, psychologique et de légitimité, que toute décision importante et à prendre très rapidement, engageant l’existence même d’une nation, ne peut dépendre que d’une seule autorité, qui est l’autorité suprême. Outre les aspects pratiques de réunir un nombre donné de personnes pour ce qui sera nécessairement un débat, dans une occurrence qui se compte en minutes, il y a tout le poids de la légitimité suprême de la seule personne censée représenter l’entièreté d’une nation, sinon son destin le plus haut. La proposition entre alors dans une jungle d’interrogations sans réponse satisfaisante ; comme celle-ci par exemple : que se passe-t-il si une des x-personnes participant au groupe décisionnaire n’est pas d’accord avec le reste ? Une personne (le POTUS en l’occurrence) dispose-t-il d’un droit de veto pour débloquer une situation (ce qui nous fait revenir à la case-départ du président-seul à choisir) ? Etc.
Dans cette situation générale, on peut envisager une réduction radicale du rôle de la dissuasion, par exemple si la Russie estime que son ‘partenaire’ américaniste est trop instable pour qu’on lui reconnaisse la capacité d’une position de raison et de sagesse dans la décision d’emploi ou non. Les Russes ont déjà largement expliqué que la situation aux USA les inquiétait, non pas essentiellement en raison de l’orientation politique, ou du président, ou de ce qu’on veut au niveau politique, mais essentiellement en raison de l’instabilité qui installe une totale imprévisibilité... Bref, “le désordre, encore le désordre, toujours le désordre”.
La dissuasion, qui est un facteur qui a toujours existé dans les situations de rapport des forces, mais d’une façon souple et variable, est devenue, avec l’arme nucléaire, un facteur fondamental, extrêmement précis et structuré, avec des situations proches de l’instantanéité. Installée pendant la Guerre Froide, la dissuasion (‘nucléaire’ dans ce cas) était faite non pas pour assurer une supériorité mais pour éviter absolument un conflit nucléaire. Elle impliquait une entente tacite, voire une communication directe (le “téléphone rouge” à partir de 1963) entre les deux partenaires stratégiques nucléaires à l’échelle globale, les USA et l’URSS. D’une façon générale, on peut que dire qu’elle a effectivement fonctionné, essentiellement parce qu’existait réellement cette “entente tacite”.
On doit constater que ce n’est plus le cas. Le climat détestable existant entre la Russie et les USA (l’OTAN, le bloc-BAO), l’antirussisme exacerbé du bloc-BAO, ridiculisent l’argument d’une entente tacite sur le nucléaire, dans tous les cas envisageables. Considérée ‘rationnellement’, c’est une situation effrayante. Mais s’agit-il d’une situation qu’on peut juger ‘rationnellement’ ? Il y a aussi l’argument de la folie, ou ‘démence-désordre’, qui peut changer la donne et produire des situations inédites et très exotiques.
On a déjà vu des exemples du désordre très-grand régnant aux USA à cet égard, développé par la situation politique que l’on connaît, et qui ne fait que s’aggraver. A ce point, l’attitude des chefs militaires joue son rôle, dans le sens d’un emploi comme dans celui d’un non-emploi, et ce rôle serait sans doute compliqué s’il y avait une décision par plusieurs autorités devant se mettre d’accord, plutôt que par le seul président. Pour se convaincre de ce caractère, étrange pour ceux qui sont habitués à un certain ordre des choses, on peut rappeler l’audition le 17 novembre 2017 au Congrès du général Kehler, sortant à cette époque du commandement du Strategic Command qui est en charge de tous les armements nucléaires stratégiques des USA, à propos des menaces d’emploi du nucléaire lancées par Trump contre la Corée du Nord :
« Le Général Kehler a déclaré qu’en tant qu’officier général commandant SratCom, il aurait été prêt à refuser un ordre d’activer des missions stratégiques nucléaires s’il avait considéré cet ordre comme “illégal”. Il précise qu’il avait d’ailleurs, littéralement “sous la main”, des experts juridiques qui l’eussent aidé à déterminer l’illégalité de la chose ; là-dessus, il reconnaît l’extraordinaire difficulté de cette tâche de reconnaissance de “l’illégalité de l’ordre” puisque cet ordre viendrait par définition du seul homme qui dispose de la légitimité de donner un tel ordre (le président). »
Le tableau devient donc extrêmement complexe et quelque peu surréaliste, marqué par la quasi-démence du climat politique aux USA, les oppositions de personnes et d’idéologies, etc. Il est possible de penser, si l’on veut ne pas être trop abruptement catastrophiste, que ce désordre avec la multitude d’acteurs impliqués, devienne un frein à l’emploi du nucléaire, aussi efficace que la dissuasion. C’est une possibilité, comme il y a la possibilité inverse du désordre favorisant des décisions d’emploi d’autorités subalternes ; mais, après tout, même au temps de la rigide dissuasion de la Guerre Froide, cette possibilité a existé, d’après ce que l’on sait du rôle vis-à-vis des présidents successifs, surtout Kennedy, du Général LeMay, commandant le SAC puis chef d’état-major de l’USAF, décidé à tout faire pour tenter de déclencher une guerre d’anéantissement de l’URSS à lui seul.
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