La division radicale au sein de l’UE et le rôle de Washington

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Le sommet de l’UE, lorsqu’il se décante et est décripté peu à peu, après avoir brisé la gangue de l’extraordinaire propagande anglo-saxonne (presse britannique “neocon”, dont l’influence terroriste est disproportionnellement considérable), montre des lignes claires d’opposition et des forces claires d’interférence extérieure (influence US). Deux déclarations donnent une idée de ce constat.

• D’une part, des déclarations du ministre allemand des affaires étrangères Steinmeier (SPD), le leader de l’aile favorable au dialogue et au compromis avec Moscou dans le gouvernement allemand. Ses déclarations, reproduits pas Novosti le 2 septembre, sont très nettes.

«Les Vingt-Sept réaffirment la nécessité du dialogue avec la Russie, a déclaré lundi le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, lors d'une conférence de presse retransmise par la chaîne de télévision allemande Phoenix à l'issue du sommet de l'UE à Bruxelles. “Quelle que soit l'idée que les pays membres de l'UE se font des relations à long terme avec la Russie, la plupart d'entre eux ont prôné la poursuite du dialogue”, a-t-il souligné.

»Selon M. Steinmeier, les dirigeants des trois pays membres de l'UE qui avaient proposé des sanctions ont fini par comprendre qu'on ne pourrait pas régler la crise en Géorgie sans Moscou. “Je suppose que les résultats d'aujourd'hui n'ont pas été une surprise pour la Russie”, a-t-il ajouté, interrogé sur l'éventuelle réaction de Moscou.»

• L’ambassadeur russe à l’OTAN, Dimitri Rogozine, a clairement mis en cause le rôle de relais effectif et direct, c’est-à-dire sur instructions, des USA dans le comportement de certains pays de l’UE au sommet. La chose n’est pas étonnante mais il y a ici le mérite de la clarté, alors que la position générale de la Russie après le sommet a été très modérée, voire favorable. Voici le passage, repris de CNN.News le 2 septembre:

«Meanwhile, Russia's NATO envoy, Dmitry Rogozin, accused the United States of pushing Poland and the ex-Soviet Baltic states to demand tougher sanctions against Russia, AP reported.

»“It is clear who the losing side is: the policy pursued by the Polish president and his Baltic co-thinkers, Rogozin was quoted by Interfax. They acted as “the advocates of Washington's line to undermine pan-European cooperation,” he was quoted as saying.»

Il n’y a dans tout cela rien de bien nouveau mais il est intéressant que tout cela soit dit publiquement, à un niveau officiel élevé. Dans un sens, les deux déclarations se complètent pour mettre en évidence le rôle destructeur d’une minorité de pays, partisans de la confrontation à tout prix, et qui sont directement manipulés par les réseaux d’influence de Washington (non opterions en effet beaucoup plus pour des “réseaux d’influence” que pour l’action des services officiels, parce que c’est là la structure de l’influence US en Europe de l’Est et que ces réseaux sont beaucoup plus activistes, attentifs et informés que les services officiels). Les déclarations de Steinmeier et de Rogozine, lorsqu’elles sont confrontés, montrent que la Pologne et les pays baltes sont les pays en pointe, les pays les plus imprudemment visibles dans cette attaque. D’autres indications montrent que des pays de l’Est comme la Tchéquie et la Hongrie ont tenu un rôle plus modéré que celui qu’on pouvait attendre, ce qui pose un problème intéressant en général, et sur le point particulier des liens entre Pologne et Tchéquie (le réseau anti-missiles BMDE dans ces deux pays). (Le rôle du Royaume-Uni est un classique du genre: soutien aux extrémistes mais sans s'impliquer directement. Toujours deux fers au feu.)

Une remarque de Steinmeier suggère très fortement qu’il existe des consultations secrètes entre l’aile marchante à l'UE du compromis avec la Russie et la Russie elle-même. Interrogé sur la réaction de Moscou, il déclare : «Je suppose que les résultats d'aujourd'hui n'ont pas été une surprise pour la Russie», ce qui suppose effectivement des consultations informelles. Cette “aile”, qui comprend l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et la Finlande (soutenue nettement par d’autres comme la Belgique, l’Autriche, etc.) avait probablement informé la Russie de l’orientation qu’elle comptait donner au sommet.

La bataille au sein de l’UE commence à se déployer et à apparaître au grand jour, dans cette troisième phase qui a pour l’instant abandonné la tactique des lamentations humanitaristes et des menaces de la deuxième phase, qui enfermait l’Europe dans une logique de confrontation. Le sommet de l’UE a éclairci la situation des antagonismes et des oppositions.


Mis en ligne le 3 septembre 2008 à 08H38