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22 avril 2004 — L’aventure irakienne des Etats-Unis qui, il y a un an, était saluée dans la fièvre d’une victoire bien rapidement acquise, se dissout dans un désordre que les critiques les plus radicaux de cette aventure n’imaginaient pas. Ce qui est désormais remarquable est la rapidité des événements sur le plan politique :
• Le plan des événements eux-mêmes où, en un mois, les Américains ont réussi à déclencher des mouvements politiques d’une profondeur et d’une puissance inattendues. Le plus important à cet égard est sans aucun doute l’apparition d’un nationalisme irakien, avec le rapprochement entre sunnites et chiites. (Lisez à ce propos le texte plein d’une ironie amère de Mona Eltahawy, « Why the Arab world can thank Bush », dans The International Herald Tribune du 21 avril. Sur l’émergence du nationalisme en Irak, le texte de William Pfaff, « New nationalism that unites Iraq », publié dans The Observer du 12 avril est une référence nécessaire.)
• Le plan politique extérieur, avec le vacillement de la “coalition” qui ne cesse de s’affirmer au gré des événements. Un peu partout, nous avons des signes de cette situation, comme les déclarations du Premier ministre thaïlandais annonçant que les soldats thaïlandais seraient retirés s’ils sont attaqués ( « We are giving priority to the safety of the soldiers. Once our soldiers are attacked, or being harmed, we will take them back. We are there to help. But if our soldiers are getting killed why should we continue to stay? »).
• Un point important dans la situation de la coalition concerne l’hésitation désormais affichée de la Pologne, membre important des points de vue symbolique et politique (notamment à cause des répercussions de cette position polonaise sur les relations Europe-USA). Reuters signale ceci :
« Poland said on Wednesday it was reviewing its position in Iraq but would not pull its troops out suddenly or without Washington's approval.
» “We cannot turn a blind eye to the fact that Spain and others are leaving,” Prime Minister Leszek Miller, who stands down on May 2, told a news conference. “I cannot say when we will leave (Iraq), but I'm sure the new prime minister will say something more precise.”
» He said his successor Marek Belka would map out a strategy for the troops in his first policy speech next month. »
• Un autre aspect important est la position de la Turquie, dont il fut question en septembre-octobre dernier qu’elle participe à la coalition, et qui ne le fit pas à cause de la maladresse américaine. Les Turcs ont récemment à nouveau indiqué leur position, cette fois pour repousser toute idée de déploiement. Il est intéressant de voir que, dans leurs commentaires, les dirigeants turcs n’hésitent pas à mettre en cause l’aspect culturel du comportement américain, comme une des causes essentielles de la dégradation de la situation.
« During the autumn of 2003, Turkey agreed to send 10,000 troops to Iraq to help promote stabilization. (…) At the last moment, however, the deployment plans fell apart, mainly because of opposition from members of Iraq’s provisional governing council, in particular its Kurdish members. At the time, the United States supported the decision to cancel the deployment, citing “Iraqi sensitivities.”
» In recent weeks, some Bush administration backers have suggested reviving the Turkish deployment plan. However, Turkish Foreign Minister Abdullah Gul acted swiftly to shoot down any hopes that Turkish troops would be sent to Iraq. “We previously proposed sending troops to tackle the spreading [violence in Iraq],” Gul told reporters in Ankara on April 8. ”We received parliamentary approval for deployment, but this was at the time [in late 2003] seen as inappropriate. Now, sending Turkish troops is out of the question.”
» During a state visit to Japan, Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan confirmed Gul’s statement, adding that Turkey’s military role regarding Iraq would be limited to making Turkish bases available to US forces. In his comments to reporters, Gul implied that an American lack of understanding of socio-political conditions in Iraq was a contributing factor in the violence. “We have said from the beginning that things may get messy if the culture and the structure of the region were not well known,” Gul said. ”For this reason, we hope our suggestions, which we have been making from the start, are taken into consideration.” »
Ces divers événements illustrent la dégradation du cadre politique de la crise irakienne, à côté de la situation elle-même. Le fait caractéristique est l’incapacité américaine d’arrêter ces processus.
Le cas de la “coalition” est intéressant : le retrait espagnol offrait un mauvais précédent, mais qui pouvait encore être contenu à cause des conditions particulières de la décision, sans rapport direct avec la situation sur le terrain ; la réaffirmation de son engagement par l’Italie pouvait contrecarrer les effets négatifs de la décision espagnole. Il était vital pour les Américains de bloquer toute hémorragie de ce côté. Ils ont complètement échoué, sans doute par inattention et désintérêt, et les hésitations et les défections se poursuivent. Les événements y sont certes pour beaucoup, mais il y a surtout, et c’est le fait politique important, la dégradation désormais accélérée de la capacité d’influence des Etats-Unis. Voir la Pologne envisager un possible retrait est complètement significatif, quand on sait les liens de ce pays avec les USA, sa position nouvelle dans l’OTAN et ainsi de suite. La crise irakienne commence à faire sentir ses effets politiques, et ils sont redoutables.