La fable de Moby Dick et des deux joints en contre-solde

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Imaginez-vous un monde où un fournisseur, qui a un petit peu besoin de quelques liquidités pour sa trésorerie, il faut le comprendre, peut s’imaginer pouvoir facturer son client deux joints (deux petites rondelles de caoutchouc ou en métal) de 19 cents chacun, pour $998.798, – pourquoi ce “798”, d’ailleurs? Pourquoi pas $998.800? – il y a une certaine honnêteté de la précision dans la fantasque et abracadabrantesque extorsion toute en douceur de fonds. Le texte de Govexec.com. du 27 février dit effectivement: «The owners' final act before being caught was charging $998,798 to ship two flat washers worth 19 cents each…»

Le texte rapporte en quelques lignes certains détails, remarques et réflexions d’un témoignage à la Chambre des Représentants de l’Inspector General (IG) du Pentagone, Gordon Heddell. On a déjà entendu de ces “horror stories” du Pentagone sur les gaspillages par complète inattention, maladresse, ignorance, incohérence, incompétence, aveuglement, etc., éventuellement corruption et autres malices. Cette fois, en quelques mots, la tableau dressé est à la mesure de la catastrophe qui menace le Pentagone. Le bordel régnant chez Moby Dick est tel que ce sont les fournisseurs eux-mêmes qui sont chargés de suivre et de gérer l’application des contrats qui les lient au Pentagone, donc d’observer avec attention si eux-mêmes violent les engagements contractuels qui leur sont imposés.

Heddell «also described how private contractors were given control of a program to provide encrypted “common access cards” to military facilities – including classified spaces – and gave cards to their employees without proof of background security checks. Some of the employees were improperly identified as government workers and thousands of cards were never recovered when work ended, he said.

»The inspector general also noted, as other witnesses have in the subcommittee's two previous hearings on contracting, that a reduced acquisition and contracting work force was unable to handle a surge in contracts from $154 billion in fiscal 2001 to $390 billion last year. That required the armed services frequently to use contractors to manage contracts, violating the ban on outsourcing “inherently governmental functions.”

»Rep. James Moran, D-Va., who has led the contracting hearings in place of Defense Appropriations Chairman John Murtha, D-Pa., said the military is paying more for contracted services than it spends on personnel pay and benefits. Moran questioned Heddell about the finding that the Marine program official failed to determine fair prices for the Mine Resistant, Ambush Protected vehicles rushed to Iraq. Although there was a competition among five firms, Heddell said, the Marines did not determine how much it cost to produce the vehicles and appeared to treat them the same, even though prices ranged from $306,000 to $1 million per vehicle. Heddell also said the contracting officer never attempted to get a volume discount for the MRAPs, even though one contract was for more than 1,500 vehicles.»

Derrière l’anecdotique, il y a la substance. Nous prenons, autant par information que par intuition quant à l’état d’esprit, la mesure stupéfiante de l’absence totale de contrôle des processus d’acquisition du Pentagone, l’irresponsabilité régnant à tous les échelons, en un mot le désordre complet qui caractérise aujourd’hui Moby Dick et garantit l’échec total de toute tentative de réforme si une action radicale, voire révolutionnaire n’est pas entreprise. Nous ne sommes pas loin d’une situation qui nécessiterait une “révolution culturelle” à-la-Mao, ou bien l’arrêt de toutes les opérations comptables et de gestion du Pentagone (par exemple l’idée de Wheeler d’une suspension de fonctionnement pour un audit), pour tenter d’y voir plus clair.

Dans ces quelques lignes, on a aussi la conformation que la “privatisation” du DoD (l’appel aux contractants privés) a eu des effets dévastateurs, en élargissant encore le champ du désordre, en donnant des pouvoirs et des responsabilités à des personnes et des organisations totalement hors du champ de contrôle des services publics. Le Pentagone est aujourd’hui un monstre, une espèce d’énorme nébuleuse à la fois complètement pourrie, bouffée par les termites, paralysée par la graisse et sur le point d’exploser, dans la tuyauterie de laquelle on déverse une manne sans fin ni contrôle de $milliards, sans le moindre souci de l’usage, une sorte de “Money Toilet (“chiotte à fric”, encore mieux après tout que “pompe à fric”) comme le désigne le journaliste John Zmirak le 27 février.


Mis en ligne le 2 mars 2009 à 12H38

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