La faiblesse du “plan Brown”: Obama est plus “européen” que lui

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On sait que la principale ambition de Brown en rencontrant Obama, c’était de convaincre le président US d’adopter ses arguments, son plan de “sauveur du mode”, son “Global New Deal” pour pouvoir former un “front anglo-saxon” qui mènerait le G20 à la baguette et restaurerait l’“ordre anglo-saxon” après, disons, l’“incident de parcours” du 15 septembre 2008. L’affaire est ambitieuse, bien dans la manière des certitudes inoxydables et arrogantes des Britannique, — ou des illusions britanniques. Le problème est qu’il semble qu’Obama, qui apparaît comme d'esprit plus “européen” que “transatlantique“ à cet égard, ne fasse pas partie du plan. Dans tous les cas, il n'en est pas partie prenante pour l'instant et, certainement, d’après ce qu’on peut en juger des échos autour de la rencontre, il y a assez peu de chances qu’il y vienne.

Un éditorial du Guardian, du 3 mars, après la rencontre Obama-Brown, nous donne d’intéressantes précisions là-dessus. Rappelant que Brown est le principal partisan de l’argument selon lequel le protectionnisme est la grande sinon unique cause de la Grande Dépression, et donc chose qu’il faut éviter comme la peste, l’éditorial poursuit:

«Repetition is not the only thing that makes this argument tired. It is also false. However much Mr Brown may attack it, the protectionist Smoot-Hawley tariff of 1930 did not cause the Great Depression - economists lay more of the blame on the gold standard or the Federal Reserve's many botches. In this case, the prime minister is drawing the wrong lesson from the 1930s. Nor has he learned from this economic crisis. While it is undoubtedly convenient for politicians and journalists to blame the financial meltdown on the greed of Sir Fred Goodwin and his colleagues in the City, that cannot be the whole cause of a massive worldwide crisis. No, as the financier George Soros argues, "the crisis was generated by the [market] system itself". Ruling politicians - not least Mr Brown - let inherently unstable markets rip, whipping obstacles such as heavy-handed regulation out of their way. The result is all around us now, and still the prime minister proclaims his creed of untrammelled markets. This is partly because of his political vintage: Mr Brown came of political age when leftists either side of the Atlantic were making peace with markets. Expecting the prime minister to change is a bit like expecting a fan of Pink Floyd to dump them for the Arctic Monkeys.

»Unsurprisingly, Mr Brown's arguments have not struck a chord with the younger resident of the White House. But there is more to this than a generation gap. The new scepticism about the benefits of letting markets rule takes three parts. For a start, the president is concerned about the environment, which stands to be harmed by endless expansion of trade. Second, the gains from globalisation in rich countries have often accrued to those at the top of the pile, while manufacturing workers and others have been left behind. Gordon Brown's tenure as chancellor was a gilded age for the City, while nearly one in three manufacturing jobs were lost. Mr Obama is keenly aware of this rise in inequality - as are some former cheerleaders for globalisation such as Nobel laureate Paul Krugman. Finally, there is a problem of legitimacy: capital has gone global even while governance remains largely national. Mr Brown has long understood the need to reform the G7 and other multilateral institutions to give greater weight to poor countries - but his response to the other points is weak.»

Pour l’instant, il semble que l’attitude d’Obama vis-à-vis du G20 est sur la réserve. Plutôt qu’un “front anglo-saxon”, il serait tenté de laisser la “direction coordinatrice” du G20 aux Anglais, mais simplement parce qu’ils sont les hôtes; cela ne préjuge évidemment en rien de ce qui se passera à ce sommet, comme dans la préparation d’ici là. Il y a notamment les possibilités que les USA chercheraient à avoir une position plus prépondérante, qu'ils chercheraient d'autres alliances que celle des Britanniques, etc.

Il apparaît que les lignes de fracture entre Brown et Obama portent notamment, et essentiellement sur l’appréciation de la globalisation. Brown pense qu’elle a rencontré un accident et que certaines mesures complémentaires suffiront à réparer la chose, sans rien entamer de sa substance. Notamment et essentiellement, le libre-échange reste le catéchisme, plus que jamais. Obama aurait une vision assez différente. Sa critique de la globalisation serait plus structurelle, concernerait, au moins en partie, la substance de la chose.

Un point extrêmement important, sur lequel nous reviendrons, est la présence dans ces réflexions, comme priorité presque à égalité de la lutte contre la crise, de la lutte contre le saccage de l’environnement, dans le cadre de la lutte contre la crise climatique. C’est paradoxalement Brown qui en fait sa promotion (dans l'aspect lutte contre le réchauffement climatique), mais sans réaliser ou en dissimulant le rapport contradictoire entre les deux priorités. Au contraire, semble-t-il, Obama mettrait en évidence ce rapport contradictoire; il observerait que le libre-échange, en laissant les échanges se faire d’une manière massive et sans règlements, y compris éventuellement de protection contre ces échanges, participe fortement à la dégradation de l’environnement et aggrave le réchauffement climatique. Si l’on veut lutter contre cette dégradation, il faut nécessairement envisager des mesures contraignant et contrôlant sérieusement le libre-échange, éventuellement avec des mesures de protection contre lui.

Aujourd’hui, Brown fait un discours devant le Congrès où il mettra en garde contre le protectionnisme. D’une certaine façon, cela permet à Obama de s’éviter un tel discours, qui répond aux impératifs de la diabolisation du conformisme international, pour se ménager plus de souplesse vis-à-vis de la question du protectionnisme, – qu’on peut étiqueter, pour ne pas choquer l’intolérance de notre époque postmoderne, “protection” ou “fair-trade” (terme favori de nombre de démocrates).


Mis en ligne le 04 mars 2009 à 09H52