La formule Lind : Trump-Sanders, puis l'insurrection

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La formule Lind : Trump-Sanders, puis l'insurrection

Nous avons, notamment et particulièrement aux USA où la faction antiSystème comprend plus qu’aucune autre les enjeux de la bataille en cours, quelque auteurs favoris dont nous importent peu les horizons politiques que la pensée-Système définit avec des concepts vieux de plus d’un siècle, pourvu qu’aucun d’entre ces concepts ne les aveugle ni n’enchaîne leurs esprits. C’est dire que ces “auteurs favoris” doivent être libres de l’empire du Système, ce qui n’étonnera personne. Ainsi en est-il de William S. Lind, grand théoricien de la G4G, dont nous commentions très récemment encore un de ses textes.

Cette fois, Lind inaugure dans la rubrique qui lui est allouées sur le site Traditional Right une nouvelle série de commentaires consacrés aux présidentielles US de 2016. Il s’agit donc d’une plume de qualité de plus qui nous avertit que cette élection de 2016 est exceptionnelle en tous points, rejoignant ainsi notre analyse constante à cet égard selon laquelle il s’agit désormais de la manifestation crisique en cours la plus fondamentale. Pendant que l’Europe a l’impression de lutter pour sa survie, – dans tous les cas la survie de ce monstrueux Orque-Mordor qu’est l’UE, – face à des attentats provenant de groupes terroristes que toute la politique, l’argent, l’armement, la narrative, l’hallucination collective des dirigeants-Système du bloc-BAO dont l’Europe est partie prenante certes, ont créés quasiment de toutes pièces, l’avenir de la Crise Centrale d’effondrement du Système se joue bien dans cette élection présidentielle.

Lind ouvre et justifie cette rubrique spécifique de son blog (baptisé The Election) au motif qu’il n’y a pas eu, pour la politique extérieure US courante, d’élections plus importante depuis 1952, lorsque les républicains choisirent pour candidat Eisenhower contre le sénateur de l’Ohio William Taft, le chef de file des isolationnistes, un “paléo-conservateur” comme l’on dirait aujourd’hui, adversaire de cette politique de grande puissance expansionniste et à prétention hégémonique dont nous subissons aujourd’hui les effets catastrophiques. Lind fait partie de ceux qui jugent que Trump, avec son programme de politique extérieure qui commence à se préciser, représente la plus formidable tentative de rupture de cette politique depuis effectivement ce gros demi-siècle et retrouve la grande tendance classique de la politique US que représenta le sénateur Taft.

(Les dernières précisions à cet égard vont effectivement dans ce sens. On peut luire notamment l’article de RedAlert Politic, du 22 mars 2016 : « Donald Trump reveals foreign policy: More Ron Paul than George W. Bush ». L’article porte sur l’intervention de Trump lors d’une intervention au Washington Post le 21 mars, et il est souligné d’un tweet de Justin Raimondo, “paléo-conservateur”, isolationniste et libertarien fameux : « Okay, I'm waiting for the “libertarians” to think up reasons for not cheering Trump's "unabashedly non-interventionist foreign policy. »)

Ce qui est remarquable dans l’analyse de William S. Lind, c’est qu’il fait ressortir une formule à laquelle on avait déjà songé et qui semblait devenue impossible en raison des aléas de la campagne électorale, notamment la montée vers l’extrême d’une campagne menée contre Trump, de dénigrement et de haine, avec des groupes de provocateurs organisés, et basée sur les automatismes terroristes du Système auxquels la gauche succombe en général irrésistiblement (“fascisme”, “xénophobie”, etc.). Il s’agit de la fameuse formule de l’alliance des antiSystème Sanders et Trump, dont nous avons toujours pensé qu’elle constituait la véritable formule de déstructuration du Système. Cette idée a été évoquée dans des circonstances diverses, sous des formes diverses et le plus souvent sous la forme d’une “Fantasy” sans beaucoup de consistance et hors de tout sérieux-Système... Mais, dans les circonstances présentes, le mot “sérieux” s’accorde-t-il encore avec cette monstruosité en plein délire et déliquescence qu’est le Système ?

Ainsi raisonne Lind : Trump n’obtiendra pas l’investiture du parti républicain, même s’il arrive largement en tête, au-delà de la majorité absolue qui lui donnerait automatiquement la nomination selon l’actuel règlement. Lind prévoit une manipulation massive de la direction républicaine, et l’apparition, sortie comme un lapin d’un chapeau, d’une désignation-surprise. Il cite le nom de Paul Ryan, actuel Speaker (président de la Chambre des Représentants) et parfait jeune homme-Système présentant bien et dont on espère beaucoup du charme de sa jeunesse. Côté démocrate, Hillary fait évidemment l’affaire. C’est alors que Lind introduit l’hypothèse d’une candidature indépendante, faite de l’association de Trump et de Sanders, dont il juge qu’ils sont assez proches du point de vue de la politique étrangère. Lind conditionne cette association à l’abandon par Sanders de sa “culture marxiste”, ce qu’il juge « ne pas être si improbable qu’il y paraît ».

Mais le scénario-Lind ne s’arrête pas là. Pour lui, un ticket Trump-Sanders obtiendrait la majorité en voix mais l’élection serait dans l’impasse au niveau des Grands Electeurs, qui est le véritable vote désignant le président. Un des deux candidats-Système (Ryan ou Clinton) pourrait se désister en donnant à ses Grands Electeurs la consigne de voter pour l’autre. Si cela n’avait pas lieu, ce qui est très possible en raison des haines existant à l’intérieur de l’establishment, ce serait à la Chambre des Représentants de désigner le président, qui serait nécessairement un candidat-Système. Alors, occasion perdue ? Lind n’a pas l’air de le penser : « Mais lorsqu’on sera arrivé au bout du processus, tout aura été mis à nu et l’électeur aura pu voir que la démocratie américaine n’est qu’une vaste fraude. Tout ce qui compte pour l’establishment, c’est l’establishment et le reste peut aller au diable. Avec cette révélation, la légitimité de l’entièreté du système politique américain se sera effondré. »

On notera que c’est une constante chez ceux des commentateurs envisageant une non-désignation d’un Trump des primaires et ses conséquences... Bien entendu, seuls des commentateurs hors-Système et antiSystème s’aventurent d’ailleurs  dans les eaux dangereuses de telles prévisions : pour eux, cette non-désignation ne constituerait pas un enterrement de la candidature Trump ou de la poussée antiSystème, mais au contraire le signal d’évènements beaucoup plus graves, et ces évènements étant bienvenus sinon nécessaires...

Ce que Lind suggère sans trop le préciser, c’est évidemment des évènements s’apparentant à des troubles civils graves suivant le processus qu’il décrit et qui serait mené à son terme. Justin Raimondo a lui aussi émis l’avis que Trump ne serait pas désigné par le parti républicain même s’il l’emportait en nombre de délégués. Et  il concluait dans l’article cité par nous le 15 mars : « En un sens, [la non-désignation de Trump] serait la meilleure issue que l’on puisse espérer : en bloquant frauduleusement la nomination de Trump, les élites délégitimeront non seulement le parti républicain mais aussi toutes les illusions concernant le processus électoral et la “démocratie” américaine. Les gens réaliseront à quel point le jeu est faussé, – et c’est à ce moment que nos dirigeants un peu trop imprudents commenceront à découvrir qu’ils se trouvent face à de très graves difficultés. »

C’est  une constante de l’évolution du jugement que cette montée constante aux extrêmes. De plus en plus, l’appréciation antiSystème est bien qu’une candidature républicaine de Trump est non seulement difficilement concevable à cause des résistances de l’establishment, mais qu’elle est finalement assez peu souhaitable. Quelle que soit la formule envisagée, – celle de Raimondo ou celle de Lind, – le sentiment antiSystème est de plus en plus qu’il importe que le processus électoral sorte complètement des rails du Système, que le ou les candidats antiSystème sortent de ces règles pour devenir les candidats d’une véritable insurrection.

Le texte de Lind est publié le 19 mars 2016 et porte le titre de la nouvelle rubrique que développera cet auteur.

 

dedefensa.org

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The Election

Why have we launched this column series? Because 2016 is shaping up to be the most important election since 1952. In 1952, the east coast Establishment engineered the nomination of General Dwight D. Eisenhower in place of the man who should have gotten it, Ohio Senator Robert A. Taft.

Taft was a real conservative. He opposed America playing the great power game, because he knew that game would endanger liberties here at home and also in time lead to national bankruptcy. By depriving him of the nomination, the Establishment set us on the course of world empire, a trillion-dollar-a-year military (that usually loses) and a vast federal deficit and debt. Taft was right, and his book, A Foreign Policy for Americans, is still worth reading.

2016 promises to be as important as 1952 because the course of the campaign thus far, with Donald Trump leading in the fight for the Republican nomination and Bernie Sanders repeatedly embarrassing the Wicked Witch of the North, reveals the real political fault line. That fault line is not Republicans vs. Democrats or conservatives vs. liberals but anti-establishment vs. establishment. In both parties, people are rebelling against failed policies that are repeated over and over regardless of which wing of the Establishment party, Republican or Democrat, is in power. The Establishment represents more stupid wars that kill our kids, more giving Wall Street whatever it wants at the expense of Main Street, and more stinking political correctness, which is really cultural Marxism. The public has had it with all three, and it is supporting presidential candidates who represent rejecting it. (As a socialist, Sanders accepts cultural Marxism, but he may be the best candidate on foreign policy and defense.)

Trump and Sanders represent a political earthquake, an earthquake that is also shaking Europe where anti-Establishment parties and movements are also surging. This is democracy, real democracy, and the Establishment is terrified by it. Its definition of democracy is elections where the only choice is between them and them. God forbid the people can actually vote for someone who believes what they do.

In the end, I do not expect either Trump or Sanders get nominated, much as I would like to see both head their respective parties (giving us a choice, not an echo). The Republican Establishment will manipulate the convention rules to deny Trump the nomination; I predict they will nominate Paul Ryan, a fresh, telegenic face who is wholly Establishment. The blacks will give Hillary the Democratic nomination, which is appropriate since the Democrats have become the party by, of, and for blacks. White Democrats appear to be voting heavily for Sanders, but in most states the blacks will overwhelm them.

My hope is that Trump and Sanders will then join on an independent Trump/Sanders ticket. If Bernie could get over his cultural Marxism, that would not be so unlikely as it first sounds. They appear close on foreign policy, both rejecting more involvement in Fourth Generation wars overseas. Both question what we get for our trillion dollar annual spending on the Pentagon, which is now 0-4 against Fourth Generation opponents. (Hillary, in contrast, was the main architect of our disastrous intervention in Libya.) Trump sometimes sounds as if he shares some of Sanders’ belief that the rest of the country should not be sacrificed to Wall Street. Politically, any time you can sandwich the Establishment between left and right, you can win big.

A Trump-Sanders ticket might win a plurality of votes. In the Electoral College, one of the two Establishment winners might withdraw and instruct his electors to vote for the other. If that did not happen, the election would be decided by the House of Representatives, which would of course give the presidency to a representative of the Establishment.

But when that happened, the curtain would be rent and every voter would see that American democracy is a fraud. All that matters to the Establishment is that it remains the Establishment, the public be damned. With that revelation the legitimacy of the whole American political system would collapse.

 

Michael S. Lind