La France, l’OTAN et les USA: des voies sans divertissement

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Si l’on assemble trois composants, – la France, l’OTAN et les USA, – qui, à eux trois, définissent deux des orientations les plus controversées du président Sarkozy, – le retour dans l’OTAN et des relations d’“allié fidèle” mais soi-disant critique des USA qui auraient pu après tout donner des avantages politiques sans rien compromettre d’essentiel, on découvre deux situations plutôt embarrassantes où l’on ne trouve nul avantage et une paralysie sur l’essentiel. Il y a eu, ces derniers jours, des prolongements publics, ou semi-publics, sur deux dossiers qui caractérisent ces relations, côté embarrassants.

• Relations avec les USA, côté Mistral (à vendre par les Français à la Russie). Malgré tout ce qu’a pu produire de rassurant et de souriant le dîner Sarko-Obama du 30 mars, il y a eu, le 31 mars 2010 (Novosti), des prolongements sur les déclarations de James Steinberg, du département d’Etat, sur la vente du Mistral.

«Les Etats-Unis souhaitent examiner avec la France les termes et les conséquences éventuelles de la vente à Moscou d'un bâtiment de projection et de commandement (BPC) de classe Mistral, a déclaré le secrétaire d'Etat adjoint américain James Steinberg, cité par la BBC.

»Le président Barack Obama a attiré l'attention sur cette question afin d'envisager son impact sur la stabilité régionale, a indiqué le diplomate qui a proposé de se pencher sur cette transaction non seulement avec les Français mais aussi avec d'autres partenaires de l'OTAN.»

• Relations avec l’OTAN (à côté des relations avec les USA), avec une rencontre Morin-Rasmussen (ministre français de la défense et secrétaire général de l’OTAN). Diverses questions dont celle des anti-missiles de l’OTAN. (Ne pas confondre avec le réseau US? Qui lo sa? Personne ne peut répondre à cette question qui suppose un minimum d’ordre dans l’esprit.) D’après Reuters, le 31 mars 2010.

«French Defence Minister Herve Morin on Wednesday expressed doubts over a NATO push for costly missile systems to defend against states such as Iran, pointing to tight military budgets. NATO Secretary-General Anders Fogh Rasmussen, a vocal proponent of missile defence, met Morin to discuss issues from the war in Afghanistan to the future of the military alliance.

»While Rasmussen said he hoped NATO states would make a decision on missile defence at a summit in November, Morin countered that European forces sometimes lacked even basic equipment such as helicopters “Given the cost of a missile defence system and given limited defence budgets, my deeper concern is that missile defence would come at the expense of the military capacity of Europeans, which is already often a European weakness,” Morin said in a joint news conference.»

Notre commentaire

@PAYANT Que voilà donc deux dossiers embarrassants, surtout lorsqu’on s’appelle Sarkozy, qu’on essaie de redresser une position politique ridiculement basse en France, jusqu’à la dissolution de facto du président. Sarko choisit des rencontres qui dépendent du système de communication, où seuls comptent le sourire et l’absence de substance, alors qu’on a sur les bras des affaires qui pèsent leurs poids politiques. Justement, les deux dossiers embarrassants qu’on évoque sont bourrés de substance et si Sarko croit les expédier avec des sourires; il serait charitable d’observer qu’il peut toujours sourire tant la démarche est jusqu’ici dérisoire. Dans les deux cas, il faudra trancher, – et trancher, aujourd’hui, on ne sait plus.

• Sur le Mistral, les Américains n’ont pas de plan préconçu sinon l’habituelle poussée du système, avec le Pentagone utilisant ses relais du département d’Etat (Steinberg), présentant des propositions grotesques revenant quasiment à soumettre la vente à l’accord des USA et de l’OTAN. Aucun sous-ministre français n’a, semble-t-il, proposé aux Américains de discuter conjointement le traité START-II, passé directement entre Russes et Américains, alors que ce traité, lorsqu’il est couplé à l’affaire des anti-missiles comme le veulent les Russes, va très vite concerner la force nucléaire française. Dans cette affaire du Mistral qui devrait déjà être expédiée et bouclée s’il y avait un gramme de résolution chez les Français, ce qui compte n’est pas ce qu’Obama a pu dire à Sarko le 30 mars, s’il lui a dit quelque chose, mais ce que Steinberg a déclaré à deux reprises à Londres. Espérons que les Français n'y prêteront pas trop attention.

• Sur les anti-missiles, les Français ont le poil hérissé à l’idée d’un système OTAN, qui est chiffré à $10 milliards (quel rapport avec le système US? Pas de réponse, on l’a vu). A la réunion des ministres de la défense d’Istanbul, en février, Morin avait glissé, entre poire et fromage et une discussion interminable sur l’Afghanistan, qu’il serait temps de s’interroger sérieusement sur cette affaire des anti-missiles, qui prend des proportions gargantuesques et incontrôlables, dont la validité est à démontrer, etc. On a vu qu’il a répété ce peu d’enthousiasme français à Rasmussen; lequel Rasmussen tient à son projet, si possible en y embarquant les Russes, de façon à donner à l’OTAN une raison supplémentaire de survivre sans qu’on sache bien la raison principale justifiant la survie de l’OTAN.

Dans tout cela, la confusion règne. Les Français ne sont pas en reste. Avec un président à la dérive, la politique de sécurité nationale française, proclamée indépendante, dérive sans véritable direction sinon l’orientation générale qu’elle est habituée à suivre mais qu’elle ne parvient nullement à concrétiser. Après avoir affirmé qu’on vendait le Mistral, on laisse dire qu’on veut bien vendre le Mistral mais plutôt désarmé (sans équipements technologiques sensibles), ce qui relève de la galéjade. Les Russes ne répondent pas, sinon en disant qu’ils achèteront un Mistral tel qu’il est, et pas une coquille vide. Personne, à Paris, n’a songé à dire à Steinberg que l’affaire Mistral est une affaire bilatérale franco-russe, comme le traité START-II et les anti-missiles US en Europe sont également des affaires bilatérales. La politique française est à l’image de son président au rabais, – une politique au rabais. Rien de net, rien de précis, rien de sérieux. Si Sarko pense que cela est compensé par un dîner aux chandelles avec Obama, c’est donc bien que cette créature du système de la communication se prépare une délicate campagne présidentielle, – car, sur ce sujet des pérégrinations du Mistral et de la surveillance US, personne ne manquera de l’aligner, – pour autant qu’il y ait effectivement campagne présidentielle pour lui.

Sur le réseau anti-missiles, même politique inconsistante, laissant dire qu’on n’est pas vraiment pour, sans autre prise de position, avec surtout des arguments de comptables ($10 milliards, c’est bien trop cher! Mais qui, en France, dans les milieux officiels, nous a dit clairement ce qu’il fallait penser de ce réseau du point de vue politique et stratégique?). L’humeur bougonne mais prudemment discrète comme politique n’est ni la recette de la gloire, ni celle de l’intelligence. Il serait temps que, dans cette affaire qui dure depuis huit ans, – réseau US ou réseau OTAN, même soupe immangeable, – la France se décide à affirmer une position précise. Pas du tout, elle louvoie, en toute indépendance, comme si l’installation en Europe d’une telle machinerie politico-militaire, fondée sur une politique de communication fondamentalement belliciste et américaniste, ne la concernait pas…

La politique sarkozyste dans le domaine de la sécurité européenne est une étrange entreprise qui semble avoir horreur de la substance, comme la nature a horreur du vide. La France a toutes les cartes en mains en Europe, vis-à-vis des Russes et vis-à-vis des Britanniques, les seules puissances qui comptent dans le domaine de la sécurité, et deux puissances qui en ont assez des hauts et des bas américanistes, de la politique américaniste conduite par la seule logique d’un système incontrôlable. Et c’est aux Américains, comme s’il existait une politique américaine digne de ce nom, que son gouvernement s’adresse. C’est l’intelligence française dans ses moments les plus caractéristiques, ceux de la caricature pure, avec un “pouvoir fort” réduit à une débâcle du système de la communication, avec des sondages où ce président élu sur l’idée de la popularité plutôt que sur les idées pour construire une popularité vient enfin de passer le plancher des 30% (28% de popularité).

Depuis la brillante présidence européenne de Sarko (juillet-décembre 2008) qui semble aujourd'hui comme un oasis dans le désert, les Français ne cessent de tout faire pour ne rien faire dans ce domaine. Ce n’est pas une question de politique mais une question bâclée d’énergie à la dérive, ce n’est pas une affaire de conception mais une affaire ratée de communication aux abois. Le domaine nous offre les limites pathétiques de ces personnages élus par le système de la communication, ayant répudié par avance, et d’ailleurs par méconnaissance et ignorance c’est selon, les encombrantes nécessités de développer une pensée politique selon les lignes historiques de force et d’harmonie des pays à la tête desquels ce même système de communication les a placés. Dans toutes les actions de la France dans ce domaine de la sécurité européenne, on sent des esquisses qui vont naturellement dans le bon sens, puisque la politique naturelle de la France a assez de force pour désigner ce qui est le “bon sens” à suivre, – et puis, rien ne vient… Le mal pourrait être ramené à l’expression wallonne souvent employée dans la province de Liège, savoureuse à souhait : «Ji voux, ji n’poux», – dont on comprend aisément le sens qui a à voir avec l’énergie de la psychologie: “Je voudrais bien mais je ne peux pas”. La chose marque des ambitions louables mais un peu trop élevées, pour un personnage qui a eu des vues trop hautes pour lui, d’ailleurs plus appuyées sur sa vanité propre à propos de ce qu’il pouvait apporter de neuf à une entreprise commune dont les grands traits ont été depuis longtemps tracés par l’Histoire.

D’une façon peut-être paradoxale, nous ne verrions pas pour autant la France basculer dans la soumission, parce que les structures psychologiques installées par de Gaulle ne le permettent pas et parce que le parti d’“en face” est aussi médiocre que l’actuelle direction française. Tout cela est dominé par l’influence conceptuelle presque humaine, ou bien surhumaine dans ce cas, mais dans le domaine de l’impuissance et de la stérilité, d’un système aux abois qui nous écrase tous mais qui n’est plus capable d’engendrer que ces créatures falotes et notablement solubles puisque très rapidement dissoutes dans l’exercice du pouvoir. Le résultat est donc la paralysie dans l’attente du pire qui, au point où nous sommes, pourrait se révéler un mieux.


Mis en ligne le 2 avril 2010 à 09H19