La French touch

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La French touch


24 février 2003 — Il est significatif, d’abord, sans autre référence, de lire comme titre d’une chronique paraissant sur un site américain comme Antiwar.com, la simple exclamation, en français dans le texte : « Vive la France ! » L’auteur est Justin Raimundo, libertarien, isolationniste, évidemment opposant à l’équipe GW. Il est significatif de lire d’autres articles qui prennent également une approche autre que celle de l’insulte et du mensonge pour examiner le cas français, — comme l’article de Robert Lane Green, que nous présentons en même temps que celui de Raimundo, et celui de Charles Krauthammer (pourtant néo-conservateur bon teint).

Ci-après, nous rappelons ce passage où Krauthammer donne son appréciation du rôle de la France aujourd’hui  :


« With the end of the Soviet threat, everything changed. A unipolar system emerged with the United States dominant and unchallenged. The Iraq crisis has provided France an opportunity to create the first coherent challenge to that dominance -- and to give France a unique position as leader of that challenge. Last Friday at the Security Council was the high water mark. France stood at the head of an impressive opposition bloc -- Germany, Russia, China, perhaps seven other members of the council and dozens of other smaller countries -- challenging American policy and, implicitly, American hegemony.

» The world has not become bipolar. But we have just witnessed the first serious breach of the post-Cold War unipolarity -- engineered not, as many expected, by Russia or China, but by France. France is reaching to become not only the leading power in Europe (hence the pique with those pesky Eastern Europeans) but also the leader of a new pole of world power opposite the American ''hyperpower.'' »


Il est également significatif de lire, dans la lettre d’information hebdomadaire du 22 février du Weekly Standard, organe porte-étendard du néo-conservatisme, l’analyse de la semaine politique de Fred Barnes, — analyse sans aucun doute discutable, mais là n’est pas le propos. C'est une confirmation a contrario de ce que nous voulons montrer.

Barnes résume la situation de la crise mondiale en annonçant que la France a subi des revers cette semaine. Cela est dit, effectivement, comme si le sort du monde se réglait entre ces deux nations.

Voici le passage concerné :


« A bad week for France

» It was a mixed week for America, but a bad week for France. NATO defied the French and voted to send defensive weapons to Turkey. The European Union urged Iraq to disarm immediately, a message far stronger than France wanted. Now the story shifts to the U.N. Security Council, where a British-American resolution saying Iraq hasn't disarmed and must face ''serious consequences'' now will be on the table. Assuming no veto by France, nine votes are needed for passage. Four are on board: America, Britain, Spain, and Bulgaria. And five are targets of opportunity: Chile, Mexico, Guinea, Angola, and Cameroon. A lobbying war is underway. If the resolution passes, war will follow, probably in mid-March. If it fails, war will follow anyway, thanks to the courage and persistence of President Bush and Prime Minister Tony Blair of England. »


Un autre aspect doit être signalé, sur lequel nous reviendrons quant à sa signification sur le fond, que nous nous contentons ici d’apprécier pour ce qu’il signale de la perception américaine de la France  : avec son intervention dans la crise irakienne, la France est perçue, par certains Américains, comme intervenant dans les problèmes intérieurs américains. C’est un aspect certainement très important, très significatif, tant la psychologie isolationniste US (l’aspect inward-looking de cette psychologie) conduit même des “dissidents” US du système à ignorer des actions de pays étrangers opposés à ce même système. Désormais, la France fait mentir cette règle.

Citons le cas Michael Moore, réalisateur du documentaire Bowling for Colombine, qui, lors de la cérémonie de remise des Césars (il a obtenu un César pour son film) le 22 février à Paris, remercia la France pour « l’aide qu’elle apportait à des dizaines de millions d’Américains » en lutte contre la guerre. C’est le cas, ici, de Justin Raimundo, avec la première phrase de sa chronique, que nous citons ci-après. (Il est intéressant de noter que nous retrouvons les deux hommes aux deux extrêmes du spectre de la dissidence américaine : Moore à l’extrême-gauche, Raimundo à l’extrême-droite)


Justin Raimundo : « Two-hundred and twenty-five years ago, the French were instrumental in aiding the American revolutionaries in their fight against the British Empire. Today, they are once again playing a key role in aiding American fighters against another sort of Empire – this time, one based in Washington, D.C. »


Ainsi, en l’espace d’un gros mois de campagne anti-France intensive, depuis le 20 janvier (annonce par Dominique de Villepin de la possibilité d’un veto par la France), une réaction a été imposée par les événements, sans la moindre action de relations publiques des Français pour contrecarrer cette poussée hostile (la chose ayant pu être envisagée par les autorités françaises). La “grande politique” française parle d’elle-même.

Pour toute une catégorie de commentateurs, seule a été conservée de cette campagne anti-France l’importance ainsi impliquée de ce pays, et cette importance a été reconnue pour définir le rôle de la France. Aujourd’hui, la France est perçue comme l’acteur principal face aux États-Unis, par les Américains eux-mêmes. La France commence donc à exister dans cette période, de la seule façon qu’elle peut le faire efficacement et tout à son avantage : en s’affirmant différente, voire à certains moments antagoniste des USA, au point que certains l’apprécient comme étant la seule force capable de mettre en question la domination américaine (l’édito de Krauthammer, tout à fait frappant à cet égard répétons-le, avec à l’esprit la personnalité du chroniqueur et ses engagements).