La fureur discrète de Ambrose Evans-Pritchard

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Ambrose Evans-Pritchard, l’un des commentateurs financiers et économiques de la place de Londres les plus écoutés, est furieux même si la chose est discrète. On le comprend à lire son dernier commentaire, «The global economy is at the point of maximum danger », dans le Daily Telegraph du 21 juillet. Si ce commentaire est une revue générale de la situation financière et économique du monde, dans le sens qu’on devine puisque la comparaison est faite avec l’été de 1931 qui précède la plongée dans la Grande Dépression, il est manifeste qu’il est plutôt écrit pour s'adresser aux actuels dirigeants politico-économiques du système. Cette remarque nous éclaire sur l'humeur du chroniqueur à cet égard: «No world leader seems able to discern the problem, let alone forge a solution.»

«It feels like the summer of 1931. The world's two biggest financial institutions have had a heart attack. The global currency system is breaking down. The policy doctrines that got us into this mess are bankrupt. No world leader seems able to discern the problem, let alone forge a solution.

»The International Monetary Fund has abdicated into schizophrenia. It has upgraded its 2008 world forecast from 3.7pc to 4.1pc growth, whilst warning of a “chance of a global récession”. Plainly, the IMF cannot or will not offer any useful insights.

»Its “mean-reversion” model misses the entire point of this crisis, which is that central banks have pushed debt to fatal levels by holding interest too low for a generation, and now the chickens have come home to roost. True ''mean-reversion'' would imply debt deflation on such a scale that would, if abrupt, threaten democracy.»

Evans-Pritchard passe donc en revue l’état du monde et nous fait part de ses prévisions. Il voit la crise frapper toutes les parties du monde. Il détaille les péripéties du drame. Il met en évidence la position difficile de l’Europe, la crise terrible qui frappe d’ores et déjà l’Espagne. Cette description générale semble, effectivement, surtout faite pour tenter d’alerte les dirigeants du système dont il ne manque pas, au passage, de critiquer les actions qu’ils ont déjà entreprises; le FMI du Français Strauss-Kahn, comme on le lit, autant que la Fed de Bernanke. («The awful reality is that Washington has its back to the wall. Fed chief Ben Bernanke thought the US could always get out of trouble by monetary stimulus “à outrance”, and letting the dollar slide. He has learned that the world is a more complicated place.»)

Nous importe moins le détail prospectif de la crise qu’effectivement la position des directions politico-économiques. Il y a une semaine, le monde s’écroulait en même temps que les jumeaux Fannie & Freddie. Aujourd’hui, tout semble rentré dans l’ordre, oublié, si même cela a jamais existé, au profit de l’enthousiasme du jour, – cette fois pour le candidat démocrate Obama, institué président des USA quatre mois avant terme par acclamations du monde entier. Nous sommes peut-être à l’été 1931 pour ce qui est des matières économiques et financières, mais certes pas pour la psychologie. A l’été 1931, les dirigeants politico-économiques se rendaient compte du développement de la crise, même si les mesures qu’ils prirent ou ne prirent pas peuvent être jugées, rétrospectivement, inutiles, inefficaces ou inappropriées. Aujourd’hui où plusieurs mondes cohabitent, il semble qu’on puisse quitter à volonté celui de Fannie & Freddie quand, vraiment, ce monde-là devient trop accablant à supporter.

…Par conséquent, la prévision que fait Evans-Pritchard sonne plutôt comme le tocsin. Evidemment, tout, dans la conclusion ci-dessous, se trouve dans ce “Should our leaders...”. Si les dirigeants politico-économiques se comportent comme ils se sont comportés jusque là, – et pourquoi changeraient-ils, lorsqu’ils semblent si satisfaits d’eux-mêmes? – “alors, nous avons un problème”, – et nous l'identifions parfaitement.

«If we are lucky, America will start to stabilise before Asia goes down. Should our leaders mismanage affairs, almost every part of the global system will go down together. Then we are in trouble.»


Mis en ligne le 23 juillet 2008 à 16H46