La Géorgie agite déjà nos théoriciens et nos experts de l'armement

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On dit dans les milieux proches de l’OTAN que la réunion des ministres de la défense des pays de l’OTAN, les 18 et 19 septembre à Londres, devrait prendre une orientation nouvelle par rapport aux prévisions initiales qui cantonnaient cette réunion à un débat d’idées. La crise géorgienne et l’intervention russe sont passées par là.

L’évolution possible serait qu’on pourrait plutôt commencer à se tourner, ou en tout cas débattre de la possibilité de se tourner vers un travail de defense planning, un nouvel effort de planification portant sur l’évolution des forces dans les pays de l’OTAN dans la perspective de développer une infrastructure de forces conventionnelles. Déjà, certaines remarques se font entendre dans les différentes réunions des commissions et sous-commissions de l’OTAN, selon lesquelles on a “sacrifié un peu vite les chars aux techniques et aux équipements de contre-guérilla”. Un grand effort révisionniste se profile à l’horizon, où l’on retrouverait les conceptions traditionnelles sur les forces, avec une organisation et des équipements correspondant plus aux concepts de la guerre conventionnelle. Certains, y compris du côté US, semblent même remettre en cause la sacro-sainte Revolution in Military Affair (RMA) des années 1990, qui met l’accent sur la centralisation et le contrôle centralisé des opérations par les communications. (Tout cela, le principe du besoin de nouvelles [ex-dépassées mais qu'importe] formes de forces militaires, ne déplaît pas, on l’a déjà noté, au complexe militaro-industriel d’outre-Atlantique. Pas de surprise.)

D’une façon assez paradoxale du point de vue technique (mais pas du tout surprenante du point de vue des événements), c’est le type d’action de la Russie, utilisant des procédures et des équipements qui paraîtraient dépassés selon les conceptions américanistes, mais qui s’avèrent efficaces sur le terrain, qui exercerait son influence sur les esprits experts de l’OTAN. Le problème est qu’il faut bien situer et mesurer l’action de la Russie. Elle s’est faite dans un cadre politique, avec une tactique politique générale, où l’emploi de la force a été accordé à des buts politiques manœuvriers, – dont l’un était d’ailleurs de faire une ““démonstration de force” à l’attention de tous, – ce qui semble avoir marché. C’est cette manipulation politique de l’aspect opérationnel par les Russes qui constitue la principale caractéristique de l’affaire géorgienne, encore plus que la résurgence éventuelle d’un paradigme concernant une résurrection de la guerre conventionnelle.

Pour le fond du problème, qui reviendrait à une perspective nouvelle de “réarmement” dans le sens conventionnel de la chose, il faut d’abord mesurer ce qu’est la situation actuelle. Les pays de l’OTAN sont extraordinairement limités en effectifs et en capacités opérationnelles générales, comme le montre la situation en Afghanistan et la difficulté d’extorquer un contingent de quelques centaines de soldats à l’un ou l’autre pays. (En Europe même, très fortement dégarnie, la situation est nécessairement bien pire.) Un mouvement de “réarmement” demanderait un effort budgétaire que personne n’est capable de faire et que personne n’envisage pour l’instant. En fait, pour qu’il puisse être conséquent de manière à représenter une force conséquente face à la Russie, un tel effort implique une perspective conduisant inexorablement à la question de la conscription (le même problème se pose aux USA d’une façon générale, même hors des circonstances de la crise géorgienne, et McCain a évoqué cette possibilité de la conscription dans un de ses divers discours). Il s’agit d’une perspective peu engageante, à bien des égards, – mentionnons déjà ce seul point, qui vaut son pesant d'impopularité: qui dit conscription dit débat public, puisqu’il s’agit éventuellement d’imposer à la population certaines contraintes de service dans les armées; qui dit débat public dit débat sur la politique occidentale en cours. C’est peut-être démocratique mais ce n’est pas enthousiasmant pour nos directions politiques, lorsqu’on mesure la popularité de leur politique dans les sondages. Bref, les experts s’agitent mais les dirigeants politiques devraient préférer regarder ailleurs, dans tous les cas pour l’instant.


Mis en ligne le 1er septembre 2008 à 17H02