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27113 avril 2010 — Comme nos lecteurs ne l’ignorent pas, nous avons connu beaucoup d’ennuis ces deux derniers mois, dont nous tentons avec difficultés de nous relever. Dans ce contexte incertain, nous avions décidé de repousser la mise en ligne de la suite de l’essai métahistorique de Philippe Grasset, La grâce de l’Histoire, que nous avions préparée pour la fin du mois de février. C’est une mesure dont nous ne cachons nullement qu’elle avait trait à la diffusion du livre. Les ennuis survenus à notre système d’abonnement et d’achat impliquaient qu’une nouvelle publication dans ces conditions donneraient de bien piètres résultats.
Souci mercantile, jugeront certains. Peut-être, après tout, et considérant que “le souci mercantile”, dans ce cas, n’est qu’un souci utilitaire pour aller vers un un but qui nous tient à cœur: assurer la diffusion la plus large possible de ce livre, d’abord par le canal de ce site. Cette démarche est vitale. Nous avons certes un arrangement avec un éditeur ami pour la publication en tant que telle du livre, mais cela résulte de liens qui n’ont rien à voir avec les réseaux habituels de l’édition et cela implique une position solide de notre côté, avant d’éditer le livre dont nous serons effectivement co-éditeur. Nul n’ignore que, dans ces réseaux, La grâce de l’Histoire aurait toutes les raisons et les arguments du système contre elle, et qu’elle ne survivrait, ou plutôt qu’elle ne naîtrait qu’à la suite d’un concours de circonstances heureux et sans doute si difficile à susciter qu’une fausse couche serait l’issue le plus probable. Notre “souci mercantile” est, de ce point de vue, un aspect de notre démarche pour conserver notre liberté.
Cela nous conduit à l’observation que la première livraison en domaine payant de La grâce, celle du qui était accompagnée pour la première fois de l’offre d’achat, n’a pas donné, comme nous l’espérions, les résultats attendus. C’est une rengaine, cette sorte de remarque, dont nous pensons qu’elle doit être lassante pour le lecteur, et qui n’est pas vraiment agréable à fredonner pour notre compte. Nous redirons simplement notre constante stupéfaction qui accompagne notre expérience actuelle dans les divers domaines, devant le contraste entre les affirmations innombrables de la révolte nécessaire qu’on trouve dans les divers réseaux alternatifs, et l’extrême pusillanimité qu’on constate lorsqu’il s’agit de passer à des actes dont l’effet évident, même si le moyen est mercantile, est d’aider à l’affirmation d’une liberté et d’une résistance qui est nécessairement commune à nous tous. Ignorer les secondes au nom de l’argument du premier, c’est confondre le moyen et le but; c’est ignorer le sens de la démarche pour ne s’attacher qu’à la forme de la démarche; bref, c’est faire indirectement œuvre de nihilisme et répondre, à sa façon mais positivement, au diktat du système.
Donc, voici la deuxième livraison avec partie en domaine payant de La grâce, la troisième en comptant l’introduction qui était hors du domaine payant. Nous espérons bien qu’elle sera l’occasion de réunir un nombre important de souscripteurs, ce qui n’a certainement pas été le cas pour la précédente. Ils rejoindront nos “happy few”, ceux qui ont souscrit dès la première livraison payante, ceux-là qui nous sont particulièrement chers pour la confiance qu’ils nous ont témoignée à la première sollicitation.
Cette Deuxième Partie de La grâce, intitulée Le “rêve américain” et vice-versa, s’attache à la fondation, au fondement des relations entre la France et les USA, ce qui permet d’une façon générale de mieux définir l’événement central (l’un des trois qui nous importent dans notre “thèse”) que fut la Révolution américaine. Mais cette définition des relations entre la France et l’Amérique est la nôtre, pas celle des établissements universitaires du système transatlantique.
Encore plus que l’Amérique, c’est-à-dire largement plus que les USA avec les USA en son cœur, c’est le phénomène du “rêve américain” qui nous attache, et la part absolument fondamentale, sinon exclusive au départ, que la France prit dans sa formation. Décrire la France comme un pays anti-américain dès l’origine, comme le firent récemment certains auteurs parce que l’alignement de la France sur le système américaniste n’était pas impeccable dans les temps les plus récents, est risible et dérisoire, et fort bien rétribué. Anti-américaniste, la France, certainement, mais certainement pas anti-américaine. C’est même l’occasion d’en déterminer une opposition: qui est pro-américain comme fut la France à l’origine, est promis nécessairement, dans sa propre évolution, à devenir anti-américaniste, tant le système de l’américanisme est la trahison des illusions américaines de l’origine.
Observer cela n’est pas pour autant applaudir aux “illusions américaines” de l’origine car, malheureusement, ces illusions portent en elles, quoiqu’elles en veuillent, une grande partie du poison qui nourrira le système de l’américanisme. Le domaine est par excellence celui des paradoxes, des ambiguïtés et des contradictions. Mais nous avons au moins une graduation des responsabilités et une observation des processus qui portent des enseignements. L’étude sérieuse de la situation dans cette époque et jusqu’à la Grande Guerre, notamment à la lumière du formidable travail que fit René Rémond en 1962 (Les Etats-Unis devant l’opinion française, 1815-1852, Armand Collin, Paris, 1962) et, plus récemment, celui de Michel Crouzet (Stendhal et l’Amérique, éditions de Fallois, Paris, 2008), permet de substantiver une interprétation extrêmement riche des relations entre la France et les USA, des origines des USA jusqu’à la Grande Guerre, avant la période qui suivit (notre “1919-1933”, qui sera la Troisième Partie de l’ouvrage), qui consacre la rupture entre l’attitude pro-américaine originelle de la France et l’Amérique définitivement transformée en un système de l’américanisme. C’est d’ailleurs à cette époque (en 1931) qu’est sociologiquement créé, aux USA, le concept d’American Dream, qui est l’antithèse presque parfaite du premier, le “rêve américain” essentiellement activé et enrichi par les Français, entre leur aide à la Révolution américaine à partir de 1776, et leur appréciation de la formation de l’Amérique à partir de 1815.
Bien entendu, il ne s’agit là que d’un élément de la réflexion contenue dans cette partie de La grâce de l’Histoire. Ces observations des relations entre la France et les USA sont intégrées dans le cadre plus large de la question de la modernité, et la situation de chacun de ces deux acteurs par rapport à elle, dans les conditions où nous les décrivons. La France comme matrice paradoxale de la modernité (et indirectement de l’Amérique de ce point de vue), de plus en plus intriguée, puis inquiète, puis angoissée, devant la créature dont elle a accouchée en partie, qui se dessine sous la notion de “modernité”. Déjà perçoit-elle, la France, dès la première partie de ce XIXème siècle, les grondements de cette dynamique puissante qui s’est levée avec la “deuxième civilisation occidentale”, cette dynamique justifiant qu’effectivement on parle d’une “deuxième civilisation”. L’Amérique comme cadre évident de développement de la modernité, où elle relaiera l’Allemagne l’heure venue, développant un système avec toute la puissance dont elle est capable; mais l’Amérique également soumise à des interrogations inquiètes puis angoissées, dans ses marges les plus significatives comme sont les “artistes” en général, notamment une puissante catégorie d’écrivains devenant naturellement des “dissidents” du système.
Bien entendu, on n'aura pas été sans remarquer qu'un texte de notre nouvelle rubrique DIALOGUES, mis en ligne ce même 3 avril 2010, présente la “thèse” complète qui est développée dans La grâce de l'Histoire. Sa lecture complète utilement ce qui est écrit ci-dessus, et, bien entendu, la lecture en général de La grâce de l'Histoire.