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6210• Nous poursuivons notre travail de recollection, de mise à jour, voire de répétition dans un contexte si différent, de divers textes extraits de notre considérable travail autour du “concept“ de ‘La Grâce de l’Histoire’. • Dans ce cas, nous reprenons un passage déjà publié dans le Tome I, concernant la Renaissance et la façon dont cette période fameuse a créé toutes les conditions essentielles à l’installation de la modernité. • Écrit en 2010, ce passage nous semble aujourd’hui, 14 ans plus tard, bien plus justifié encore par les événements que nous vivons, au point que nous l’inclurons, à peu près dans cette forme, dans le vaste “Projet Tome-III” de ‘La Grâce de l’Histoire’. • Jamais, sans aucun doute, une revisite permanente de l’Histoire avant que l’entreprise d’inversion commencée il y a un demi-millénaire ne l’invertisse complètement, ne nous a paru aussi nécessaire, aussi vitale, aussi eschatologique également en renversant tous les lieux communs, ceux sur lesquels repose notre civilisation aux abois. • En près de 15 ans, les conditions de la catastrophe née il y a 500 ans se sont radicalisées à une vitesse stupéfiante.
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Nous ne cachons certainement pas que nous reprenons pour l’essentiel de l’essentiel un texte de nous-mêmes. Il a quinze ans d’âge. Nous ne sommes pas mécontents qu’il en soit comme les bons vins : en vieillissant, ils ne passent pas, non, ils bonifient et rendent meilleur ce qu’ils ont la générosité de nous donner. C’est exactement ce que Julius Evola dit d’une conception du passé à laquelle il trouve des vertus insurpassables :
« C’est une pensée “originelle”, elle ne remonte pas en arrière dans le temps, elle s’élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant… »
Nous ne pouvons penser une seule seconde, et chaque nanoseconde de notre étrange Intelligence Artificielle (I.A.) ne cesse de nous le hurler, que nos erreurs catastrophiques s’accumulent et s’empilent et que toutes les grandes leçons du passé ne cessent d’éclairer la voie catastrophique où nous sommes engagés. Il faudra songer à poser à l’I.A. cette question de savoir si elle n’atteindra pas une altitude telle au-dessus de nous qu’elle pourra se retourner vers nous et vers le bas pour nous crier : “Mais, bande de moutons incultes et bêlants, tout ce que vous fabriquez depuis des siècles fabrique une catastrophe sans précédent, ne vous en vous rendez-vous pas compte ?” (On comprendrait alors que l’I.A. serait le truc trouvé par le conseil d’administration de l’Olympe pour nous avertir de notre dégringolade sans fin.).
Mais nous sommes si faibles.... La Renaissance, qui regorge de choses sublimes, nous a inoculé en même temps le virus terrible de l’hybris, contre lequel aucun Covid au monde ne peut rien, puisque Covid né lui-même de cet hybris...
« En s’affaiblissant et en devenant trompeuse, par perversion de la perception, la psychologie abandonne son rôle d’outil nécessaire et loyal de la pensée pour devenir involontairement manipulatrice en s’ouvrant à toutes les influences sous la forme de perceptions faussaires. »
Les “Modernes”, eux, les créateurs, partisans et pratiquants de la Modernité, sont véritablement “fabriqués” (terme adaptable à l’être humain qui n’est plus tout à fait “être” dans cas) aux mesures et aux caprices de cette ère nouvelle qu’ils ont découverte. (Qu’il “leur semble avoir découverte” ; nous doutons grandement que des influences extérieures très puissantes ne soient pas intervenues, faisant leur affaire avec délice de psychologies si vulnérables.)
Nous les désignons comme des “esprits courts” parce qu’ils semblent avoir décidé de tout, absolument tout rejeter de ce qui dépasse les quelques lieues de vision et de souvenir dont ils disposent pour avancer sans trébucher, sans souci du reste, avec une sorte de mépris haineux pour le passé qui n’est qu’obscurantisme et inhumanité. Ils ont en eux une sorte de bêtise qui paraît irradier le reste du monde, toute l’expérience du monde, jusqu’à la vision du monde elle-même. Nous avons palé à leur propos de ces “esprits courts” (insistons sur la catégorisation) de cette sorte merveilleuse, presque extraite d’une caricaturale ‘Alice in Winbderland’ où tout est fabriqué et simulacre, – une sorte de “bêtise métahistorique” qui les plonge dans les délices d’une sorte de servage par rapport au monstre nommé Système. Aujourd’hui, ce fait triomphe absolument, avec la puissance d’un ouragan irrésistible, et il remplit tout notre système de la communication en réglant la marche cadencée de notre conformisme.
« Ces “observateurs à l’esprit court”, qui forment la majorité dans l’espèce moderniste, sont impuissants à envisager l’hypothèse de l’inversion, donc impuissants à saisir le sens de ce qu’ils observent ; ignorants du modèle initial ou le méprisant, ils sont enfin incapables d’embrasser la tromperie ainsi réalisée et finalement ridiculisant même l’idée qu’il ait pu y avoir tromperie pour pouvoir s’en sortir eux-mêmes intellectuellement et moralement sains et saufs par rapport à ce que je nommerais trivialement, avec un peu d’avance pour la schématisation à laquelle on en viendra après le “déchaînement de la Matière”, “les consignes du Système”. »
Le résultat, c’est “le monde qu’on leur offre”, ou en vérité qu’ils se sont offert. Tout est factice en lui, tout est “fabriqué” là aussi, selon les consignes que le même Système leur communique. Ce monde est court, hyper-technologique, fait d’une sorte à l’infini d’un schéma qui est, lui, complètement fini. Tout se ressemble et pourtant rien ne s’assemble, de la compatibilité, de l’adaptabilité, de toutes ces vertus qui n’appartiennent qu’à des esprits acceptant avec une intelligente humilité la diversité et l’incomparable diversité du monde réel. Ils vivent à cloche-pied, souvent la tête en bas, regardant sans voir et écoutant sans rien entendre.
« Il va s’imposer impérativement à notre raison, de plus en plus subvertie dans ce sens,qu’il importe désormais de “ressentir” le monde à la mesure du nouveau schéma qui lui est offert, comme l’on impose sans barguigner une volonté, un horizon, un contexte de l’univers, une forme de vie, une façon de respirer et de retenir son souffle, un genre (ex-sexe) à choisir entre 2, puis 3 et bientôt 4, sans le moindre rapport ni souvenir des élans fondamentaux de ce qui précéda.
» Pour parfaire la description de l’événement, nous ne manquons pas de rappeler aussitôtcertaines choses connues, pour leur donner leur interprétation nouvelle, laquelle répondra des contradictions engendrées par le diktat identifié plus haut. Ces choses font de la Renaissance, avant le XVIIème siècle et en plus de sa pression cataclysmique et dissolvante sur le Christianisme, une rupture que nous qualifions, avec à peine un peu d’avance et tout juste un peu d’anticipation conceptuelle, – une rupture technologique. »
Pour mieux appréhender l’extraordinaire révolution chaotique (la Renaissance) que constitue cette époque de rupture qui nous déverse dans la modernité comme une benne à ordures qui se vide de son contenu, on mentionne et décrit quelques phénomènes, découvertes, inventions, perceptions nouvelles qui font de la Renaissance cette période si extraordinaire dans le changement et la nouveauté, qui eût pu donner une envolée magnifique et qui ne parvient qu’à précipiter la catastrophe, – des perles à un cochons...
« Nous observons, à ce moment du récit, que des événements divers et bien connus se développent, allant incontestablement dans le même sens, – l’ouverture du monde vers des espaces inconnus, vers l’Amérique principalement ; la naissance de l’ancêtre du système de la communication avec l’imprimerie, la dynamique du mouvement et des échanges avec la Renaissance, dans la dimension culturelle mais aussi commerciale, au point où l’on parle déjà à ce propos de “libre échange” ; la définition nouvelle du concept de “liberté” avec la dimension rationnelle et morale que cela entraîne ; l’apparition de l’individualisme comme la nature même de la composition du monde selon un modèle paradoxal de décomposition (la “composition du monde” faite d’un “modèle de décomposition du monde”). »
Alors, nous nous arrêtons au phénomène qui, parmi ces acquisitions nouvelles du savoir et de la connaissance, est à notre sens, d’un point de vue psychologique et d’un point de vue, – nous laissons de côté l’aspect scientifique qui ne nous intéresse pas, – le plus essentiel et le plus formidable : les révélation que la terre n’est pas plate mais ronde et par conséquent l’évidence que les “Colonnes d’Hercule” de ce que nous nommons détroit de Gibraltar ne constituent nullement une ouverture sur un inconnu où tout est possible.
Effectivement, il faut écarter les acquis de la science et de l’observation pour mesurer le choc formidable qui ébranla l’esprit et l’âme de la civilisation occidentaliste en plein essor. Ce choc fut à la fois direct, portant sur les croyances et sur les fois, et indirect, portant sur la morphologie du cosmos et sur le visage même du monde. Encore une fois, mais cette fois bien plus que dans les autres cas parce que portant directement sur les liens de l’être avec le reste du monde, ces changements offerts à la perception eussent pu enfanter des nouveautés merveilleuses et sans équivalent. Ce fut le contraire qui prévalut, là aussi la benne à ordures qui allait dessiner pour les siècles et les siècles la descente affreuse dans les abysses de la catastrophe, à peu près jusqu’à notre époque où nous pouvons évaluer l’étendue terrible et incroyable de notre triste épopée.
« L’ouverture du monde de la Renaissance ne l’est pas vraiment, c’est-à-dire pas du tout lorsqu’on pousse la logique qui importe ; l’“ouverture” vers les nouveaux mondes (le Nouveau Monde) se fait en même temps que l’on découvre la rotondité de la terre, ce qui constitue la forme et le volume à la fois de l’espace le plus parfaitement refermé qu’on puisse concevoir ; l’ouverture est bien un facteur quantitatif mais il serait trompeur et faussaire d’en faire un facteur qualitatif de cette signification : l’espace nouveau est grand mais il est fermé
» Soudain, l’échappée vers les hauteurs de l’inconnu, au-delà des majestueuses Colonnes d’Hercule montant vers le Ciel (“hors du temps”, vers “le noyau transcendant”), cette envolée qui avait caractérisé et nourri l’inspiration et l’intuition des temps anciens, qui avait enfanté Homère et son Odyssée, qui avait nourri Platon, se transforme en un espace, considérable certes, mais désormais borné, dans lequel la rotondité de la Terre ne laisse aucune échappatoire. »
On le sait bien par nos manuels conformistes et nos catéchismes empressées, la Renaissance c’est la naissance de la liberté (la “vraie”, la moderne) en même temps que de la modernité parce que l’une ne va pas sans l’autre, – c’est-à-dire la naissance de la liberté moderniste. C’est peut-être, selon certains, l’acquis le plus important de la Renaissance, celui qui a complètement bouleversé nos conceptions et nos comportements. L’idée est acceptable dans un sens positif, mais aussi dans l’autre : c’est peut-être aussi bien (sûrement pour nous) un acquis négatif, inverti, et peut-être aussi bien le plus considérable de la Renaissance dans ses effets sur les siècles qui suivirent. Nous n’avons aucune sympathie pour cette sorte de “liberté” qui aboutit à ce monument d’hypocrisie, ce simulacre monstrueux qui sont les principaux caractère de notre époque. La Renaissance nous a conduit au cul-de-sac le plus épouvantable qui se pouvait imaginer. Cette liberté “éclairant le monde” a tout notre mépris dans sa pompeuse satisfaction d’elle-même et son hypocrisie confortable ; tous comptes faits, elle a appris à l’être humain à se mépriser lui-même.
« Derrière le caractère de vastitude, de libération et de novation de cet ensemble de promesses, on trouve une construction d’enfermement d’une facture complètement nouvelle, à laquelle le sapiens, qui en a été l’architecte involontaire derrière les tromperies du domaine, s’empressera de donner ses lettres d’une noblesse étrangement caractérisée par une bassesse fort satisfaite d’elle-même, en digne productrice de l’inversion de la noblesse. Au lieu d’être “libéré”, au sens réel de la chose qui est de se tenir hors des contraintes qui s’exercent au profit de forces obscures, on découvre et on développe les “contraintes” de la “libération” qui sont celles de l’espace nouveau et borné, de la circulation qui fait qu’on sillonne cet espace, de l’état d’esprit qui fait de cette aventure terrestre strictement contrôlé un programme nommé “modernité”. »
En un mot, ce que nous voulons présenter avec cet extrait de ‘La Grâce de l’Histoire’, c’est l’attaque centrale et jusqu’ici irrésistible lancée contre la transcendance, qui nous fait mesurer aujourd’hui, chaque jour et chaque heure, la puissance de ses effets catastrtophiques.
« Comme nous le savons effectivement depuis la Renaissance devenue borne sacrée de l’intronisation de la modernité, il va s’imposer aux artisans de la modernité la nécessité de sortir de cette pressante confusion une attitude cohérente, une doctrine droite et conquérante, la formule de l’avenir d’un monde débarrassé des intempestives et archaïques interventions de la transcendance. Cela fait qu’on leur souhaite à la fois “bonne chance” et “bon vent”... »
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Quel retournement, disions-nous plus haut ! Par “retournement”, plus que jamais après les précédentes Parties où l’on évoque notamment le cas d’Agrippa et celui de Louis Bayle, nous entendons que la conception générale des périodes que nous avons tentées de décrirese tord, se débat, se subvertit, se déchire presque, – et enfin, se retourne complètement, – ou s’invertit, si vous préférez… Ce grand retournement de la perception doit être observé en ayant à l’esprit ce constat permanent accompagnant notre description du phénomène, cette évidence absolument écrasante qui conduit toute notre réflexion, que l’acte psychologique passif précède l’acte intellectuel (et spirituel dans certains cas) en apparence actif. Quand la psychologie est faible et dans le processus constant de l’affaiblissement, le poids de l’acte psychologique ne cesse paradoxalement de peser toujours davantage par son caractère de plus en plus effronté de tromperie, jusqu’à devenir le maître-manipulateur du reste (l’acte intellectuel et spirituel) qui est pourtant l’essentiel. En s’affaiblissant et en devenant trompeuse, par perversion de la perception, la psychologie abandonne son rôle d’outil nécessaire et loyal de la pensée pour devenir involontairement manipulatrice en s’ouvrant à toutes les influences sous la forme de perceptions faussaires.
du XVIème-XVIIIème siècles, la conception du monde et de son histoire, de son destin, était organisée selon les perceptions des psychologies s’accordant fermement à la mémoire collective et aux sensibilités de l’esprit de ces temps, c’est-à-dire selon une psychologie forte et ferme acceptant l’influence, à laquelle s’abreuvait et se référait la pensée spirituelle, de l’illumination de leur propre passé jusqu’aux traces les plus anciennes de la Tradition. Du fait d’une psychologie affaiblie, le retournement imposé à la perception que nous constatons subvertit puis invertit ce processus, le rend insaisissable dans son évolution, inéluctable dans sa signification et faussaire dans ses effets. Le retournement est bien psychologique et de l’ordre de la perception qu’imposent les évènements mais les idées restent encore présentes et ce sont celles de la Tradition et de la référence au passé. Ainsi la Tradition est-elle associée à ce retournement dans la perception qu’on en a, mais en réalité attaquée avec fureur (par l’aspect maléfique du retournement), et finalement gravement compromise. Tout se passe alors dans les esprits comme si, désormais, la conception héritée de la Tradition, donc absolument unie à une conception structurante du monde, prétendait selon le retournement de la perception transformer le temps historique, c’est-à-dire le transmuter en le déstructurant ; elle est désormais perçue comme subversive alors qu’elle est la victime de la subversion. Ce phénomène du retournement imposé à la perception psychologique par les évènements issus de la Renaissance discrédite absolument la conception traditionnelle du monde, les idées de la Tradition, et rend la transmutation ainsi suggérée pour ce qu’elle est en vérité, c’est-à-dire une attaque faussaire contre la Tradition devenue incompréhensible et donc inacceptable, puis invisible et bientôt oubliée, pour les observateurs qui ont l’esprit court. Le retournement a trouvé sa cible principale, qui est la Tradition, et l’a touchée en plein cœur en la discréditant, en la ridiculisant, en la chargeant d’une opprobre indigne.
Ces “observateurs à l’esprit court”, qui forment la majorité dans l’espèce moderniste, sont impuissants à envisager l’hypothèse de l’inversion, donc impuissants à saisir le sens de ce qu’ils observent ; ignorants du modèle initial ou le méprisant, ils sont enfin incapables d’embrasser la tromperie ainsi réalisée et finalement ridiculisant même l’idée qu’il ait pu y avoir tromperie pour pouvoir s’en sortir eux-mêmes intellectuellement et moralement sains et saufs par rapport à ce que je nommerais trivialement, avec un peu d’avance pour la schématisation à laquelle on en viendra après le “déchaînement de la Matière”, “les consignes du Système” … Ainsi apportent-ils leur pierre au tombeau du temps passé et de la Tradition considérés dans leur gloire réelle. Le voile tombe sur ce théâtre de croque-mort de tout ce que nous honorions pour vivre avec honneur et dignité, et le retournement s’achève, dans sa réalisation autant que dans l’incompréhension qui accompagne sa production.
Le retournement ne s’accomplit que si l’inversion l’accompagne, si la nouvelle conception du temps historique est adoubée par la tromperie de l’esprit, qui a saisi l’esprit par la psychologie et sans qu’il n’ait conscience de rien, et dont l’esprit prompt à se justifier fait une “pensée nouvelle” et donc vertueuse. Ainsi armé de l’infamie, le retournement finit par acquérir la force d’une rupture totale, imposée à notre perception (à notre psychologie),sans que l’esprit s’en avise par conséquent, bientôt ordonnée selon la narrative si bien rangée de l’historiographie-Système qui commence à prendre ses quartiers d’habilleur de la transformation du monde accordée à la vision générale de ce qui deviendra la modernité.Ce temps historique lui-même, si “nouveau”, si prometteur, est marqué du sceau de l’infamie et plus rien ne l’en débarrassera jamais.
L’histoire du monde se transforme en une production étrange, en ceci que la pensée-Système décidera désormais de ce que sera notre futur transformé dans ce que l’on nommerait par souci d’objectivation et vertu d’une inéluctabilité moderniste désormais irrésistible “l’avenir du monde”. Elle organise le récit du passé en fonction de cette décision. Nous reconnaissons alors aisément que, dans ce laps de temps, s’amorcent des changements conceptuels fondamentaux, qui concernent objectivement l’Histoire, devenue alors histoire débarrassée des structures fondamentales du passé remontant “aux traces les plus anciennes de la Tradition”. (Nommons cela histoire-Système, si l’on veut.) Nous passons de la structure objective de la perception de l’Histoire qui rend compte de l’essence sacrée du passé à l’instructure subjectivée, qui se passe de perception en lui offrant une perception faussaire, de l’histoire-Système recréant un passé à l’image de son futur grimé en avenir qu’elle organise. Parlant de cette classe nouvelle des élites, – les clercs ou “intellectuels” puis, plus récemment, présentateurs de talk-shows, etc., jusqu’au plus bas possible, et de toutes les façons se transformant en un corps organisé et policé, et policier d’ailleurs, que nous désignerons plus tard comme l’élite-Système, – et, parlant de ces gens-là, nous dirions que “leur vérité” du passé dépend désormais de ce que l’histoire-Système entend faire de notre futur maquille, grimé et frimé pour pouvoir prétendre à être “l’avenir-du-monde”.
concerne principalement le retournement rupturiel de la référence fondamentale de l’humanité de ce temps-là d’autour de la Renaissance. Jusqu’alors, cette référence s’inscrivait comme une poutre-maîtresse dans la Tradition fixée dans le passé comme la source spirituelle de toutes choses, nécessairement comme une trace de la lumière des origines où l’infini de la perspective nimbait la cosmologie du monde ; désormais, cette référence est l’avenir (en fait “notre-futur” grimée-frimée en “l’avenir-du-monde”), décrété sublime, lavé de tout soupçon de transcendance par la grâce interlope d’une sorte de divinité faussaire parfaitement maîtrisée, recomposée selon des normes dites “humanistes” ; prétendant hausser l’univers à l’image de nos ambitions prétendues hautes, nous haussant nous-mêmes, du moins dans la prétention, selon les normes de notre hybris. La référence dite fondamentale change radicalement, du passé qui structure notre civilisation au futur-maquillé-en-avenir qui la transformera évidemment, si ce n’est en cours. Quelle tension soudaine et contradictoire dans cet amas de confusion présentant le plus bas pour le plus haut, remplaçant le passé par le futur-maquillé-en-avenir ! Quelle force s’abattant et pesant sur nos psychologies, celles-ci confrontées aux torsions si considérables de notre perception ! Il va s’imposer impérativement à notre raison, de plus en plus subvertie dans ce sens, qu’il importe désormais de “ressentir” le monde à la mesure du nouveau schéma qui lui est offert, comme l’on impose sans barguigner une volonté, un horizon, un contexte de l’univers, une forme de vie, une façon de respirer et de retenir son souffle, un genre (ex-sexe) à choisir entre 2, puis 3 et bientôt 4, et bientôt plus encore, sans le moindre rapport ni souvenir des élans fondamentaux de ce qui précéda.
Pour parfaire la description de l’événement, nous ne manquons pas de rappeler aussitôtcertaines choses connues, pour leur donner leur interprétation nouvelle, laquelle répondra des contradictions engendrées par le diktat identifié plus haut. Ces choses font de la Renaissance, avant le XVIIème siècle et en plus de sa pression cataclysmique et dissolvante sur le Christianisme, une rupture que nous qualifions, avec à peine un peu d’avance et tout juste un peu d’anticipation conceptuelle, – une rupture technologique.(L’on sait bien sûr qu’il faut considérer ce qualificatif avec des nuances, à la lumière de ce que le Système en fera plus tard, lorsqu’il se formera pour ce qu’il est, dans son extrême complexité, – système du technologisme, système de la communication, – et c’est un autre domaine que nous avons déjà exploré. Néanmoins, nous tenons à ce “technologique”, qui nous dévoile l’essentiel, qui est l’esprit de la chose.)
Nous observons, à ce moment du récit, que des événements divers et bien connus se développent, allant incontestablement dans le même sens, – l’ouverture du monde vers des espaces inconnus, vers l’Amérique principalement ; la naissance de l’ancêtre du système de la communication avec l’imprimerie, la dynamique du mouvement et des échanges avec la Renaissance, dans la dimension culturelle mais aussi commerciale, au point où l’on parle déjà à ce propos de “libre échange” ; la définition nouvelle du concept de “liberté” avec la dimension rationnelle et morale que cela entraîne ; l’apparition de l’individualisme comme la nature même de la composition du monde selon un modèle paradoxal de décomposition(la “composition du monde” faite d’un “modèle de décomposition du monde”). Ces événements suscitent un élargissement, une amplification et une accélération des activités, ainsi que, parallèlement, le développement d’une “spécialisation” de ces activités au nom d’un rangement rationnel nouveau. A la lumière de ces remarques, on peut alors observer que ces événements esquissent, en même temps que l’agrandissement de l’univers et en partie à cause de cet agrandissement, une structuration du monde occidental en systèmes.
(C’est également, en plus de “l’esprit de la chose”, pour la raison de ce constat que nous employons le qualificatif, pour l’instant d’apparence abusive, de “technologique” pour caractériser cette rupture ; le technologisme recèle comme principale conséquence sociale et, surtout, psychologique, le fractionnement et la déstructuration, qui sont d’autres motspour désigner le processus conduisant à une étape qu’on désignera comme une “structuration en systèmes”, – puisque les systèmes tendent à organiser leur propre structuration en déstructurant l’ordre naturel.)
de cloisonnement qui accompagne, d’une façon complètement paradoxale pour les esprits qui s’en tiennent à la seule référence quantitative pour juger du monde, le processus d’élargissement et d’extension de ce monde, – c’est-à-dire la “globalisation”, comme le mot a déjà été employé pour décrire cette période ; car il est paradoxal de proclamer une extension et une ouverture du monde avec la “globalisation” en même temps qu’observer en l’approuvant avec empressement une organisation de ce monde avec le cloisonnement en systèmes, qui est un processus de contraction et d’enfermement.
Ce cadre physique nouveau du monde de la Renaissance et alentour, perçu pour une grande part en dehors des événements spécifiques de la Renaissance comme nous l’avons envisagée et de leurs contraintes, génère littéralement, dans la perception qui en est offerte sinon imposée, un univers nouveau dans sa substance. On y trouve, en développement essentiel et littéralement bouleversant, l’expansion formidable du Nouveau Monde, dont nous savons déjà quelle importance “opérationnelle” et symbolique il a pour la modernité. Cette expansion, ce “cadre physique nouveau du monde”, est en général caractérisée avec emphase, avec un emportement enthousiaste, selon le jugement moderniste, comme un immense mouvement d’ouverture, – le mot est important, – une sorte de prélude grandiose à la modernité, comme une intronisation ; effectivement “ouverture” de la modernité, si la modernité peut être représentée sous la forme d’une symphonie ; et alors comme l’“ouverture” prémonitoire d’une Symphonie du Nouveau Monde qu’on aurait composée par avance. On lit ou on entend souvent à propos de cette époque le mot de “globalisation”, que nous avons introduit plus haut dans le cours de ce récit, qui nous est venu sous la plume avec quel naturel ! On connaît les vertus attachées dans notre temps à ce mot,“globalisation”, qui n’est pas loin d’être sacralisé, et, par conséquent, tout le reste de cette époque qui va dans ce sens l’est également. C’est de cette façon précisément que nous pouvons parler d’ouverture, effectivement perçue dans ce cas, à ce moment du temps historique, comme représentative de la spécificité même de la vertu du développement de la modernité, – comme son symbole : ouverture de la modernité comme dans une symphonie et la modernité définie selon le seul thème, exclusif de tout autre, qu’elle est quelque chose qui s’ouvre.
…Au reste, l’espace et le matériel y jouent leur rôle, je veux dire l’anatomie physique et géographique du phénomène de cette expansion du monde autant que ses caractères techniques, commerciaux, etc. L’“ouverture”, on l’a vu, est d’une telle importance qu’on en doit faire un symbole ; et alors, le symbole de la chose tient cette place essentielle pour la modernité parce que la réalité en train de se transmuter s’en porte garante en même temps qu’elle en dépend. Cela n’a rien d’un hasard mais correspond parfaitement aux exigences de rationalité scientifique qui s’imposent avec la modernité. L’idée sous-jacente et implicite est que le symbole participant à la fondation de la modernité doit rendre compte de sa propre réalité comme d’un devoir de véracité quasi d’ordre scientifique, au sens moderniste de ce terme. En songeant à ce phénomène d’“ouverture” comme à un symbole, il importe également que l’on consultât les cartes, les exemplaires des premiers livres sortis de l’imprimerie, etc., et que les uns et les autres ne démentent en rien les prétentions intellectuels des croyants de la modernité, qui devront fonder et sanctifier à la fois, d’une façon ou l’autre, le symbole. Il nous importe, à nous, dans ce récit dont l’objet affirmé n’est nulle part dissimulé, dans un état d’esprit résolument, furieusement affirmé d’antagonisme, voire de destruction de ce symbole-là qui est littéralement maléfique, d’identifier effectivement, ou, dans tous les cas, d’évoquer précisément les caractères physiques et opérationnels de ces éléments de la véracité affirmée par les modernistes de cette ouverture, pour comprendre parfaitement la perspective qu’ils nous offrent et apprécier leur confrontation avec les exigences de ce symbole (“ouverture”) qui est celui de la modernité.
Une remarque importante nous vient alors à l’esprit. Les manifestations physiques et matérielles de ces éléments dont on requiert qu’ils participent à la fondation de la modernité aussi bien par eux-mêmes que par rapport au symbole qu’ils doivent adouber, répondent positivement à cette exigence du point de vue quantitatif ; la puissance, l’étendue spatiale, la novation technique (bientôt technologique) audacieuse, sont présents comme facteurs d’une dynamique quantitative. Mais le but essentiel, qui doit être essentiel pour le symbole dans tous les cas, ce but reste d’un ordre qui se voudrait qualitatif. Il est résumé selon la dialectique moderniste, comme l’on parlerait d’une conclusion intégratrice, par le terme déjà plusieurs fois mentionné d’“ouverture”, qui fait effectivement partie de l’arsenal dialectique de la modernité ; “ouverture”, cette notion glorieuse, exprimant à la fois la novation, la rupture avec le passé, le refus des principes hiérarchiques d’autorité et de légitimité s’accordant en général à la Tradition, l’acceptation par l’esprit de tous les somptueux atours du Progrès, de toutes les conceptions nouvelles. Cet aspect de l’évolution décisive vers la modernité que constitue la Renaissance est par conséquent tout aussi décisivement considéré comme une “ouverture”, à la fois ouverture du monde et ouverture sur le monde, aussi bien qu’ouverture sur l’à-venir, – qui serait plutôt “le futur à venir” que l’“avenir” considéré d’un point de vue métaphysique.
(… Et cette “ouverture”, bien entendu, dans le sens vu précédemment d’une inversion du sens historique, avec l’humanité elle-même vue comme point central cosmique du monde,dont le fondement est à trouver désormais dans son propre futur fondant un “avenir” comme construction artificielle et faussaire du sens vrai de la chose ; et nullement, surtout pas et jamais plus, dans le passé. Toutes les remarques qu’on a faites peuvent être rassemblées et investiguées, on verra qu’elles répondent au mot d’ordre.)
nous arrête. Une observation du phénomène plus substantielle, plus accentuée du point de vue symbolique, avec des références dépassant les seuls termes convenus du terrorisme dialectique de la modernité, avec un sens du choix des jugements permettant de passer outre aux diktat variés de la même modernité, nous conduit à une conclusion inverse de l’esprit de toute cette jubilation moderniste. L’ouverture du monde de la Renaissance ne l’est pas vraiment, c’est-à-dire pas du tout lorsqu’on pousse la logique qui importe ; l’“ouverture” vers les nouveaux mondes (le Nouveau Monde) se fait en même temps que l’on découvre la rotondité de la terre, ce qui constitue la forme et le volume à la fois del’espace le plus parfaitement refermé qu’on puisse concevoir ; l’ouverture est bien un facteur quantitatif mais il serait trompeur et faussaire d’en faire un facteur qualitatif de cette signification : l’espace nouveau est grand mais il est fermé.
De même, pour ce qui concerne l’autre aspect d’“ouverture” déjà mentionné, lorsque nous parlions de l’imprimerie… Dans ce cas, dit le diktat moderne, “ouverture” de la diffusion de la culture, de l’éducation de l’esprit, des connaissances, de l’intelligence et de l’élévation de l’esprit, cela encore au profit de la modernité, cela va sans dire. (Quelle heureuse occurrence, en vérité, que la première célébrité, – on dirait star ou people, aujourd’hui, – de cette “ouverture” majeure ait été Luther et ses Thèses, parmi les premières production de l’imprimerie ; ses Thèses, qui furent massivement déstructurantes, qui furent le signal de la grande Réformation, dont on sait le destin, la réputation et la gloire moderniste.) Pour notre compte, il ne nous semble pas déplacé ni particulièrement tatillon d’observer que cette “ouverture”-là de l’imprimerie et donc de l’écrit ouvert à tous, permet surtout aux petites littératures et aux littératures subversives de se répandre, souvent grâce à des puissances d’argent qui y voient leurs intérêts ; ces littératures qui n’auraient guère trouvé de relais de diffusion sans l’imprimerie, qui en trouvent de plus en plus à mesure que les techniques se développent.
De même et au-delà, à partir de l’imprimerie et grâce à l’imprimerie, apparaît d’une façon embryonnaire mais déjà prometteuse la possibilité d’un développement galopant de tout l’apparat de mystification et d’inversion systématique des productions du système de la communication, de toute cette machinerie d’abaissement de l’être, de déstructuration des esprits, de dissolution de l’âme. Je dois suggérer avec la plus grande insistance qu’à la lumière des événements tels qu’ils se déroulèrent ensuite, des rôles que jouèrent, – cela, dans notre conception générale, – les mazarinades (“art” du pamphlet apparu lors de la Fronde), le persiflage, tout le monde des pamphlets et libelles dans la grande entreprise d’épuisement de la psychologie dont on sait qu’elle prépare les révolutions, le tournant de la fin du XVIIIème siècle et le “déchaînement de la Matière” qui est l’ouverture à l’intrusion du Mal, puis effectivement le développement de “tout l’apparat de mystification et d’inversion systématique ”, – à cette lumière on est conduit à proposer avec force et insistance l’hypothèse que cette formidable “ouverture” qu’est l’imprimerie profite d’abord à l’instauration de la modernité, par les moyens les plus bas auxquels cette modernité va nous confronter, subversion, propagande et virtualisme, avec la dégradation de la pensée et des mœurs qui s’ensuit. Ainsi en est-il de l’“ouverture” dans cette occurrence également ; “ouverture” par effondrement de la qualité, “ouverture” comme fermeture de l’esprit par conséquent... Mais qui en aurait douté ? Dans ce cas encore, lisant à notre façon sous l’inspiration appréciée de façon critique du diktat moderne, “ouverture” signifieenfermement après installation des bornes, à ne pas franchir, délimitant et mettant en exergue triomphalement la culture et la pensée modernes, – effectivement enfermement dans le conformisme (évidemment moderniste), c’est-à-dire “fermeture de l’esprit”. Là encore peut-on juger ce que signifie leur “ouverture”...
sans coup férir et aussi bien dans le sens même du mot, dans les sens géographique et culturel si l’on veut, par trahison du sens et retournement du symbole sans aucun doute, selon une méthodologie orwellienne aujourd’hui bien connue : “ouverture” signifie “fermeture” ; “libération”, “enfermement”. Il faut élargir (on n’ose dire ”hausser”) cette perception au niveau de l’esprit de la chose, pour considérer exactement quel Nouveau Monde nous offre ce tournant capital, quand ils choisirent cette monstruosité de l’inversion de fixer notre origine dans leur futur grimé en avenir qu’ils allaient tracer plutôt que dans la Tradition venue de ce qu’ils nommaient désormais avec un mépris inimaginable jusqu’alors, – le “passé”.
(Encore serait-il approprié pour mesurer et peser précisément ce que nous perdons, de nuancer grandement ce que nous devons entendre par “passé ”, pour échapper complètement et décisivement au diktat moderniste. Julius Evola, homme de tradition, dit de la pensée “originelle” ou “principielle” qui ressort de la Tradition qu’elle n’est pas un “retour en arrière” mais bien une entité vivante qui ne cesse de prendre de la hauteur à mesure que nous nous éloignons d’elle pour bien faire sentir de quelle forme est son enseignement, de son souci de montrer qu’elle n’est rien d’autre que la matrice de l’éternité… « C’est une pensée “originelle”, elle ne remonte pas en arrière dans le temps, elle s’élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant… » [Giovanna Monastra, Julius Evola, des théories de la race à la recherche d’une ethnologie aristocratique, Nouvelle École n°47, année 1995].)
Soudain, l’échappée vers les hauteurs de l’inconnu, au-delà des majestueuses Colonnes d’Hercule montant vers le Ciel (“hors du temps”, vers “le noyau transcendant”), cette envolée qui avait caractérisé et nourri l’inspiration et l’intuition des temps anciens, qui avait enfanté Homère et son Odyssée, qui avait nourri Platon, se transforme en un espace, considérable certes, mais désormais borné, dans lequel la rotondité de la Terre ne laisseaucune échappatoire. Les intuitions et les symboles infinis n’ont plus de perspective à mesure. Le savoir intuitif et symbolique autant que de la nature même perçue par l’esprit devient connaissance de plus en plus strictement contrôlée, et la connaissance est enfermée, abaissée dans la matière, dont la formulation adéquate va dépendre de la machine. Bientôt, tous les esprits pourront en faire leur profit et usage, précisément vers le bas et jusqu’au plus bas. Là aussi, l’échappée vers l’inconnu et les perspectives hautes à mesure sont écartées au profit d’espaces considérables, de mieux en mieux identifiés et donc de plus en plus bornés. Les “grandes découvertes” géographiques, qui n’auraient dû rester que cela, sont une façon de reconnaître les dimensions, bientôt clôturées, du pré carré de la modernité. Devant la tâche d’organisation du Nouveau Monde qui s’impose à lui, l’être humain va se faire sapiens commode et arrangeant, individu entrant dans la série de la productivité nommée individualisme, ne cherchant pas à trop identifier les caractères du Système qui l’oppresse, ou bien il va se faire sapiens autoritaire et habile, déjà prêt à servir le futur Système ; et la plupart jugeant fort avantageux et comme s’il s’agissait de la vertu du service de l’esprit et de son savoir, de s’inscrire dans des systèmes renvoyant au Système et de réduire leurs connaissances au service de l’allongement sans fin de ces systèmes et de leur propre enfermement dans des domaines de prédilection organisés en systèmes, où triomphent l’avantage et l’intérêt qui tirent vers le bas…
rassemblant et intégrant toutes ces observations qui ont précédé, il s’agit alors de développer l’identification des conditions nouvelles des situations ainsi créées. Il y a d’abord et essentiellement l’établissement d’une sorte d’“enfermement” de l’esprit baptisé élégamment “libération”, l’esprit qui serait effectivement “libéré” des élans vers les hauteurs par conséquent. Pour dire la chose différemment et ainsi l’éclairer bien, on dira que ce qu’on présente et promet à l’esprit comme une libération est une sorte d’“enfermement” extrêmement hermétique, et la règle faussaire par inversion totale et totalitaire est ainsi définie. La vision sans contrainte du monde qui régnait jusqu’alors, oùl’inconnu semblait laisser la place à la possibilité de l’hypothèse de l’éternité dans la spéculation à propos de la spiritualité, dont la gloire et l’élévation lui étaient suggérées par l’intuition haute exerçant son illumination dans ces délicates nuances qui forment les promesses des accomplissements spirituels dans les perspectives les plus pures, cette vision est rompue par cette inversion pratiquée au nom de la Renaissance comme l’on opère brutalement, à vif, une amputation.
Elle se trouve désormais invitée sans autre ménagement à la réduction ; elle est conduite à se glisser dans une dynamique structurée qui, bientôt, s’établira comme un système, et bientôt à l’image du Système, comme un corset pompeusement décoré de la pensée dirigée vers le bas ; c’est ce corset qui se nomme Progrès lui-même, producteur lui-même de sa propre vertu, perçu au moins sinon en attendant mieux à l’égal d’un Dieu abaissé à mesure et, lorsqu’Il est assez bas, le remplaçant avantageusement. Tous ces éléments transmutent les immenses promesses que certains entretenaient encore à la lumière de la Renaissance, symbolisées désormais par des mots qui ont cette vocation d’enivrement de l’esprit, en une tromperie qui inverse le sens spirituel de l’Histoire et prépare la psychologie humaine aux traitements insidieux qui la conduiront à l’abaissement.
Derrière le caractère de vastitude, de libération et de novation de cet ensemble de promesses, on trouve une construction d’enfermement d’une facture complètement nouvelle, à laquelle le sapiens, qui en a été l’architecte involontaire derrière les tromperies du domaine, s’empressera de donner ses lettres d’une noblesse étrangement caractérisée par une bassesse fort satisfaite d’elle-même, en digne productrice de l’inversion de la noblesse. Au lieu d’être “libéré”, au sens réel de la chose qui est de se tenir hors descontraintes qui s’exercent au profit de forces obscures, on découvre et on développe les “contraintes” de la “libération” qui sont celles de l’espace nouveau et borné, de la circulation qui fait qu’on sillonne cet espace, de l’état d’esprit qui fait de cette aventure terrestre strictement contrôlé un programme nommé “modernité”. Avant la Renaissance, les perspectives du monde physique étaient inconnues ; avec la Renaissance, on reconnaîtson immensité mais également et surtout sa finitude, caractérisée nécessairement par la forme de rotondité de la terre, devenue globe et devenue nécessairement fermée,emprisonnant d’une certaine façon tous les élans des temps passés. Ce qu’on observe ici n’est pas le regret de la formule “la terre est plate” mais le constat que le rotondité de la terre permet de suggérer que l’espace physique prend la forme d’un symbole de l’inéluctabilité de la modernité comme maîtrise du monde (on dira plus tard “globalisation” du monde, ce qui veut dire sous forme pléonastique “globalisation du globe” et confirme que le globe-terre n’est pas seulement un phénomène physique, qu’il est également le symbole à la fois de la maîtrise et de la fermeture du monde par la modernité). Avant la Renaissance, la connaissance était dispensée avec la précaution de l’élancer vers la plus grande hauteur possible, pour la préparer à se transmuter en un savoir initiatique ; avec la Renaissance, s’annonce le déluge de la quantité, déluge qui affecte la connaissance, qui va l’abaisser de plus en plus sous son propre poids, jusqu’à nourrir un savoir inversé, s’enracinant dans l’ombre lugubre des abysses de la pensée.
Lorsque les éléments constitutifs de l’époque nouvelle sont considérés, on mesure le poidset la force de la pression terrible qui s’exerce désormais sur ce qui s’affirme et s’exhibe comme une civilisation nouvelle, par le biais des exigences de la “libération” qui prétend en être la matrice. Désormais, le monde brutalement “libéré” et ainsi entré dans des limites désormais connues, se trouve enfermé par ce qu’on ne peut identifier que comme “laMatière” (elle mérite sans nul doute, désormais, une majuscule tant est magnifiée son importance sans limite). La force développée par cette “libération” ne fait que plonger vers le bas, sous l’empire encore insidieux et point encore identifiable de ce que nous nommons la Matière qui va qualifier dans notre propos le “moteur à explosion” de la modernité, comme une explosion effectivement “libératrice”, comme la fusion nucléaire de la bombe “libère” l’énergie destructrice du monde ; la Matière désormais majusculable à souhait,considérée dans toute sa puissance, et ce monde déjà coupé de l’inspiration et de l’intuitionde la spiritualité la plus haute, – comme la “guillotine permanente” coupe une tête, exactement.
(La “Matière” majusculée qui n’est en rien la stricte désignation de tout ce qui est matière au sens commun, mais ce qui, dans la matière, a été annexé pour le dessein que nous décrivons. La matière elle-même n’a aucun caractère qualitatif structurel, aucune essence principielle ou anti-principielle... Nous reviendrons là-dessus à plusieurs reprises, selon la nécessité de l’éclairage du propos.)
que ces tensions et ces torsions désormais imposées aux psychologies, dans le terme de l’époque de la Renaissance et dans ce qui suit, avec une telle constance et une telle nécessité, conduisent à la formation d’une “psychologie collective” de rupture et de crise, et que c’est à elle, et que c’est sur elle que s’appliquent ces faits transformés en interprétations, puis en autant de forces de contrainte psychologique. On ajoute à tout cela, comme une sorte de révélateur découvrant la vérité d’une époque aussi glorieuse que la Renaissance, l’“anarchie intellectuelle” que résument la vie aventureuse et l’exemple extraordinaire d’Agrippa, avec le pessimisme fondamental, – et paradoxal pour la Renaissance, – qu’illustre ce grand érudit, et le tableau est complet. Comme nous le savons effectivement depuis la Renaissance devenue borne sacrée de l’intronisation de la modernité, il va s’imposer aux artisans de la modernité la nécessité de sortir de cette pressante confusion une attitude cohérente, une doctrine droite et conquérante, la formule de l’avenir d’un monde débarrassé des intempestives et archaïques interventions de la transcendance. Cela fait qu’on leur souhaite à la fois “bonne chance” et “bon vent”...
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