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2502• Ce texte, par ailleurs présenté sur notre site comme une mise à jour du ‘Glossaire.dde’ sur ce sujet du “déchaînement de la Matière” du 5 novembre 2012, sans rapport de consultation entre les deux, en toute indépendance, etc. , – n’est pas écrit à l’origine pour la rubrique du site mais est extrait du livre en préparation se prétendant comme la suite de la série de ‘La Grâce de l’Histoire’, – oh, cette partie entamée depuis combien d’années, avec tant de fois un laisser-aller jusqu’à l’abandon temporaire. • Quoi qu’il en soit, nous nous sommes remis au travail, sérieusement cette fois nous assure PhG, car le temps presse. • Le concept du “déchaînement de la Matière” est donc analysé d’abord d’un point de vue métaphysique, mais avec des références constantes avec les événements que nous vivons, que nous jugeons comme devenus métahistoriques depuis 2015-2016. • C’est dire que le concept s’insère nettement et directement dans une tentative d’analyse et de description de la GrandeCrise que nous vivons aujourd’hui. • Il est complètement actuel en même temps qu’il est d’une essence métaphysique d’au-delà de l’actuel, établissant ainsi un lien entre les deux.
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19 février 2024 (12H50) [29 mars 2024 (08H30)] – En guise de très-rapide introduction, quelques mots de l’auteur pour situer ce passage, que l’on trouve au début de ce qui est en principe la deuxième partie du Troisième Tome de ‘La Grâce de l’Hisoire’. (La première partie est actuellement inatteignable pour la vente sur ‘Amazon’. Il s’agit d’un problème que nous avions laissé de côté et sur lequel nous allons revenir.)
Le sujet de cette partie est de développer une appréciation métaphysique du concept du “déchaînement de la Matière”, en corrélation avec les évènements présents considérés comme les manifestations de ce que nous nommons la GrandeCrise. Nous commençons donc ce travail par une redéfinition du concept correspondant à cette approche.
Nous avons emprunté un passage qui va jusqu’à l’approche de notre définition de ce qu’est la “matière” (majusculée “Matière” dans le nom que nous lui avons donné, pour une raisons qui est explicitée). Il y a certaines reprises (assez rares et courtes) de textes précédents, – de la première partie ou du ‘Glossaire’, – en italique et sans précision d’origine.
Il est préférable que nous n’en disions pas plus pour ne pas embrouiller les esprits des égarements de notre inorganisation totale qui est à la base de notre piètre performance, pour ne pas dire notre échec complet, dans la tentative de oublier des livres. Tant plis ! Dans une époque de survie, seuls comptent les textes, et malheureusement avec peu d’attention et de moyens pour la façon dont l’organisation matérielle et commerciale en organisent la diffusion.
Cela car nous vivons une époque du survie.
Et en guise de hors d’œuvre ou de mise en bouche, un autre extrait introduisant la cause de l’intérêt manifesté dans ce récit pour le “déchaînement de la Matière”...
A ce point et singeant l’auteur qui prétendrait reprendre le cours du récit, par conséquent développé après avoir comme je l’ai fait l’affection extrême et la proximité ontologique que j’ai de la nostalgie qui fut le thème de la Partie précédente, je vais orienter ce sentiment transformé en concept ouvrant la voie à l’éternité vers une confrontation avec un autre concept pour lequel je n’ai ni affection ni proximité personnellement, qui est même d’une certaine façon et en partie (à déterminer) mon ennemi à tout jamais, mais qui tient une place fondamentale dans la pensée érigée en jugement de mon esprit. Les lecteurs de ‘La Grâce’ ont déjà rencontré ce concept, notamment dans le premier tome (dit ‘Troisième Cercle’), sous sa forme opérationnelle dans la métahistoire ; je veux donc parler du “déchaînement de la Matière”, en tant que concept qui ouvre toute grandes dans ma conception les portes de cette période du temps métahistorique pour lequel j’accepterais bien volontiers l’expression déjà employée et si évocatrice dans son cas de “modernité-tardive” ; et la bataille finale dont la “modernité-tardive” va être à la fois l’enjeu et le champ au-delà duquel s’ouvrent d’infinis horizons, – comme le serait une sorte de Verdun métahistorique mis dans l’Éternité.
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Comme on l’a déjà bien deviné et entendu, sinon lu au mot à mot, je ne suis pas indifférent aux connections entre notre monde de l’espèce terrestre et les dynamiques harmonieuses et équilibrées qui tiennent les espaces infinies et abolissent le Temps pour que l’Éternité puisse être tenue déployée comme elle se doit à elle-même d’être. Cette position répond à la logique même qui procède de cet ouvrage et des impulsions intuitives qui l’ont suscité. J’irais même jusqu’à avancer l’interprétation que les forces de subversion et d’inversion sont venues jusque sur nos rivages et jusque dans nos forêts défier l’état de nature qui était le nôtre, dans le but de nous infecter du venin de l’hybris ; et par conséquent, suivant cette voie devenue celle de notre survie, nous obligeant à hausser notre méditation jusqu’aux grandes hypothèses de la transcendance. Le phénomène que je nomme “déchaînement de la Matière” n’est pas autre chose que cette incursion dans notre univers et dans notre histoire des “forces de la subversion et de l’inversion”, avec obligation pour nous de réagir, de riposter, sous peine du pire des destins. Elles suscitent chez nous la nécessité d’une initiation.
… C’est dire, enfin, qu’à en venir à ce sujet je nous force, vous mes lecteurs et moi, à nous abaisser. (Mais ce terme est à prendre sous sa forme de geste tactique et de ruse de guerre, pour se mettre au niveau de l’adversaire et se poster pour utiliser contre lui-même sa propre force, selon l’enseignement des maîtres des sagesses extrême-orientales.) C’est là une des premières et sans doute la plus importante des surprises de cette Deuxième Partie qui prend tant d’ampleur et d’autonomie, que ma plume me réserve selon sa propre décision : après avoir commencé par de si hautes cimes que sont les formes infinies de l’Éternité, voilà que nous nous devons de nous laisser entraîner, rouler, bouleverser, dans un événement tellurique de notre monde terrestre, jusqu’à être souterrain dans ses grondements, ses attendus et ses effets, ses origines et son dessein, exactement comme l’est le Mordor de l’univers de Tolkien… Le “déchaînement de la Matière” !
D’abord, quelques mots pour affuter les mémoires et savoir précisément de quoi l’on parle : le “déchaînement de la Matière” comme événement fondamental de la charnière des XVIIIème et XIXème siècle ; comme événement général intégrateur, selon le programme de la subversion et de l’inversion à la fois, de trois événements historiques, trois “révolutions” qui bouleversent la marche des Temps.
Les “trois Révolutions” pourraient, si l’on veut une image très opérationnelle et symbolique à la fois, représenter les acteurs du jeu si ancien, dit “Pierre-feuille-ciseaux”, mais sans aucune rivalité ni logique d’affrontement entre eux, au contraire dans un esprit de complète complémentarité, temporairement ou substantiellement c’est selon, pour le but ultime de la conquête (de l’époque, de la Civilisation, du Temps, du Monde, du Cosmos) vers le dessein de la néantisation et de l’entropisation qui est la Grande Stratégie du “déchaînement de la Matière” :
• La “révolution américaniste” de 1776, par son activation des outils sophistiqués du “déchaînement de la Matière” et l’activité de la communication pour subvertir et invertir, est représentée par la feuille qui entoure, étouffe, étrangle, trompe et convainc ;
• La “Révolution Française” (de 1789 certes) représente les ciseaux qui tranchent comme le fait si nettement la brillante invention de la guillotine, et ainsi effectue-t-elle la percée du choc en installant le métal tranchant et la dynamique révolutionnaire sur le théâtre du monde ;
• La “révolution du choix de la thermodynamique”, pour mon compte et telle que je la désigne très précisément (par opposition à ce qui aurait pu être la “révolution du choix de l’hydrodynamique” [voir ‘Le choix du feu’, d’Alain Gras, de 2007])… Symboliquement datée de 1784 par référence à la première machine à vapeur, mais “révolution” qui prend pour moi tous ses effets en 1825 avec cette exclamation d’un certain H. Gouhier, qui terrifie Stendhal « Les Lumières, c’est désormais l’industrie ! » ; “révolution” qui est représentée par la pierre, qui symbolise les matériaux fondamentaux de l’univers, lequel est ainsi offert à leurs perversions qui sont née de son propre côté pervers, lequel ouvre ainsi son sein au drame forgeant sur l’enclume du Temps l’immense projet de l’industrie du monde.
… De ces trois événements l’on retiendra successivement qu’il s’agit de la ruse faussaire qui trompe son monde stupéfait et fasciné (communication de l’américanisme investissant la psychologie) ; de la force du choc du couteau affuté qui tranche son monde, inconscient et vertueux comme on n’imagine pas (violence du révolutionnarisme qui fait carnage du passé) ; de la lourdeur inaltérable qui nous charge des flammes et des vapeurs industrielles des entrailles du monde, et qui écrase son monde (l’embrasement de l’industrialisme-technologisme, industrialisme qui ne se comprend spécifiquement que conduit par l’idéologie du technologisme née du “choix du feu”) ; l’ensemble offrant son ‘monde nouveau’ de la modernité dans la forme d’un simulacre aguicheur, et masqué par lui pour dissimuler son ultime dessein.
Les trois éléments forment un tripode qui semble détenir la formule parfaite de la maîtrise du monde par l’envoutement des âmes qui perdent ainsi leur immense vertu de portes ouvrant sur l’esprit, sur la nostalgie du passé, sur le sens de l’acte de la vie… Tout cela, du fait du “déchaînement” dont nous parlons au travers des trois “révolutions”, étant subverti et inverti successivement. Il y a une graduation effectivement parfaite, d’une perfection qu’on se permettra de juger d’une origine douteuse ou bien incroyable mais de toutes les façons sublime, entre la vertu moderniste et enveloppante qui ébranle l’âme dans ses tréfonds (la communication américaniste), la saisine tranchante de l’âme après l’enveloppement du serpent-qui-persifle et tranche le sens (la guillotine révolutionnaire), l’exposition de l’âme ainsi réalisée à un environnement de fer et de feu que cette âme ne peut faire autrement qu’accepter (« Les Lumières, c’est […] l’industrie »). Cela conduit ladite âme à accueillir d’emblée comme presqu’avec reconnaissance l’ensemble de la narrative du “déchaînement de la Matière”, sans plus s’en formaliser ; et même, certes, en lui trouvant toutes sortes de vertus, comme autant de lampions de la fête (les Lumières du XVIIIème devenues les ampoules zélées du “parti de l’électricité”, Paris devenant ‘Ville-Lumière’ qui deviendra plus celle de l’électricité que de l’esprit, et ainsi de suite).
Alors, l’on constate ceci qui est essentiel, que l’addition des trois éléments composant le “déchaînement de la Matière” aboutit à bien plus que la somme, d’ailleurs disparate dans ce cas, de ces trois éléments, – de la même façon opérationnelle que le processus holistique, mais ici dans la situation de l’inversion. Il apparaît sans véritable surprise que le “déchaînement de la Matière” c’est bien plus qu’une somme, c’est quelque chose d’entièrement nouveau dans sa nature même, qui semblerait n’avoir plus rien de commun avec ce qui a précédé, y compris les composants. L’intégration même des trois éléments qui composent le tout, qui est le “déchaînement de la Matière”, est déjà rupture avant d’être déchaînement, et rupture de chacun avec ce qui le précéda ; et le tout va devenir déchaînement, bien entendu, parce qu’il est déjà rupture…
• Une fois faite par sa Déclaration d’elle-même, – dire que ces courants étrange de bêtise-moraline, du wokenisme, voudraient échanger 1776 [Independence Day] contre 1619 [Slavery Day] ! – l’Amérique entre aussitôt, en même temps qu’elle naît, dans le monde de la narrative et n’a plus rien à voir avec elle-même, comme si elle n’avait jamais été elle-même, ce qui rejoint le cas du constat de l’évidence, – naître et être autre en même temps, destin de l’Amérique comme l’on s’abîme directement par la naissance elle-même faite du corps de la femme (‘La création du monde’) dans un “trou noir” se découvrant comme “destin du monde” ;
• Une fois portée aux nues, la Révolution française s’efface et disparaît tout aussi rapidement, comme Robespierre et sa « band of brothers » eux-mêmes, siphonnés par la guillotine, et l’on peut alors entreprendre de tenter de vous convaincre qu’après tout la Terreur n’est pas si mauvaise fille que cela, selon une narrative qui a gardé toute sa dynamique et un constat évident que fait le juge le plus terrible de cet événement
(Joseph de Maistre, bien entendu : « On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse... [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. »)
• Une fois fait le choix terrible de la thermodynamique qui est aussi dur que la pierre comme on l’a vu et enveloppe tous nos peuplades dans une gangue de déterminisme comme dans une prison de marbre, – faux-marbre bien entendu, aussi dur mais fabriqué, comme la fission nucléaire usinée par Sapiens, parce que pierre et marbre de feu, contre leur nature qui est froide, et ainsi inversion accomplie, – “Une fois fait le choix terrible…”, qui s’intéresse vraiment à cette terreur née de l’amalgame, notamment dans ses conséquences de la destruction du monde par néantisation ? Qui s’y intéresse puisqu’il s’agit désormais, ou sous peu et si peu, de la “fée-Électricité” qui devrait nous éclairer, enfantée par le “parti de l’Industrie” pour éclairer notre avenir radieux, qui éclaire par conséquent cette marche à la néantisation ?
(Qui, sinon les visionnaires maudits et excommuniés ? Qui, sinon les auteurs qui n’osent plus construire leurs œuvres tant elles se font écrasantes sous les pressions de la folie du monde ?)
Ainsi les trois éléments sont-ils devenus, chacun, le “rien d’eux-mêmes”, pour pouvoir mieux se fondre dans la dynamique du “déchaînement de la Matière”, en une manœuvre parfaite d’intégration fusionnelle, les trois devenus un, le triangle se faisant simulacre en une unité de façade prétendant être l’Unité. Ainsi le “déchaînement de la Matière” est-il, malgré sa puissance, son rythme, son souffle de forge de l’immense usine du monde que bâtissent les Modernes, ainsi est-il lui-même, par sa négativité évidente, sa bassesse qui ne l’est pas moins, un immense “rien”, – quelque chose, – retenons bien l’image, – quelque chose qui n’est pas vrai et qui ne peut donc vouloir que le néantissement du Rien et l’entropisation du Vide. Cela nous conduit à un traitement plein de force et de verve, un traitement qui fera nécessairement appel à la métaphysique symbolique et poétique, tracée dans l’intuition haute, notamment en nous appuyant précisément sur la définition que nous offre le comte Joseph qui vient de nous parler des révolutionnaires, dont on sait la piètre popularité chez les esprits bien de leurs temps, de nos temps-devenus-fous (il faut préciser que les caractères en gras sont de lui, donc qu’il y tient essentiellement) :
« Le mal n’a rien de commun avec l’existence ; il ne peut créer puisque sa force est purement négative : Le mal est le schisme de l’être : il n’est pas vrai. »
Le Mal dans son simulacre de puissance comme infinie « n’est pas vrai » ; il est la représentation terrestre du Rien.
C’est de cela et contre cela qu’il nous faut, nous, nous déchaîner…
... du “déchaînement”, à la jointure des XVIIIème et XIXème siècles, comme il a été argumenté d’une façon à la fois plus précise et moins affirmative dans le deuxième Tome de notre récit. En vérité, le “déchaînement” est une sorte d’“assaut final”, une sorte de regroupement de toutes les forces déstructurantes en action pour lancer l’attaque décisive. C’est un peu, si vous voulez, comme les Allemands regroupant leurs forces avec l’addition d’une quarantaine de divisions libérées d’un Front Est qui n’existait plus avec la capitulation des bolchéviques aboutissant à la paix de Brest-Litovsk de mars 1918, et lançant contre les alliés occidentaux (France-UK-USA) leur grande offensive du printemps 1918 qui aurait dû en bonne logique du rapport des forces leur apporter la victoire sur un plateau d’or et d’argent, serti de diamants et marqué de la Croix de Fer des héros germains.
Tout le “matériel” historique, – les “Trois-Révolutions” de 1776-1825, – était prêt pour se rassembler et fusionner en cette terrible et furieuse poussée ; c’est dire si des yeux avertis de l’avenir, observant les agitations terrestres courantes, eussent pu distinguer les signes de l’organisation de l’immense et catastrophique tempête dont l’observateur était informé de la venue sans en connaître la chronologie. Tout est là, épars mais comme déjà rassemblé par un fil invisible, prêt à se réunir, s’intégrer, se fondre en une dynamique irrésistible, universelle, inarrêtable telle qu’on la voit naître, cette dynamique que nous caractérisons de “surpuissante” pour ce qui est de l’énergie qu’elle rassemble avant d’en faire usage ; cela, parce qu’il est décidément dans nos habitudes dialectiques de faire s’équivaloir, au bout du compte, l’une alimentant tragiquement la seconde, cette notion de “surpuissance” et cette autre notion d’“autodestruction”, la première engendrant la seconde comme une Gorgone enfante son monstre de rejeton ; et celle-ci, la Gorgone, ricanant et lui disant : “Au plus tu deviens fort, au plus tu te détruis car ta force, par sa démesure, par l’hybris qui la caractérise, écarte l’harmonie, l’ordre et l’équilibre, pour faire se retourner et sombrer le titan des mers.”
Ainsi peut-on déjà résumer le destin de la chose, parce qu’il apparaît complètement évident que rien d’autre que cette dynamique autodestructrice, dans cette équivalence “surpuissance-autodestruction”, ne peut apparaître, naître, grandir et se développer, et enfin accomplir son destin. Nous sommes ici, dans ces pages et entre ces lignes, pour conter une aventure dont le terme est connu des dieux depuis l’origine d’au-delà de l’origine, dans cet au-delà du cosmos où il n’y a pas d’origine comme il sied à l’Éternité, une aventure terrestre qui a été conçue justement pour parvenir à ce terme.
Notre tâche est donc de reconstituer le récit épique d’une tentative monstrueuse et vouée par avance à l’échec, mais dont nous fûmes et sommes encore le champ de la bataille indescriptible dans un ouragan de souffrances et de perception du tragique que l’on nomme “la vie”, cette tentative dont le terme scellera le destin. Cette proximité implique que nous avons, d’une certaine façon carte blanche pour cette tâche, avec certaines indications qui sont comme des sous-entendus et des “cela-va-de-soi”, mais sans que nous sachions rien de la façon dont se manifestera l’inévitable issue de l’effondrement (nommément, dans notre code dialectique : la Grande Crise de l’Effondrement du Système [GCES], ou dit également ‘GrandeCrise’). L’expression même qui est choisie pour l’origine de la séquence métahistorique, du “déchaînement de la Matière”, signale qu’il est question de la matière en général (ici non-majusculée au contraire de l’emploi qui en est fait dans l’expression, donc d’un emploi contraire du majestatif respectueux et apaisé, parce qu’étant au contraire d’un majestatif horrifié et tragique). A ce point, notre travail va porter sur la question de la matière par rapport à ce que nous avons évoqué précédemment, – la “question de la matière” par rapport à l’Éternité et sa messagère sublime qu’est la Nostalgie… On comprendra enfin et assez vite, à mesure qu’on avancera dans ces pages et ces lignes, que, par “matière”, et avant d’en venir à d’autres échéances, on signifiera que c’est la matière même de notre histoire, de l’histoire de notre effondrement, observée d’une position de métahistorien que les événements si puissants et si immédiatement métaphysiques nous permettent de tenir. Notre faiblesse extraordinaire, nos angoisses et nos lâchetés, dans ces instants de transcendance métahistorique, ne paraissent plus qu’anodines anecdotes, alors que l’humain parvient à se détacher de lui-même, à se sortir de lui-même pour se forcer lui-même à mériter cette transcendance.
(Voyez combien se mélangent des traits antagonistes dans la hauteur des valeurs, certains si bas, si misérables, d’autre brusquement vous imposant une ascension sublime et irrésistible. Nous sommes des jouets de forces insoupçonnables et indicibles, mais soudain le jouet se transformant en un cœur brûlant d’une matière transcendée [le rôle dévolu à la matière !], en porteur de missions sacrées voulues par les dieux, emportés, grandis par l’exaltation du devoir à accomplir ! Soudain devenant nous-mêmes, c’est-à-dire bien plus que nous-mêmes puisque libérés de nous-mêmes !)
L’on comprendra également que l’expression de “déchaînement de la Matière” trouve l’essentiel sinon l’exclusivité de son sens dans l’élément dynamique qu’implique le “déchaînement”. C’est dire si la “matière” majusculée en “Matière” n’est nullement, ni condamnable, ni même coupable d’une culpabilité qui aurait échappé à la sagacité des juges sis sur les marches de l’Olympe… Elle est victime, trompée et pervertie par des manigances qu’on ne peut qualifier que de diaboliques. Elle ne peut être, elle, jugée sur ce qu’elle n’a pas commis, là où elle n’a été qu’instrument, et cela sous l’action des manipulateurs que sont les différents thuriféraires de la modernité, ouvrant ainsi des fissures mortelles dans leur Grand’Oeuvre qu’ils jugeaient irrésistibles, laissant subversion et inversion du Diable s’installer et préparer cette dynamique qui fera de la matière un “déchaînement” terrifiant.
...en y revenant puisque la chose fut déjà évoquée, sur l’aspect de cette expression du “déchaînement de la Matière” dans le cadre de la question générale de la matière à partir d’un simple code orthographique ; c’est-à-dire, cette interrogation : pourquoi ici “Matière” avec une majuscule, et là sans majuscule ? Nous avons levé un coin de l’approche choisie, je dirais même de l’approche qu’il m’a été imposée de choisir, dans deux passages précédents de ce Tome-III/1, que je rappelle en les mettant en évidence par l’emploi de l’italique :
• « Ici, aussitôt une précision concernant “mon”-orthographe dans cet ouvrage, une question de majuscule qui nous évitera des reprises d’explications bien longues… C’est pour cette opération de la matière “au niveau le plus bas” “devenant Esprit” que “matière” ne devient pas “Matière” majusculée comme l’on serait tenté de faire : cette majusculation est réservée à autre chose, à son exact contraire comme on verra plus loin [la majuscule du “déchaînement de la Matière” qui est chose diabolique, comme l’on sait, et qui mérite une majuscule satanique pour donner à mesurer la puissance de l’ennemi] ; “matière” devenant “Esprit”, tout au contraire de la substance à l’essence, la matière à partir de quoi se fait la transmutation est et reste informe, et je dirais presque modeste, humble, et son élévation la fait Esprit en la sortant décisivement de sa situation de matière, et la transmutation est aussi une séparation décisive ; ce n’est pas de la matière se prétendant Esprit en se majusculant Matière, faux-Esprit qui reste matière et vraie-Matière, qui est ruse du diable et rien d’autre... »
• « Où l’on voit, comme suggéré plus haut et ici avec nécessité de redite pour que l’insistance donne forme à la démarche, que rien n’est dit sur la matière ; où l’on voit, en d’autres mots plus décisifs, que la Matière-majusculée que nous-mêmes avons proposée comme instituée dans notre terrible époque est le Mal jusqu’à être le Tout de cette terrible époque ; où l’on voit alors, et cela est absolument et tout simplement décisif, que la Matière-majusculée, si elle est le Tout de cette terrible époque, n’est pas toute la matière. Encore et encore, avec toute la force qui me reste, que me laisse le fond de mon âge finissant, je proclame cette fondamentale distinction comme étant l’un des phénomènes les plus importants de la conception générale que je me fais du monde. Il me faudra bien revenir [c’est le cas ici, en juillet 2022] sur cette problématique, sur le fond, – je l’espère, plus loin dans ce Tome III de ‘La Grâce’ si le Temps me laisse un peu de sa grâce ; il faudra bien se plonger dans l’épreuve incroyable et inestimable de la définition de la matière dans toutes ces nuances essentielles que je ne fais [ici que survoler, que frôler]. Au bout du compte, le Tout de cette ambition [qui est de distinguer et de séparer le “Tout de cette terrible époque” du Tout de la matière] dépendra du temps qui m’est encore laissé… »
D’où il ressort, pour mon compte, qu’à l’origine, si ce terme de “matière” est utilisable dans ce cas avec cette orthographe ‘démajusculée’, la matière est pour moi chose inerte et neutre, une sorte d’outil inemployé, sans forme mais nullement informe puisqu’ayant en lui toutes les possibilités de toutes les formes, préposé éventuellement pour un vaste dessein, que l’on peut utiliser dans le but de la création de quelque chose, et même de toute chose. A partir de là, tout commence…
En quelque sorte, on serait conduit à dire que la matière est “à prendre”, un peu comme les terres d’un continent inconnu où nulle vie ne se manifeste s’offrent aux explorateurs nouveaux-venus, intrigants, rapaces, curieux, missionnaires, méditatifs, ouverts à la spiritualité du monde ; qu’elle est “à prendre” comme le pouvoir dans les époques où la décadence se fait dégénérescence, où le vice se fait perversion ; la matière est neutre, “à prendre” et, de plus, elle est “vierge”, c’est-à-dire à la fois pure et neuve, mais aussi forme du foyer et du feu sacré comme la déesse Vesta. Je considère la matière comme une chose aux multiples possibilités, une informité aux multiples possibilités de formes ; elle n’est pas vraiment un commencement, elle est plutôt un Rien venu d’où la raison et la mémoire humaines ne savent rien, venu d’un espace où nul lieu n’existe, – “où se trouve le où” ne peut être déterminé ni identifié, où le “Rien” n’est pas rien mais dans l’en-deça du “Rien”. Quoi qu’il en soit la matière est grosse, comme l’on dit d’être fécondée malgré qu’on la dise vierge, d’une infinité de possibilités, et c’est bien ce contraste qui constitue, “à l’origine” de la conception que j’en ai, sa marque la plus extraordinaire.
En d’autres termes, “à l’origine”, la matière n’est ni Bien, ni Mal, – vierge de ceci et de cela, informe et insaisissable – mais elle a en elle la potentialité de l’éternité, – une infinité de possibilités.
De même se pose la question : la matière a-t-elle une essence à l’origine ? C’est un de ces mystères, sinon le Mystère de la matière dont je dis ou laisse entendre par ailleurs, immédiatement plus haut, qu’elle n’est pas un commencement, que l’expression “à l’origine” n’est pas pour elle mais seulement pour “la conception que j’en ai”.
La matière est l’outil du monde, ce par quoi l’Unité originelle qui engendre l’univers sans commencement ni fin entend que l’on agisse pour accomplir la tâche dont on a la charge. Vous noterez combien il n’est, jusqu’ici, guère question d’esprit au sens humain du terme dans le sens que nous, les humains, nous lui donnons ; combien, à cet égard et de ce point de vue de l’exploration des choses selon la méthode qui me guide, la matière précède l’Esprit qui peut alors, dans cet arrangement, être majusculé en Majesté.
(Bien entendu encore, cette formule n’a strictement aucun rapport avec “l’existence précède l’essence” de l’existentialisme ; la matière originelle dont je parle, qui précède l’Esprit, n’a aucune forme, aucune existence, aucune pseudo-ontologie qui accoucherait par une opération d’un pseudo-Saint-Esprit de l’Esprit lui-même, pseudo accouchant du Vrai, simulacre vomissant la Vérité, – combien de paradoxes et de contradictions insupportables ! Le cas exposé dans ces lignes n’a aucune affinité, aucune proximité, aucune complicité avec l’appréciation existentialiste pris comme contre-exemple ; le cas est celui d’une vision poétique, l’existentialisme est une explication philosophique.)
(Bien entendu encore et toujours, on me comprend : je parle pour mon compte, selon ce que je nomme un peu audacieusement ma “méthode”. Cette exploration à laquelle j’invite mon lecteur n’est en rien le fruit direct de l’enseignement divin ; même si cet enseignement existe évidemment, assurément et absolument ; même si cet enseignement existe quelque part et partout à la fois, – la façon de le dispenser après qu’il m’ait été transmis hors de mon vouloir et de ma conscience mais conformément à la grâce de l’intuition, cette façon me concerne. Je suis, comme tout être est ou devrait être, le tacticien d’une stratégie divine, à l’égard de laquelle souvent il m’arrive de montrer de l’inconnaissance dans le sens le plus haut du terme.)
Cela, “la matière précédant l’Esprit”, ne signifie nullement qu’il n’y ait pas de l’esprit dans cet arrangement, voire de “l’esprit épars”, mais que l’esprit n’a nullement ni sa forme, ni sa vertu, ni sa puissance qui en fait l’Esprit pour ce qui nous concerne, nous autres créatures terrestres. Le fait indiscutable et d’un poids considérable dans cette “vision poétique” est que nous devons abandonner ce domaine de l’esprit où nous allâmes d’abord nous reconnaître pour nous retrouver en-dessous et décrire cette immense bataille en train d’être livrée, dans laquelle l’esprit en tant que représentation humaine de l’Esprit est menacé jusque dans son essence. Il y a quelque chose de la bataille suprême ! Je parle là aussi bien en théorie et en conviction, qu’en commentaire des événements terrestres en train de se dérouler, littéralement lecteur, “sous nos yeux”, comme je dirais “sous mes yeux”. Il s’agit bien d’une réflexion qui concerne une origine qui n’a aucun rapport avec la chronologie des Temps à l’origine, rien de temporel sur l’échelle métahistorique ; et qui a d’autre part un rapport direct, presque vertigineux dans sa sollicitation dans une existence, avec les Temps Présents parce que leur marque est celle de la GrandeCrise de l’effondrement d’une civilisation sans égale dans sa prétention à être universelle et absolument finale comme en éternité.
D’un autre point de vue, qui est finalement et profondément celui de cet ouvrage où l’on mêle les origines non chronologique de toute chose et le fracas des Temps Présents, cette orientation de notre intuition poétique fait écho à celle que nous avons décrite dans les parties précédentes de ce Tome-III où notre ascension vers une éternité qui nous mettrait proche de l’Éternité elle-même constituait un lien entre la Terre et le Ciel. Ce lien est le nœud central de l’intrigue de ce récit et celui par lequel j’entreprends cette expédition à la découverte de ce que recouvre en vérité, je veux dire dans toute sa vérité, ce concept de “déchaînement de la Matière” dont j’ai fait tant l’usage et qui m’a semblé être comme une sorte de “sésame, ouvre-toi” des différents mystères du monde auxquels il m’a semblé que j’étais confronté. Dans ce cas, le “déchaînement de la Matière” qui singe le Mal-Absolu se découvre vertueux en éclairant par son contre-exemple des perspectives uniques.
Cette fois, je le sens bien, il s’agit du Mystère du Monde, et le “déchaînement de la Matière” mérite bien son nom, et toute la tension, toute la dynamique explosive qu’on lui devine. Le “déchaînement de la Matière” ou l’ultime et décisive tentative de l’antiMonde pour détruire l’Éternité… C’est bien ce que nous sommes en train de vivre et dont il m’importe de m’en faire le commentateur empressé et méthodique, presque comme l’on dit d’un très-vulgaire “commentateur de la presse quotidienne”, et pourtant ce commentateur élevé jusqu’à ce que j’ai nommé “âme poétique”.
...comment une phalange d’entités destructrices réunies comme autant d’Orques-généraux chargés d’unités diverses presque au sens militaire du mot, et rassemblés dans le Poste de Commandement Général du Mordor, – connu sous le surnom symbolique et puissant, et logique par ailleurs, de “l’Entité”, – comment cette assemblée, dans un mouvement d’unanimité retrouvée lorsqu’il s’agit d’en finir avec ce défi de l’Éternité qui interdit tout espoir de réussite de leur entreprise, décidait enfin de lancer le concept, d’appliquer le plan diabolique du “déchaînement de la Matière”.
L’un d’eux dit, se levant brusquement comme le diable jaillit de sa boite, emporté, possédé avec des éclairs dans les yeux, brandissant sa main fermé en un poing comme s’il s’agissait d’une épée maniée comme une masse d’arme :
— Puisque la matière est à prendre, prenons-là ! Et ornons-là d’une majuscule irrésistible !
Et tous, conquis, emportés, subjugués comme devant une sorte de totem, de simulacre peint sur la paroi de la profonde caverne platonicienne, de s’écrier :
— Matière ! Matière ! Toi seule peut accomplir notre dessein secret…
On dit même que certains, sans soucis du ridicule qu’ils offraient ainsi en spectacle car ils étaient fort laids, difformes et monstrueux, le mouvement brutal et la posture sans grâce, se levèrent et dansèrent, scandant selon ce rythme satanique qui leur convient si bien :
— Dessein sacré ! Dessein sacré !
(Ici apparaît le quiproquo fondamental qui va marquer cette séquence de l’aventure : s’il s’agit certes et bien entendu d’un “dessein secret”, je crains bien que nombre d’oreilles inattentives et d’yeux trop vite assurés d’eux-mêmes aient entendu et lu : “dessein sacré”. La différence est de taille entre ce qui est directement du domaine de la sacralité de l’esprit, et donc directement producteur de la spiritualité jusqu’à en baigner notre âme poétique, et ce qui dépend de la seule lourdeur de l’humain devenu bureaucrate du Système-Pentagone, qui fait l’important en proclamant inaccessible au commun [“secret”] des artefacts de sa production, lesquels pourtant ne témoignent que de la vanité de son destin ; déjà, l’on distingue les limites de la vivacité de l’esprit du Démon, car le quiproquo est bien peut-être, également et même d’abord, le pot-au-rose… Parole fameuse [pour mon compte] de Guénon :
« On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature... »
Le fait indéniable est que les participants à cette réunion de “L’Entité”, les Orques-généraux rassemblés autour de lui, décidèrent aussitôt de toutes les dispositions comme l’on prépare une opération de guerre. On voit que le récit prend ici un tour plus réaliste, quoique certains y verraient du genre de la fantasy comme Hollywood nomme les enfants difformes et américanisés nés de l’œuvre de Tolkien préalablement passée au scanner de la modélisation ‘esthétique’ (quel mot étrange dans ce contexte) qui est de règle dans ce même Hollywood. Il ne m’étonnerait pas non plus que les protagonistes que je décris, les Orques-généraux, soient effectivement de cet état d’esprit et de ce niveau de l’esprit, comme créatures d’horreur et d’erreur hollywoodiennes.
Quoi qu’il soit de ces considérations annexes, il reste qu’il me paraît essentiel de proposer une justification à un tel changement d’atmosphère, de rythme et de structure du récit, – même s’il ne s’agit que du temporaire. L’essentiel est que cette justification permet d’aborder certains sujets nécessaires à la compréhension de l’ensemble.
Il me paraît extrêmement utile, de ce point de vue, d’ainsi identifier et d’incarner le regroupement des créatures terrestres, ou pseudo-terrestres si l’on veut rester prudent, qui constituèrent la force motrice initiale du “déchaînement de la Matière”. Il est extrêmement important, pour notre compréhension des événements en cours, de se convaincre par toutes les sortes possibles d’arguments, de paraboles et de convictions, qu’il y a nécessairement dans cette immense Crise Générale, ou GrandeCrise, dont nous voyons le paroxysme une intimité des actions et de leurs effets entre l’humaine espèce et les créatures d’en-dehors de notre monde, des espaces divins et maléfiques, avec toutes les nuances, les échappées, les enfers et les rédemptions, les politiques et les soumissions qui caractérisent cet extraordinaire instant de rassemblement et de connexion de ces deux étages du cosmos.
Il doit même être concevable qu’il existe une sorte d’“éternité” (identifiable par l’usage de la minuscule en tête du mot) constituant un sas d’accès à l’Éternité elle-même, comme on a pu le deviner dans les parties précédentes, et que la Nostalgie est la principale, voire la seule porte d’accès à cette “éternité humaine”, ou “pré-divine”. On observera qu’un auteur comme Mircea Marghescu, dans son Homunculus, qui est présenté comme une « critique dostoïevskienne de l’anthropologie », évoque une “immortalité” du monde paysan incarnée par les gestes mille et mille fois répétés, les observations du monde, de l’évolution des éléments de la vie, du climat, dont la connaissance est héritée de la continuité de la Tradition, qui le rapproche évidemment de la notion d’éternité ; encore Marghescu y met-il des formes très humaines qui nous conviennent parfaitement, en relativisant cette notion, justement en la faisant “plus humaine” et donc nous rapprochant de notre propos :
« La pérennité du monde paysan pourrait faire croire à son immortalité comme ses rythmes lents font croire à sa paix : mais cette pérennité n’est due qu’à l’effort permanent et conséquent du paysan pour la maintenir aux gestes accomplis rituellement de génération en génération le long des siècles. L’immortalité du paysan n’est pas donnée, mais, à tout moment, conquise. »
… Mais où l’on voit par conséquent cette précision essentielle qui semble “relativiser” l’“éternité” sous la forme de l’“immortalité”, – puisqu’elle « n’est pas donnée, mais, à tout moment, conquise » ! C’est une entreprise importante, une audace considérable de suggérer qu’une chose “relative” à l’activité humaine puisse être qualifiée d’“immortalité”, qui est au moins un premier pas, ou bien dirions-nous le “dernier pas” de l’“éternité” comme “sas d’accès à l’Éternité elle-même”, le pas qui ne finit jamais, et alors la voie étant ouverte vers une rencontre avec l’Éternité. Enfin, l’on comprendrait peut-être alors vers quel chemin ma plume et les mots qu’elle trace vont orienter ma pensée. Effectivement : cette idée de l’“immortalité” que donne le respect de la Tradition, et qui ouvre la voie à cette “éternité” mi-figue mi-raisin, un pied ici-bas et l’autre dans l’au-delà, signifie pour nos comploteurs du Mordor décidés à utiliser l’arme de l’inversion que quelque chose dans l’humaine nature peut être confisquée par des bandes habitées par des ambitions machiavéliques et diaboliques comme sont les leurs justement, pour servir à trafiquer la matière à son avantage, et en faire la Matière ; et la faire “se déchaîner”, pardi !
Je viens d’écrire un mot révélateur : “nos comploteurs”, parlant des Orques-généraux réunis en congrès. Certes, ils complotent ! L’on comprend aussitôt que nous évoquons un domaine fondamental qui, selon la dynamique de la pensée commune de ces derrières décennies et bien que la tendance eût existé depuis les origines, a pris un essor prodigieux dans le commentaire et l’enquête continuelle auxquels nous soumettons la Grande Crise générale que nous vivons (dite plus précisément GCES pour Grande Crise d’Effondrement du Système, ou bien ‘GrandeCrise’ pour faire bref). Il s’agit du domaine fondamental de ce que l’on qualifie de “complotisme”, développé, étiré, sucé de toute sa supposée substantifique moelle à mesure que s’effondrait dans la doxa officielle la notion de Vérité et que la réalité du monde était pulvérisée par les narrative façonnées comme de la terre glaise et représentées comme le marbre du spectacle du monde, et cela rendu possibles par les moyens de la communication, par l’épouvantable déchaînement du technologisme comme avancée suprême et arme secrète de la Matière, justement moteur de son déchaînement. Ce terrible phénomène s’effectuait dans le cadre de simulacres que nos esprits enfiévrés et comme sous l’empire d’opioïdes nécessaires à la consolidation de la perception et à l’exaltation de la modernité-tardive, n’ont cessé de créer et de structurer en des mondes parallèles, péremptoires et illusoires, organisant la subversion d’esprits affaiblis jusqu’à ce que le langage de l’époque proposât et généralisât le terme de ‘zombification’ pour qualifier toute cette opération… ‘Opération-Zombification’, comme il disait, croyant poser les fondations du Nouveau-Monde, “Operation-Overlord”.
Donc, la réunion que l’on décrit de nos Orques-généraux est moins d’être un congrès de causeurs qui s’écoutent, mais bien, comme nous l’avons suggéré, un Conseil de Guerre préparant une campagne comme des généraux préparent une offensive décisive. Leur programme de guerre est résumé et symbolisé à la fois par le nom de l’opération qu’eux-mêmes donnent à l’entreprise ; qui pourrait apparaître comme un slogan, comme une accroche publicitaire si vous voulez, comme un étendard de l’américanisme et de la modernité-tardive puisque George W. Bush lui-même en fit, dans son inégalable crétinerie, son étendard glorieux : To Conquer Hearts & Minds.
On verra plus tard dans l’histoire courante, après la Grande Attaque du 11-septembre, que les équivalents des Orques-généraux de l’américanisme conçurent effectivement qu’il pourrait lancer leur “Très-Longue Guerre” selon l’idée de “la Conquête des Cœurs et des Esprits”, c’est-à-dire les organes des peuplades étranges et étrangères, non-US, auxquelles ils iraient porter la démocratie comme on implante d’autorité un organe catégorique bardés de puces contrôleuses et censureuses ; la pratique de la chose prévoyant que l’on ferait pénétrer la démocratie par les fissures des Cœurs et des Esprits, jusqu’à leur complète invasion et leur conversion inévitable qui se ferait sous la forme d’une inversion totale, voire totalitaire. Ainsi y a-t-il un lien indubitable entre nos Orques-généraux qui préparent le “déchaînement de la Matière” et nos soldats de l’américanisme qui jurent avoir identifié le Graal de leur Grand Jeu des conquêtes extérieures, ce qui fournit les pièces principales du dossier à charge des États-Unis d’Amérique, du massacre de leurs Indiens par un protestantisme puritain et sauvage au déchaînement de la bêtise absolument complète du wokenisme, autre aspect du protestantisme puritain et sauvage.
Qu’il en soit ainsi ! En effet, le plan des Orques-généraux est bien que ce déchaînement sèmera une extrême confusion qui, dans ce cas également, permettra à la Matière de tracer son chemin jusqu’à conquête et conversion/inversion complètes des Cœurs et des Esprits des habitants et des citoyens des terres investies. Ces plans sont dressés effectivement au Temps du Déchaînement, c’est-à-dire au même instant antihistorique où est fondée la République Américaniste, qui est une composante de cet événement précisément.
Comment peut-on alors hésiter une seconde à établir un lien serré entre tous ces événements, ces occurrences, ces digressions et ces occasions ? La tâche des Orques-généraux est ainsi de préparer le Temps de l’Inversion (ceux que je désigne comme “nos temps-devenus-fous”) après conquête et conversion des Cœurs et des Esprits. Les habitants et citoyens visés, qui sont des sapiens-sapiens spécifiquement de la modernité-tardive car c’est à cette époque que l’offensive atteindra son plein rendement, à l’orée du XXIème siècle en principe mais peut-être au-delà, sont d’une fragilité reconnue du point de vue de l’étanchéité de leurs Cœurs et de leurs Esprits, de leur défense spirituelle, de leur structuration émotionnelle et affectiviste. Ils céderont, estiment les Orques-généraux, sans opposer de grandes résistances ; ils seront même trompés et séduits, pour certains, tant est grand leur goût du simulacre et tant les Orques-généraux s’y entendent dans ce domaine.
...la forme et l’organisation de leur entreprise qui a si forte partie liée au “déchaînement de la Matière” puisqu’elle en forme les hordes et les bataillons, c’est qu’en se constituant ainsi en ces phalanges guerrières au service du Démon, ces Orques-généraux et leurs troupes sont complètement et absolument mes ennemis. Je les reconnais sans l’ombre d’une hésitation car ma vue est à cet égard aussi perçante que celle de l’aigle. Je les reconnais bien et les tiens pour coupables d’un très grand crime ; ils sont intervenus directement dans l’ordre et l’agencement de la métahistoire, d’une façon telle qu’on peut aisément concevoir qu’ils ont fortement contribué, directement ou indirectement, à provoquer la tragédie qui a privé mon destin d’une référence terrestre stable dans le temps passé. Je les tiens en effet pour responsable, du fait du séisme qu’ils ont déclenché, du malheur qui a frappé ma terre natale et qui l’a effacée de l’Histoire, suivant en cela un puissant courant déstructurant nommé, – quoi d’autre ? – “déchaînement de la Matière”. Ils sont mes ennemis personnels autant que les entités néfastes qui poursuivent le but de détruire par déstructuration et déconstruction la métahistoire jusqu’à l’entropie du monde, c’est-à-dire détruire le monde certes. Ainsi établis-je un lien entre la miséreuse souffrance de mon existence terrestre et le Grand Destin du cosmos emporté dans sa course vers l’Éternité....
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