La grande et la petite Histoire : laquelle est laquelle? (II)

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La grande et la petite Histoire : laquelle est laquelle? (II)

Deuxième partie : les martinistes

Contemporain et ami du comte Joseph de Maistre, qui lui vouait une grande admiration, Louis-Claude de Saint-Martin, fut aussi l’un des Illuminés de Pasqually, avant de créer le mouvement martiniste synarchique. Saint-Martin est un maçon des hautes loges de L’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers. Ces loges, comme nous l’avons vu, sont les plus élevées mais aussi les plus démoniaques. Comme le psychisme scindé en deux, coupé de sa composante réaliste (l’hémisphère gauche de la raison), la théologie des Illuminés s’éloigne totalement de ce qu’elle souhaite défendre, un plan de Dieu bien ordonné et une société juste. Spiritisme, occultisme, dialogue avec les anges et les morts, magie blanche et magie noire, certaines branches de cette secte plongeront dans le satanisme où le sexe et les crimes font partie des rites secrets.

Louis-Claude de Saint-Martin n’ira pas aussi loin, du moins rien ne le laisse entendre, mais sa pensée théologique et spirituelle est totalement confuse. C’est une théologie théiste (hémisphère droit qualitatif) qui est en réaction à l’esprit matérialiste des philosophes encyclopédistes (hémisphère gauche quantitatif) du XVIIIe siècle.

L’illuminisme propose une lecture des concepts chrétiens à la lumière des sciences occultes. L’accent est mis sur l’intériorité et la mystique, en opposition aux formalités scolastiques. Admis dans l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns, Saint-Martin suit la doctrine pasquallyenne qui se présente comme l’indispensable clé de toute théosophie judéo-chrétienne; directement liée aux enseignements d’Égypte, de Grèce et d’Orient. Ce sont les vieux rites magiques kabbalistiques (qui remontent souvent avant l’Antiquité), totalement farfelus pour un cerveau moderne, qui refont surface.

L’Église est dans un tel délabrement spirituel, que beaucoup des croyants, avec capacité de réfléchir, adhèrent au mouvement martiniste dans sa forme visible et sociale, mais non dans la forme occulte qu’ils ne connaissent pas. Nous l’avons vu, les grands initiés émondeurs ne parlent pas de leur plans eschatologiques à la masse informe (nous) les branches qu’ils doivent émonder.

C’est une période de l’Histoire remarquable. Les deux formes de cerveaux, théistes et rationalistes, qui depuis la Grèce antique s’étaient affrontées, deviennent plus dogmatiques avec l’arrivée des sciences. Il y a d’un côté les théistes radicaux, francs-maçons, qui sont dans un délire mystique, alors que dans l’autre camp il y a les philosophes rationalistes et les scientistes qui tentent de tuer la vie affective et Dieu pour ne garder que la mécanique quantifiable. Psychiquement, c’est le plus grand combat dualiste depuis l’apparition de la conscience, depuis l’instauration du patriarcat. Ces deux cerveaux écartelés, incapables de réaliser l’autre dimension, celle qui leur fait défaut, produiront le modernisme. Un modernisme aussi vide d’un côté que de l’autre.

La gnose (le savoir par excellence des initiés) de Pasqually se fonde sur une conception judaïque du monothéisme. Celle de Saint-Martin recentre la problématique du salut gnostique sur le Christ.

Pour résumer la théologie de Saint-Martin, une partie des anges de Dieu tomba dans le péché d’insubordination. Dieu créa un univers pour circonscrire le mal et enfermer les anges déchus. C’est alors qu’il créa l’homme dans sa perfection, Adam. Celui-ci est androgyne, homme et femme (il faut y voir les deux hémisphères intégrés). Il est vice-roi de l’univers et sert de geôlier aux démons déchus. Induit en tentation par eux, il est précipité à son tour dans cet univers où il n’aurait jamais dû demeurer. C’est là qu’il rompt l’harmonie et qu’il devient, divisé, homme et femme séparément; mortel, sujet aux maladies et aux peines. L’homme doit retrouver la grandeur passée et son pouvoir de commander à tous les esprits, bons ou mauvais. Les anges restés dans l’obéissance peuvent aider l’homme, à condition que celui-ci se mette en harmonie avec eux (le débat sur le sexe des anges remonte à cette époque).

Saint-Martin déconseille aux non-initiés les pratiques théurgiques (communication avec les esprits pour avoir leurs pouvoirs) puisque les mauvais esprits peuvent leurrer les non-initiés. On peut voir ici toute la confusion mentale et les dérèglements où peuvent conduire ces aberrantes communications, fruit d’un imaginaire déviant dans la folie.

Ce qui est confondant pour les maçons non gradés, autant ceux de Saint-Martin que de Pasqually ou de Joseph de Maistre, c’est que le bien est prédominant dans la théorie affichée, et le mal caché. La solidarité des rapports humains, la démocratie, l’entraide, l’amour et, bien sûr, l’égalité, la fraternité et la liberté, au centre de la Révolution française, sont le pivot du pacte solennel pour entrer dans la maçonnerie. Il y a un langage sur les droits humains, à la portée de tous, et le langage secret des initiés, imbus de leur propre grandeur spirituelle, qui agissent à la place de Dieu en décidant qui doit vivre ou mourir.

Plus l’on monte dans la hiérarchie, plus les rites sont tordus et la pensée absconse. Quiconque ne pénètre pas l’esprit de la lettre, s’y laisse prendre. Des milliers de maçons croient servir le bien alors qu’ils sont aux mains du mal (mauvaise perception de la réalité). Il est compréhensible qu’à cette époque, encore pleine de noirceur, dominée par une Église devenue perverse, tant de personnes se soient leurrées.

Là où Saint-Martin s’éloigne de Pasqually, c’est dans sa christologie. Une christologie où l’élève dépasse le maître (Jésus), où l’ego prend le contrôle de l’individu. La maladie mentale de Saint-Martin se résume dans cette phrase qu’il prononça : «Chaque homme depuis la venue du Christ, peut, dans le don qui lui est propre aller plus loin que le Christ. J’ose dire que dans le genre qui m’est propre, celui du développement de l’intelligence, j’ai été plus loin que le Christ.» (sic). Quelle arrogance égotique! Cette gnose de Saint-Martin introduit la notion de progrès gnostique et l’évolution spirituelle, qui s’épanouiront aux XIXe et XXe siècles.

Saint-Martin fait du désir et de l’Éros, à l’encontre de tout ce que les grands penseurs spiritualistes ont pu dire avant lui, le moteur du progrès. La forme se substitue au fond. Ces désirs continuellement recherchés mais qui n’apaisent jamais, atteignent leur sommet, quelques siècles plus tard, dans notre civilisation de consommation. Saint-Martin enseigne une gnose qui s’éloigne de la réalité plutôt que de s’en approcher. Cette gnose est celle d’un cerveau dysfonctionnel qui n’a rien à voir avec le développement psychique (l’intégration des hémisphères), qui est le vrai progrès spirituel.

Pour terminer ce court survol de la petite Histoire cachée, j’aimerais vous donner l’introduction du Pacte Synarchique Révolutionnaire Pour l’Empire Français. C’est cette forme, attrayante pour tous ceux qui ne savent pas ce qu’elle implique, qui est le cheval de Troie des maçons. Je vous ai présenté dans un premier temps, l’aspect occulte de la franc-maçonnerie, le langage caché avec toute sa perfidie théologique, maintenant je vous donne le langage officiel de ce double langage, celui réservé aux non-initiés. Des 183 pages de ce pacte, voici les treize points fondamentaux. Le même pacte existe dans tous les pays où les martinistes sont présents. Des dizaines de variantes maçonniques, portant d’autres noms, ont des pactes similaires. Dans ce texte, mes commentaires sont en caractères gras.

Pacte Synarchique Révolutionnaire Pour l’Empire Français

Les Treize Points Fondamentaux

1. Révolution intégrale

Pour l’instauration nécessaire de l’ordre synarchique dans le monde, nous reconnaissons et servons la Révolution intégrale suivant son axe historique en chaque pays. L’ordre synarchique, qui peut être instauré sans violence, exige que la révolution soit ramenée dans l’axe historique du pays dont elle n’aurait jamais dû être déviée et qu’elle soit finalement reconnue dans la constitution du nouvel État comme élément constant de force et de perfectionnement de la vie collective, au même titre que l’élément conservateur et l’élément réformiste.

2. Synarchie révolutionnaire

Nous reconnaissons et servons le synarchisme révolutionnaire comme création continue de l’Empire. L’ordre synarchique, qui s’établit au-delà du socialisme en voie de réalisation, sous une forme ou sous une autre, dans le monde entier, doit marquer d’un caractère impérial accentué, pour les accomplir, toutes les puissances de l’esprit et de l’action révolutionnaire. (Le socialisme dans son essence, car il est parti de ces bases maçonniques, est totalitaire, autant que le capitalisme. Nous entrons d’ailleurs dans une ère de capitalisme d’État; un capitalisme/socialiste tout aussi fasciste et totalitaire. La maçonnerie travaille autant avec la droite que la gauche. La gauche fait la révolution et en subit les conséquences, en détruisant le droit. La droite conservatrice, la noblesse et la bourgeoisie financières, dont les initiés, évitent les conséquences des révolutions, Ils sont les émondeurs et non les branches.)

3. Peuple

Nous reconnaissons le Peuple comme réalité foncière de la collectivité. L’ordre synarchique humanise la révolution nécessaire en reconnaissant et proclamant le Peuple comme sa réalité foncière afin de fonder un régime où tout soit ramené au service de l’homme et contrôlé par le Peuple, mais non par la masse. (Où se trouve la distinction ente le Peuple et la masse? Peut-être parle-t-on des élus, le Peuple élu?)

4. Empire

Nous reconnaissons et servons l’Empire comme la réalité formelle de la collectivité. L’ordre synarchique augmente indéfiniment le dynamisme de la civilisation en reconnaissant et proclamant l’Empire, groupement organique de nations majeures, comme sa réalité formelle la plus complète du stade actuel de la vie mondiale et comme le plus haut facteur de perfection possible de la révolution contemporaine. (L’Angleterre, territoire maçonnique par excellence, d’où le mouvement est parti, travaille depuis toujours à cet Empire du mal (mauvaise perception de la réalité). Les hauts bourgeois financiers de la City et l’aristocratie en sont les fers de lance. La Commission Trilatérale, le Concil on Foreign Relation, la Royal Institut of International Affairs, le Club de Rome, le Bilderberg Group, sont autant de mouvements discrets qui travaillent à l’établissement de l’Empire humaniste des francs-maçons. Beaucoup de participants ne s’en doutent même pas.)

5. État

Nous reconnaissons et servons l’État comme la réalité juridique de la Collectivité. L’ordre synarchique coordonne sans opprimer en ramenant et maintenant l’État au service du Peuple par l’Empire conçu et organisé pour son exaltation glorieuse et son affirmation pacifique dans le monde.

6. Ordre réel

Nous reconnaissons et servons le dynamisme de l’ordre réel qui est partout synthèse d’autorité et de liberté. L’ordre synarchique substitue la révolution des gouvernements à la révolte des gouvernés par une résolution constitutionnelle. Seule cohérente, de l’antinomie naturelle du principe de liberté et du principe d’autorité dont la lutte inévitable et d’ailleurs magnifique tend au maximum pour l’ennoblir les ressorts de la vie collective et de la vie personnelle. (L’ordre synarchique substitue la révolution des gouvernements à la révolte des gouvernés. Quel double langage qui pousse le commun, nous, à la révolte, alors qu’eux, les initiés la réprouvent. Ils sont les émondeurs, ceux qui ne sont pas sur le terrain, mais qui organisent les guerres.)

7. Hiérarchie naturelle

Nous reconnaissons et servons la hiérarchie naturelle des réalités collectives. L’ordre synarchique assure la coopération nécessaire des gouvernements et des gouvernés par l’acceptation virile de la révolution continue, seul gage de paix intérieure, en coordonnant souplement dans l’Empire l’articulation structurale hiérarchisée des réalités du Peuple : états, nations, régions, communes, professions organisées, familles et individus. (C’est l’exaltation de la hiérarchie naturelle et animale des dominants. Les plus forts, contre les plus faibles. Les émondeurs contre les émondés.)

8. Ordres et pouvoirs réels

Nous reconnaissons et servons les pouvoirs réels dans les ordres réels. L’ordre synarchique peut seul socialiser sans étatiser en dégageant, par une analyse et une synthèse dialectique appropriée et par leur constante application révolutionnaire, les quatre ordres constitutionnels des professions organisées, hiérarchisées en principe et en fait (ordre économique, ordre politique, ordre culturel, ordre fédéral), jusqu’à rendre effectif au sein de chacun de ces ordres les cinq pouvoirs réels de toute vie collective de haute civilisation (pouvoir culturel, pouvoir juridique, pouvoir exécutif, pouvoir législatif, pouvoir économique). (Ça dit bien ce que ça ne veut pas dire!)

9. Démocratie véritable

Nous reconnaissons et servons la Démocratie véritable par une juste hiérarchisation à base professionnelle. L’ordre synarchique qui révèle l’ordre réel et peut seul ainsi éviter les révoltes des gouvernés en fondant la justice des gouvernants, postule comme finalité de la démocratie véritable, une société sans classe, mais hiérarchisée et en définit les conditions pratiques. (Ça dit encore très bien ce que ça ne veut pas dire, sans classe… mais hiérarchisée.)

10. Concorde impériale

Nous reconnaissons et servons la concorde impériale dans la coopération des races. L’ordre synarchique tend à créer un climat de paix impériale constante proclamant et réalisant comme la haute raison d’être de l’Empire la coopération des races sous le signe de l’humanisme universel. (L’Angleterre, issue de cette philosophie impériale et maçonnique, a montré avec la Compagnie des Indes orientales et occidentales comment elle traitait les peuples. Les autres pays colonisateurs n’ont pas fait mieux. Disons que la mentalité impériale anglaise est celle qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. L’américanisme est son rejeton.)

11. Loyalisme mutuel.

Nous reconnaissons et servons le loyalisme mutuel dans l’Empire fédératif. L’ordre synarchique, pour sceller la fraternité impériale dans la force en d’indestructibles assises, reconnaît qu’un loyalisme mutuel de tous les peuples dans la fédération ne peut être moralement et pratiquement exigé qu’autant que la métropole l’a rendu possible, mais qu’il doit être tenu comme condition inéluctable de la durée de l’Empire et de sa grandeur. (Un loyalisme imposé par la dictature. C’est le cerveau impérial à l’œuvre. Comme la condition inéluctable ne peut être tenue, tous ces empires qui exigent un loyalisme forcé, s’effondrent.)

12. Économie d’Empire.

Nous reconnaissons et servons l’économie d’Empire ouverte sur le monde. L’ordre synarchique, en vue d’adapter la vie matérielle des peuples aux réalités contingentes du monde moderne, exige l’établissement et le développement d’une véritable économie d’Empire reconnue à la fois comme base primordiale de la prospérité de la métropole et de tous les ressortissants de l’Empire, et comme condition première d’une coopération bénéfique avec tous les autres peuples. (La servitude monétaire des peuples conquis.)

13. Paix mondiale.

Nous reconnaissons et servons la paix comme le haut vouloir de la civilisation mondiale. L’ordre synarchique, qui ne peut se concevoir hors de la paix civilisatrice fondée sur l’honneur et honorable pour tous, exige non pas tant que l’état actuel des puissances soit modifié par un nouveau déplacement des frontières mais que la vie synarchique de chaque peuple soit réveillée en mode original; que l’union fédérative de l’Europe soit réalisée; que la Pan-Eurafrique soit noblement créée par un libre concert de tous les pays de l’Europe et de l’Afrique; qu’enfin, la «société majeure des Nations» soit accomplie et ramenée à sa réalité universelle par l’interposition juridique des cinq «sociétés mineures des Nations» déjà constituées en fait ou en voie de constitution à notre époque.

Voilà pour les treize points fondamentaux de l’ordre synarchique. Le gouvernement mondial est dans l’ordre des choses et le seul moyen, un jour, d’éliminer les guerres et d’instaurer une fraternité mondiale. Mais ce gouvernement ne peut survenir par la force, le secret et le mensonge. Cet Empire financier qui a renversé l’ordre des choses, au début de ce siècle, en s’emparant du pouvoir politique, est voué à la destruction comme tout ce qui n’est pas conforme à la réalité. Le mensonge se retourne toujours contre celui qui le pratique, individuellement et collectivement. C’est un comportement infantile.

Les sociétés de demain s’évalueront à leur développement psychique, là où le qualitatif et le quantitatif travaillent ensemble à l’amélioration de l’individu, qui est à la base de l’édifice social. S’il n’y a pas la compréhension des nouvelles donnes psychologiques, ce sera le retour à la barbarie, une involution, comme l’individu qui entre dans une psychose. De là toute l’importance de trouve les racines psychologiques du mal!

Roger Leduc

(N.B. Voir Première Partie de cette analyse le 25 janvier 2010.)