La guerre après la guerre

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La guerre après la guerre


18 mars 2003 — Après la guerre, vous annonce-t-on, ça va valser. Cette guerre est celle de toutes les “premières”. Une autre “première”, qu’on mesure aujourd’hui : l’impression que l’important n’est pas la guerre mais les règlements de compte qui vont avoir lieu après. Effectivement, la guerre n’est finalement que le courant qu’on nous annonce depuis 18 mois, et les morts seront traités de cette façon, comme de peu d’importance (sauf s’il y a beaucoup d’Américains). Nous continuons donc dans l’“orwellisme”  : la paix (après cette guerre), c’est la guerre, et même la vraie de vraie.

(Nous nous appuyons essentiellement sur le Guardian/l’Observer pour illustrer ces règlements de compte à venir. Le journal londonien assure en général une couverture des événements d’une très grande qualité.)

Règlements de compte ? Nous en voyons trois, tels qu’on nous les annonce. (Mais attention, l’issue n’est pas assurée du tout.)

• La France va payer. A l’issue du sommet-paillette des Açores, cette réunion pour ces chefs d’État et de gouvernement qui voulaient afficher leur détermination, GW a fait une déclaration. Emphase, phrases qui sonnent, impression d’être à Dallas-on-Açores, etc. Et une menace directe contre la France, dans le plus style texan. Règlement de compte en prévision.


« Mr Bush made it clear he had all but given up any hope of a diplomatic deal when he launched an extraordinary attack on France for pledging to veto any fresh resolution which would act as a trigger to war.

» “I was the guy who said we should vote [at the UN] and one country showed their card - it's an old Texas expression when you're playing poker,” he said. “We will just have to take an assessment after tomorrow to determine what that card meant.” »


• Powell devra payer. A Washington, les néo-conservateurs proclament : Powell est le responsable d’un des plus formidables désastres de l’histoire diplomatique US. (Celui de l’ONU : stricto sensu, et sans élaborer sur les véritables responsabilités qui sont évidemment celles d’eux-mêmes, les néo-conservateurs, qui rendent impossible une solution diplomatique, — ils n’ont pas tort.) On nous l’assure à Washington, la tête de Powell est mise à prix, on lui cherche déjà un successeur.

• Blair devra payer. Il n’est pas question, semble-t-il, de le faire tomber durant les hostilités, c’est après que tout va se jouer. Pendant les hostilités, au contraire de Powell, Blair peut encore servir, notamment pour encaisser les critiques qui seront faites contre la participation UK, voire se charger des querelles qui ne manqueront pas entre UK et US. Après, il deviendrait une sorte de kleenex, jetable à merci, comme Powell l’est d’ores et déjà.

Voilà, les affrontements sont en place. Qu’en sortira-t-il ?

• Contre la France, la colère de GW est à double tranchant. On a pu voir que la position française est loin d’être isolée et c’est dans ce contexte qu’il faut envisager cette question. Les circonstances de la guerre, mais surtout les réactions populaires pèseront sur les attitudes des divers gouvernements. Si l’opposition à la guerre se confirme, une pression générale US va encore renforcer l’antagonisme entre les deux pays (USA et France) et va confirmer la France dans son rôle de pôle de la résistance, quelles que soient les intentions initiales de sa direction. Il n’est pas assuré que la pression contre la France sera efficace (qu’elle “fera mal”), les moyens d’action américains étant moins manipulables qu’on pourrait croire. La rhétorique extrémiste de l’administration GW risque d’aggraver la situation, même par rapport à l’épisode onusien. Ce durcissement US pourrait même s’étendre aux autres pays principaux de la fronde anti-US, l’Allemagne et la Russie. Le risque principal d’un durcissement d’après-guerre des USA à l’encontre de la France, du point de vue US, c’est de conforter et d’institutionnaliser l’axe Paris-Berlin-Moscou.

• Si Powell disparaît ou s’il est fortement affaibli, l’orientation ci-dessus sera encore plus marquée. Il est certain que les faucons vont faire peser une pression encore plus forte contre lui parce que leur but n’est pas un après-guerre diplomatique (où le fracas des armes laisse la place à la diplomatie) mais un après-guerre qui prépare un nouvel avant-guerre. C’est un peu ce point qui déterminera le reste : si la guerre contre l’Irak est un but en soi, c’est-à-dire une conquête de ce pays pour y assurer un nouveau régime, avec en plus une relance d’un processus de paix au Moyen-Orient (c’est-à-dire la ligne Powell), la situation pourrait se nuancer et le processus diplomatique reprendre ses droits, sans doute au bénéfice d’un “ordre américain”. Mais selon ce qu’on sait, ce n’est pas la possibilité la plus affirmée, l’autre terme de l’alternative étant, lui, plus évident : une relance des pressions de guerre vers un autre objectif. Dans ce cas, le durcissement de la situation sera général et, effectivement, Powell a toutes les chances d’en faire les frais.

• C’est le membre du Cabinet Peter Hain qui a le mieux défini ce qui attend Tony Blair. Une armistice sur le front intérieur pendant la guerre, ensuite des pressions renouvelées. Ce que préconise Hain, qui représente une tendance centriste dans le parti travailliste, c’est un véritable bouleversement dans la conduite des affaires du parti, avec un virage à gauche et une prise de distance de Washington. Bien entendu, ces exigences seront encore plus fortes si Washington relance sa poussée belliciste vers un autre objectif. Si l’on s’en tient aux termes qu’expose Hain, un Tony Blair qui se maintiendrait au pouvoir serait un Tony Blair diminué, obligé de composer avec son parti.


« After the war is over, though, Mr Hain makes clear that the ''trajectory of the government'' will need to be changed in order to enthuse party activists. ''We'll have to make it clearer that we are a party that believes in redistribution of wealth and income.''

» He suggests that part of the reason why so many Labour supporters are not backing Mr Blair over Iraq is that they have become disillusioned with the government.

» Mr Hain warns fellow ministers against ''any triumphalism'' after the war, and calls for ''lines in the sand'' with Washington over other issues, such as the Kyoto protocol. »